Revue de Presse Sociale – Décembre 2018
«La lutte de classe est nationale dans sa forme et internationale dans son contenu» K. Marx
le 15 novembre 2018
Dans la situation sociale actuelle, un des aspects les plus frappants est assurément l’opposition entre, d’une part, les actions menées à la base par de larges secteurs de la classe travailleuse et la jeunesse et, d’autre part, la politique menée par les directions politiques et syndicales. Plus les premiers se montrent combatifs et déterminés pour s’opposer aux mesures anti-ouvrières et anti-démocratiques patronales et gouvernementales, plus les seconds s’empressent d’aller s’asseoir autour d’une table pour « négocier » les contre-réformes avec le gouvernement, tout en disant que les travailleurs ne sont pas prêts à se mobiliser.
Depuis de longs mois maintenant, la situation sociale est marquée par une multiplication impressionnante des conflits sociaux, comme nous le mentionnons régulièrement dans cette rubrique. Tous les domaines et tous les secteurs économiques sont touchés : transports (encore récemment à Rennes, Nîmes, Lyon), santé (des centaines de grèves depuis le début de l’année), éducation, administrations, poste, industrie, commerce. Les revendications sont nombreuses. Et si, à première vue, on peut penser qu’il s’agit de luttes indépendantes les unes des autres, on constate que les revendications vont toutes dans le même sens : exigence d’augmentations de salaire, d’embauches supplémentaires, refus des fermetures d’entreprises et des réorganisations de services, refus du travail du dimanche, mobilisation contre la répression antisyndicale etc.
Dans le cadre de la crise structurelle du capitalisme – l’entrée dans une nouvelle phase encore plus grave de la crise étant probable très prochainement de l’aveu même des économistes bourgeois – les mobilisations des travailleurs et des jeunes se font parce que ceux d’en bas n’en peuvent plus de leurs conditions de vie et de travail. C’est pourquoi toute mobilisation, toute revendication pour l’amélioration des conditions de travail, pour les salaires etc. prend immédiatement un tour politique. Exiger une augmentation de salaire, s’opposer à la réorganisation d’un service ou à la fermeture d’une entreprise, ce n’est pas simplement s’affronter à son patron, à son chef de service, aux actionnaires, c’est aussi s’affronter à la politique du gouvernement.
En ce sens, ces conflits s’inscrivent dans un contexte plus large de mobilisations aux revendications démocratiques et politiques. C’est le cas de manifestation et des actions de soutien et de solidarité avec les migrants. Il y a quelques jours encore des militants ayant montré leur solidarité envers des migrants ont été jugé à Briançon : ils ont été soutenus par des milliers de manifestants venus de tout le pays.
C’est aussi le cas des manifestations à Marseille contre le logement insalubre, après l’effondrement de trois immeubles dans le vieux quartier de Noailles. Les 10 et 14 novembre, des milliers de manifestants sont descendus dans les rues pour dénoncer la corruption autour de la spéculation immobilière et ont exigé la démission de Jean-Claude Gaudin, maire de la cité phocéenne depuis 1995.
C’est aussi le cas de la forte mobilisation pour la sauvegarde d’une maternité du Blanc dans l’Indre. On pense aussi bien évidemment à la mobilisation des gilets jaunes, qui regroupent de nombreux travailleurs, qui n’ont d’autre choix pour aller travailler, faire leurs courses, se soigner que de prendre leur voiture et subir la hausse des prix de l’essence, et ceci alors que les services publics, les administrations et les transports publics sont supprimés en raison des coupes budgétaires opérées par le gouvernement.
Chez les enseignants, les images montrant l’agression d’une enseignante par un élève dans un lycée de la région parisienne a déclenché un mouvement spontané de réactions de la part de nombreux personnels de l’éducation nationale dénonçant la passivité de leur hiérarchie. Mais en creux, ce sont les organisations syndicales qui sont montrées du doigt. Depuis des années plutôt que d’organiser la lutte contre le démantèlement de l’enseignement public, elles acceptent de négocier les remises en cause des statuts, l’augmentation du temps de travail, la baisse généralisée des moyens, la précarisation des personnels.
L’ensemble de ces mobilisations, de ces luttes, de ces grèves vont dans le même sens : elles s’opposent frontalement aux politiques gouvernementales intégralement au profit des grands capitalistes, elles s’opposent aux directives européennes de privatisation des services publics et de remise en cause des droits des travailleurs. Elles s’opposent aussi, dans les faits à la politiques des directions des organisations syndicales.
C’est tout cela qu’il faut avoir en tête pour mesurer l’immense responsabilité qui est celles des directions politiques et syndicales dans la situation sociale actuelle. En effet, alors que les mobilisations sociales et politiques se comptent par dizaines voire par centaines chaque jour à travers le pays, alors que des secteurs entiers sont déjà en mouvement contre les politiques gouvernementales (santé, éducation, transports en particulier), les directions syndicales, toutes les directions syndicales jouent le jeu du « dialogue social » avec ce gouvernement archi-minoritaire, archi-affaibli, pour lui sauver la mise.
La politique actuelle des directions syndicales cherche bien à diviser, démoraliser les couches les plus déterminées des travailleurs capables d’entraîner les autres avec eux dans une mobilisation d’ensemble. Les techniques sont connues : journées d’action sans lendemain comme ça a été encore le cas le 9 octobre dernier, éparpillement des dates. Les tactiques de dévoiement consistent également à chercher, de la part des militants politiques, à enfermer les luttes sociales dans la voie sans issue et institutionnelle que représentent les élections, la prochaine échéance étant celle des élections européennes, comme s’il était possible de réformer la la moribonde Union Européenne.
L’enjeu aujourd’hui pour les travailleurs et les jeunes, c’est bien de mettre un coup d’arrêt à la politique du gouvernement. Ce dernier, avec l’aide explicite des directions syndicales, veut remettre en cause, ni plus ni mois que l’assurance chômage, la sécurité sociale, le système de retraites par répartition, le statut de la fonction publique. Face à cela, il faut, de manière urgente, s’organiser, s’appuyer sur le mouvement réel des travailleurs, lutter pour unifier par le bas les mobilisations et les revendications : en d’autre termes s’atteler à construire la grève générale. La très longues listes des grèves et des mobilisations indique que les conditions sont plus que réunies pour atteindre aller dans ce sens.