Abstention militante pour Macron démission – Édito de l’Internationaliste 184
Les directions syndicales confédérales, en particulier CGT et FO, débordées par l’activité révolutionnaire des masses de ces dernières semaines, trahissent purement et simplement les intérêts de la classe ouvrière et du prolétariat, et tentent de contenir vaille que vaille la poussée vers la grève générale. Elles s’érigent ainsi en pilier des institutions moribondes et anti-démocratiques de la 5e République, et contre l’exigence démocratique majoritaire : Macron démission !
Plus les travailleurs vont à gauche, plus les directions syndicales bureaucratiques vont à droite
Yves Veyrier, secrétaire général de FO, n’a pas hésité à se prononcer contre l’unité des travailleurs et des jeunes le 05/02 et contre la grève générale, allant même jusqu’à nier la réalité de la lutte des classes qui se déroule sous ses yeux en affirmant :« je ne sais pas ce que sont les gilets jaunes » (23/01, Europe 1).
Ainsi P. Martinez assène à Politis le 30/01 : « Une grève générale, ça ne veut rien dire ! C’est un mythe. Même en 1968, il n’y a pas eu d’appel à la grève générale. Il s’agissait de grèves en cascade, qui ont fini par faire boule de neige. »
Il confirme par là même le rôle contre-révolutionnaire de la direction confédérale de la CGT (sous la direction du PCF à l’époque) qui ne voulait pas de la grève générale en 1968, tout comme en 2019, et l’enseignement de Lénine : plus les masses vont à gauche, plus les appareils bureaucratiques vont à droite…C’est là une loi fondamentale de la lutte des classes (voir notre hors-série Mai 68).
Ainsi, oui, il aura fallu plusieurs semaines de mobilisation continue des Gilets jaunes, malgré une répression féroce de l’appareil d’état, de nombreuses interpellations venant de la base syndicale en direction des directions syndicales fédérales et confédérales (en particulier dans les secteurs qui se mobilisent contre les licenciements ou les privatisations), et un affrontement au CCN de la CGT pour arracher la date du 05/02.
1968 c’est vieux, 2019 c’est mieux…
Dans ce contexte, il était évident pour tout marxiste qu’en 2019, P. Martinez et sa clique feraient tout pour contenir, dévoyer et étouffer cette poussée vers la grève générale et la chute du gouvernement Macron… Ainsi P. Martinez a multiplié les déclarations contradictoires dans la presse, et a contenu la mobilisation en interne en sabotant la massification et la jonction du 05/02 avec les Gilets jaunes.
Rappelons simplement qu’en 2005, la direction confédérale de la CGT fut mise en minorité lors d’un CCN qui se prononça contre le traité constitutionnel européen, et que la poussée des travailleurs et des jeunes vers la grève générale, en particulier depuis la mobilisation contre la loi travail de 2016, est chaque fois plus consciente et déterminée.
Autrefois, les trotskystes étaient bien seuls pour défendre la démocratie ouvrière (et pour l’auto-organisation par en bas), aujourd’hui des millions ont compris qu’ils ne pouvaient compter que sur leurs propres forces, et ont expérimenté la démocratie ouvrière, qui va de pair avec le combat contre les bureaucraties syndicales et politiques, sur les ronds-points, dans les grèves, dans les nombreux comités, collectifs et associations qui fleurissent – en dehors et contre la bureaucratie.
Encore une fois, en ne respectant surtout pas le calendrier des défaites annoncées des directions syndicales fédérales et confédérales, le prolétariat révolutionnaire en Gilets jaunes a tout bousculé sur son passage sans aucun plan pré-établi, ouvrant un moment une fenêtre révolutionnaire sur notre avenir, vite refermée par les directions syndicales bureaucratiques et tous les partis institutionnels.
Précisons que le NPA (et toutes ses tendances) s’est opposé au mot d’ordre de Macron démission, à la grève et à la jonction avec les Gilets jaunes contre les licenciements à Ford Blanquefort. Ainsi après avoir conspué les Gilets jaunes avec les mêmes arguments que les médias bourgeois et la bureaucratie syndicale, il s’est mis à courir désespérément derrière le mouvement de masse.
Le NPA, après avoir défendu la décentralisation et la régionalisation, après avoir défendu l’utopie réactionnaire d’une Europe sociale, après avoir vu dans la victoire du vote pour le Brexit – qualifiant ceux qui avaient fait ce choix de racistes etc. – le fascisme qui s’abattait sur l’Europe, prétend maintenant mener campagne pour la rupture avec l’Union Européenne. Bien sûr, il n’a aucune crédibilité sur ce terrain là aux yeux des masses laborieuses.
Le POID, quant à lui, n’a pas hésité à éructer, comme la bureaucratie syndicale soumise à la Confédération Européenne des Syndicats – elle même inféodée à la commission de Bruxelles – et comme les médias bourgeois, contre le prolétariat révolutionnaire en Gilets jaunes.
Le POID prétend maintenant, alors que la fenêtre révolutionnaire s’est refermée, et sans s’opposer à la bureaucratie syndicale, construire seul la grève générale… Ainsi, après avoir péroré sur une constituante, il appelle désormais seul à « la grève générale pour un gouvernement ouvrier ». Il oscille ainsi entre sectarisme gauchiste (contre les travailleurs qui se mobilisent par en bas en dehors des bureaucraties syndicales et politiques ) et opportunisme (adaptation à la bureaucratie syndicale).
Abstention militante pour Macron démission aux européennes
Nous savons la place qu’occupent les élections dans le calendrier des défaites annoncées des bureaucraties syndicales et politiques. Macron compte bien sur elles pour diviser les travailleurs et les jeunes mobilisés, et va sûrement tenter une manœuvre pour se relégitimer…
Or, depuis 2005 et la victoire du non au traité constitutionnel européen, le mouvement ouvrier organisé et la population dans son ensemble – malgré la collaboration de classe pratiquée par les bureaucraties syndicales et politiques – rejettent quotidiennement, dans les grèves et les manifestations, l’Union européenne capitaliste, sa politique et ses gouvernements.
A chaque fois, les travailleurs et les jeunes se jouent des stratégies électorales, et à fortiori des programmes de sauvetage de l’Union européenne capitaliste, des uns et des autres. A chaque élection, les travailleurs et les jeunes refusent les injonctions, et se révoltent : les grèves se multiplient et l’abstention croît. Le rejet est total, massif et profond !
C’est pourquoi, aujourd’hui, participer de ces élections relève de la trahison et de la remise en cause de l’indépendance de classe.
La radicalisation de la lutte de classe en Europe, exprimée de façon victorieuse par les femmes travailleuses qui se battent pour le droit à l’avortement libre et gratuit pour toutes (et contre l’Église catholique comme en Pologne, en Irlande, ou dans l’ Etat espagnol) annonce un retour par en bas de la question de la laïcité.
La jeunesse qui joue un rôle déterminant, nous indique aussi le seul chemin possible, celui de la mobilisation indépendante des travailleurs et des jeunes contre les politiques de privatisations des services publics, contre la remise en cause de nos droits et libertés démocratiques conquises de haute lutte par le prolétariat révolutionnaire en Europe.
« La lutte des classes est nationale dans sa forme et internationale dans son contenu » disait Marx. C’est pourquoi, dans une situation où en France l’abstention militante contre Macron et son gouvernement s’exprime dans les mobilisations et les grèves, nous pensons qu’il faut mener une campagne pour l’abstention et continuer de mobiliser activement pour Macron démission !
Il faut tout miser sur la lutte des classes et le prolétariat révolutionnaire européen, sans attendre le retour non pas d’un spectre, mais d’une réalité possible : la grève générale, seule à même d’ouvrir la voie à un gouvernement par et pour les travailleurs !