Revue de Presse Sociale septembre-octobre 2019

«La lutte de classe est nationale dans sa forme et internationale dans son contenu» K. Marx

Par Mathieu

Malgré une répression brutale orchestrée par le gouvernement contre toutes les formes de mobilisation sociale, malgré les manœuvres des directions syndicales qui divisent et continuent à jouer le jeu du « dialogue social » avec le gouvernement en faisant des « propositions raisonnables », plusieurs secteurs de la classe ouvrière se mobilisent contre les plans du gouvernement. Les Gilets jaunes, quant à eux, en sont à leur 47e semaine de mobilisation et réunissent encore des dizaines de milliers de personnes chaque samedi.

Si tout est fait pour empêcher l’unification de ces mobilisations, l’aspiration au tous ensemble s’exprime bel et bien avec de plus en plus de force. Parmi les questions les plus brûlantes du moment, il y a la mobilisation inédite des services d’urgences, et la bataille contre la contre-réforme des retraites qui gagne chaque jour en puissance. Il y a également de nombreux conflits dans l’éducation, à la poste ou encore dans les transports.

Cela fait maintenant plus de six mois que la grève des services d’urgences a commencé. Le mouvement est parti de l’hôpital Saint-Antoine à Paris, le 18 mars dernier, avant de s’étendre à la majorité des hôpitaux parisiens puis de s’élargir à l’ensemble du pays. Au 3 octobre, 266 services d’urgence sont en grève. L’ampleur du mouvement est passée totalement sous silence par les grands groupes de média. Il suffit de signaler qu’à Besançon des personnels de santé ont été réquisitionnés pour faire face à la pénurie de personnel ou qu’à Toulouse le service d’urgence du plus grand hôpital de la ville, le CHU Purpan, a dû fermer toute la journée du 3 octobre, pour donner l’ampleur de la mobilisation.

La particularité de cette mobilisation est aussi que les grévistes se sont organisés au sein d’un collectif inter-urgences (CIU), qui est doté d’un Conseil national de grève et de représentants nationaux, régionaux et locaux issus des personnels mobilisés. Des représentants syndicaux intègrent également ces organes de décisions. Le CIU est organisé autour des revendications suivantes, qui s’opposent frontalement aux politiques menées depuis plusieurs décennies de destruction de l’hôpital public en faveur du secteur privé :

« Stop à la réorganisation par la pénurie ( budget hospitalier à la baisse = hôpital à feu et à sang) ; Soutien aux pompiers et à leurs revendications (revalorisation de la prime de feu, protection de la santé et de la sécurité des agents, recrutements d’emplois statutaires) ; Revalorisation de nos métiers : 300€ net d’augmentation, soit l’équivalent de 80 points d’indice supplémentaires en faveur de l’attractivité des professions hospitalières ; Revalorisation structurelle : Arrêt des fermetures de lits ; Revalorisation des effectifs : Acter immédiatement un rattrapage à hauteur des besoins remontés service par service ».

La CIU appelle à une manifestation nationale à Paris le 15 octobre. Plus d’une centaine de personnalités a déjà manifesté publiquement son soutien au CIU et à l’hôpital public et ont dénoncé la politique de pénurie menée par le gouvernement dans la santé publique, ainsi que le plan Buzyn.

L’autre grande mobilisation qui prend forme actuellement est celle contre la contre-réforme des retraites voulue par le gouvernement (voir article dans ce numéro de L’Internationaliste). La grève de la Ratp du 13 septembre a été massivement suivie avec près de 100 % de grévistes, entraînant le paralysie totale du réseau de transports parisien. Quelques jours plus tard, ce sont les représentants de plusieurs professions libérales qui ont manifesté contre leur intégration forcée dans le futur régime unique à points. Comme l’ensemble des travailleurs, les professions libérales ont tout à perdre avec cette contre-réforme.

Le 16 septembre, ce sont donc des milliers d’infirmières et médecins libéraux, de pilotes de ligne, d’avocats qui ont crié leur opposition au projet Macron-Philippe-Delevoye de liquidation des retraites par répartition. Des oppositions à cette contre-réforme sont également apparues chez les gaziers et les électriciens, mais aussi au sein de la police. Signalons que le 24 septembre, la manifestation routinière d’enterrement de première classe lancée par les directions de la CGT, de la FSU et de Sud a été un échec pour les bureaucraties syndicales. Les travailleurs veulent un vrai plan de bataille pour mener la mobilisation jusqu’au bout, le tous ensemble jusqu’au retrait de la contre-réforme.

En cette rentrée, de nombreuses mobilisations ont eu lieu dans l’éducation pour dénoncer le manque de moyens ou pour s’opposer à la mise en place de la contre-réforme du lycée qui se traduit par la liquidation du baccalauréat. Dans ce secteur, la situation est littéralement explosive et les bureaucraties syndicales, qui ont accepté toutes les contre-réformes de privatisation de l’éducation et de destruction des statuts des personnels, sont de plus en plus discréditées.

A tout moment, elles peuvent être débordées. Cela a été le cas à l’occasion de la mobilisation du 3 octobre, à la suite de la mort dramatique de C. Renon, directrice d’école à Pantin, qui s’est suicidée sur son lieu de travail, après avoir dénoncé ses conditions de travail auprès de sa hiérarchie et des organisations syndicales. En Seine-Saint-Denis, près de 65 % des personnels du premier degré a cessé le travail. Des milliers de personnes se sont rassemblées dans tout le pays pour dénoncer les conséquences des contre-réformes dans l’éducation et ont mis en cause la politique de J.-M. Blanquer accusé d’avoir « saccagé l’école de la maternelle au lycée ».

Chez EDF, le 19 septembre, un important mouvement de grève a eu lieu pour dénoncer le plan « Hercule » annoncé le 20 juin dernier par la direction de l’entreprise et qui a pour objectif de démanteler l’électricité publique en France. La grève du 19 septembre a été la plus importante depuis plus de dix ans, entraînant une baisse significative de la production d’électricité. L’intersyndicale appelle à une nouvelle grève pour le 17 octobre prochain.

D’autres mouvements de grèves ont eu lieu dans plusieurs réseaux de transports publics, dans de nombreux services postaux, dans des administrations publiques ou encore chez les éboueurs et égoutiers de Paris. Les revendications se rejoignent : embauches pour répondre à la charge de travail, augmentation des salaires, arrêt des réorganisations de services. Dans le secteur privé également des débrayages et mobilisations sont à signaler. Toutes les conditions pour le tous ensemble sont réunies.


États-Unis : Grève massive chez General Motors.

Depuis le 16 septembre, près de 50000 travailleurs de 55 usines appartenant au groupe General Motors (GM) sont en grève, à l’appel du syndicat UAW (United Auto Workers), pour peser sur les négociations de grève Général Motorsla nouvelle convention collective de l’entreprise. En 2007, au plus fort de la crise, l’UAW avait accepté, contre ses positions historiques, l’introduction d’une double grille de salaires : une pour les travailleurs embauchés avant 2007, et une autre pour ceux embauchés à partir de cette date. La différence entre les deux grilles est aujourd’hui de près de 35 %. Il faut ajouter que les usines comptent aussi des intérimaires payés à peine plus de 15 dollars de l’heure et sans aucun protection sociale ou droit à des indemnités chômage. Les travailleurs de GM sont mobilisés pour exiger une augmentation des salaires et le retour à la grille unique des rémunérations : à travail égal, salaire égal. Il s’agit déjà de la grève la plus importante chez GM depuis près de cinquante ans.

Les capitalistes américains sont inquiets de l’ampleur de la grève et de son issue : le conflit a déjà coûté 1,4 milliard de dollars à l’entreprise. De plus, étant donné l’importance historique des combats menés par les ouvriers de GM aux États-Unis, l’ensemble de la classe ouvrière du pays regarde l’issue du conflit, et en cas de victoire cela pourrait inciter les travailleurs d’autres entreprises ou d’autres secteurs à se mobiliser pour exiger des augmentations salariales. Actuellement, en moyenne, un travailleur syndiqué d’une usine GM gagne environ 60 dollars de l’heure (en incluant les bonus, l’assurance maladie et les retraites) soit près de 20 % de plus qu’un ouvrier d’une usine où il n’y a pas de représentation syndicale (cela concerne surtout les usines du sud du pays) et 8,5 fois plus qu’un ouvrier mexicain de l’automobile.