Macron : cap vers le XIXème siècle !?

Hollande Sapin et Macron

Alors que tombent les décrets d’application de la première « loi Macron », à commencer par ceux qui concernent le travail de nuit et du dimanche, la bourgeoisie ne cache pas ses attentes de voir dynamité toute la législation sociale acquis de plus d’un siècle de luttes ouvrières.

Déjà en février 2015, commentant la première loi Macron alors en discussion, l’ancien conseiller de F. Mitterrand, J. Attali, avait souligné qu’elle était de son point de vue très insuffisante ! Auteur en 2008 d’un rapport commandé par N. Sarkozy, Attali ajoute, sous Hollande, qu’il faut aller beaucoup plus loin et s’attaquer à la « réforme de la formation professionnelle ».

C’est ainsi qu’E. Macron, ministre de l’économie du gouvernement Hollande-Valls, se lance dans un vaste projet d’inversion des normes juridiques dans le droit du travail. Si ce chantier de démolition était mené à son terme, le contrat se substituerait au Code du travail.

On en reviendrait ainsi au « contrat de louage de service » qui était la norme pour les ouvriers et employés avant les années 1900 et, M. Valls est clair sur cette question, la négociation de branche voire d’entreprise tendrait à se substituer à la loi et au règlement qui ensemble constituent le Code du travail.

Sur cette question se rejoignent donc des forces politiques qui, toutes, sont au service des intérêts capitalistes. Ainsi, selon le MEDEF et « les républicains », le Code du travail est trop épais. F. Bayrou, président du MODEM, en a même fait son cheval de bataille arguant que le Code du travail suisse ne ferait que 200 pages, contre plus de 3000 en France.

Sauf que la Suisse n’a pas de « Code du travail » et que la législation sociale des cantons helvétiques est une des plus libérales, assez peu protectrice pour les travailleurs, c’est certainement cet aspect qui retient l’attention du politicien démocrate-chrétien.

En effet, cette référence récurrente à la Suisse n’est pas un hasard : le droit social s’y appuie sur le contrat individuel (qui peut être oral !), et des conventions collectives. Là-bas, pas de salaire minimum, le temps de travail est fixé à 45 heures et les congés à 4 semaines. Les licenciements peuvent être à effet immédiat sans que l’employeur n’ait à fournir de justification !

Au demeurant, il n’aura échappé à personne que les plus gros ajouts au Code du travail ces dernières années concernent la multiplication des dérogations. Elles permettent aux capitalistes d’échapper à la norme et que des pans entiers du Code du travail ne soient que la transcription de mesures favorables aux capitalistes comme l’ANI, le CICE ou même… la loi Macron.

Le gouvernement Hollande-Valls-Macron s’engage ouvertement dans une offensive d’envergure contre le statut de la Fonction publique et contre le Code du travail. Il s’appuie sur les préconisations du « rapport Attali » de 2008, rapport qui n’est qu’une compilation des recommandations de l’OCDE et de l’Union Européenne auxquelles J. Attali a simplement donné un label d’expert « indépendant ». Indépendant de qui ? Pas du capital en tout cas !

Nous voyons bien que, confrontés à la crise insurmontable d’un mode de production dépassé, les capitalistes cherchent à reconstituer leur taux de profit en augmentant l’exploitation du travail salarié : la liquidation pure et simple du Code du travail, avec toutes les normes qu’il contient (contrat de travail, salaire, temps de travail, etc.), est leur objectif de plus en plus assumé.

Assumé, car les dirigeants des organisations syndicales ayant pour vocation d’organiser les travailleurs pour qu’ils défendent collectivement leurs intérêts matériel et moraux, ces dirigeants sont extrêmement discrets sur la nécessité d’organiser tout de suite la riposte et laissent faire en réalité le gouvernement et le MEDEF.

Ces dirigeants sont-ils convaincus qu’appeler à la mobilisation pourrait, dans les circonstances politiques actuelles, provoquer un mouvement qui rapidement pourrait chercher à balayer le gouvernement et le régime vermoulu de la Vème République ?

En tout état de cause, les projets du gouvernement Hollande-Valls-Macron doivent être combattus et la loi Macron doit être abrogée, les dirigeants de toutes les organisations syndicales ne devraient-ils pas appeler dans l’unité à la mobilisation jusqu’au bout dans ce sens ?


« Ubérisation » ?

De nombreuses dispositions de la première mouture de la loi Macron, centrée sur le commerce, s’attaquait aussi à des professions réglementées dans le domaine des services, encore une mesure préconisée par le rapport Attali, une mesure qui a été mise en œuvre en Italie, par exemple, après 2008. Il faut donc s’attendre à voir le gouvernement revenir à la charge.

En effet, ce qu’on appelle l’« ubérisation » de l’économie n’est certainement pas une organisation dans laquelle les intermédiaires disparaîtraient ce qui, selon ses partisans, « profiterait » aux consommateurs et à des personnes à la recherche d’un emploi ou d’un complément de salaire dans des secteurs, selon eux « fermés ».

Au contraire, c’est un processus économique impulsé par la haute finance qui dispose des moyens sans limite que lui procurent les banques centrales – à l’image de la BCE. Elle cherche à utiliser la masse des chômeurs et des travailleurs aux conditions de vie précaires en les mobilisant pour remettre en cause les travailleurs qui exercent une « profession réglementée » qui est pressentie comme pouvant être particulièrement rentable pour les capitalistes à condition d’être déréglementée.

C’est une conception de l’économie dans laquelle chaque secteur est confronté à une attaque qui vise, à terme, à imposer un intermédiaire unique. Celui-ci dicterait ses conditions à une myriade d’auto-entrepreneurs précarisés à outrance, d’une part et, d’autre part fixerait un prix exorbitant à des clients qui n’auraient plus d’autre choix que de s’adresser à lui.

L’« ubérisation » étend le modèle de la grande distribution à tous les secteurs économiques, y compris ceux contrôlés par la petite bourgeoisie (artisans et professions libérales) : une course frénétique à la concentration capitaliste est engagée.