Destruction du bac : La continuité… politique

Janvier 2020 - Des lycéens bloquent l'accès au lycée Lebrun à Coutances (50) pour protester contre la contre-réforme du bac

Par Loïc et Julien

Paris, le 10 avril 2020

Le vendredi 3 avril, Jean-Michel Blanquer a annoncé que le Bac et le brevet auraient lieu cette année entièrement en contrôle continu, et non plus sous forme d’examen final. C’est un cadeau empoisonné que fait le ministre de l’éducation nationale aux collégiens, lycéens et enseignants.

L’enjeu de l’épreuve finale du baccalauréat

Le bac général et technologique, national et anonyme se passe en deux temps : des épreuves écrites et orales de français à la fin de l’année de Première, et le reste des matières à la fin de la Terminale.

Pour chaque filière (Littéraire, Scientifique…), les sujets d’épreuves sont les mêmes partout en France métropolitaine, et les copies sont anonymes. Ceci garantit la valeur nationale du bac.

Le bac étant le premier diplôme universitaire, il permet, en théorie, d’accéder de droit à l’université. En théorie seulement, car l’accès à l’université pour les lycéens a déjà été remis en cause par la sélection avec la mise en place de parcoursup depuis 2018.

Le bac étant aussi un diplôme national, il permet de passer les concours de la fonction publique, et est reconnu dans les conventions collectives du secteur privé. En un mot, le bac donne des droits collectifs.

Le bac Blanquer, avant le coronavirus

Avant la pandémie de coronavirus, le bac national a été attaqué par l’équipe Macron – Blanquer – Vidal. Pour avoir son bac, il y a désormais quatre types d’épreuves :

– à la fin de la Première, des épreuves de français, oral et écrit, valant 10 % du bac.

– l’ensemble des notes obtenues en Première et en Terminale permettent d’obtenir 10 % du bac (c’est donc du contrôle continu),

– les « épreuves communes de contrôle continu » (E3C) qui portent sur une partie des matières pèsent 30 % du bac

– enfin, il y aura, en Terminale, 2 épreuves finales sur les « spécialités » au printemps (32 % du bac), puis l’épreuve de philosophie (8 %), et le grand oral (12%) en juin.

Avec le bac Blanquer, c’est vers un « bac local » que nous allons, un bac différent en fonction de chaque lycée, et de chaque lycéen, ne garantissant aucun droit tant pour l’accès aux études supérieurs que dans le monde du travail.

Le nouveau bac est entré en application cette année 2019-2020 pour les élèves de Première, et les nouvelles épreuves de terminale que nous venons de décrire auront donc lieu en 2021.

Pour ce qui concerne les élèves terminales de cette année 2019-2020, ils étaient encore, avant la pandémie, sur l’ancien système.

Le coronavrius : une aubaine pour accélérer la destruction du bac

Or, qu’est-ce que le ministre a annoncé le 3 avril ? Que la pandémie de coronavirus nécessitait que tous les élèves obtiennent leur diplôme en contrôle continu. Rien de nouveau sous le soleil donc.

Pour les élèves de troisième, le Diplôme National du Brevet (DNB) aura lieu entièrement en contrôle continu. Les épreuves finales étant purement et simplement supprimées.

Pour les élèves de première, la seconde session d’E3C est annulée, sachant qu’en raison de la mobilisation contre le nouveau bac de la part des élèves et des enseignants, la première session n’a pas pu se tenir dans tous les établissements.. La troisième session aura lieu comme prévu lors de l’année de Terminale.

Pour les élèves de terminale, il n’y aura pas d’épreuves en fin d’année. Le bac sera obtenu par le contrôle continu : il faudra avoir eu la moyenne sur les trois trimestres 2019-2020. Toutes les notes seront prises en compte à l’exception de celles éventuellement obtenues pendant la période de confinement dite de « continuité pédagogique ». Mais des notes d’assiduité seront prises en compte et des « jurys d’harmonisation » dont on ne connaît pas la composition, se tiendront pour savoir quelle note attribuer aux élèves. En d’autres termes, ça sera à la tête du client et au doigt mouillé.

Blanquer a insisté sur la nécessité pour les élèves d’aller en cours jusqu’au 4 juillet. C’est ce que le ministre, et ses prédécesseurs appellent la « reconquête du mois de juin ».

Ainsi cette  »solution » trouvée par le ministre, loin de favoriser les élèves, permet en réalité d’accélérer la destruction du baccalauréat. Il s’agit pour l’équipe Macron – Blanquer – Vidal d’arriver plus vite au but recherché : un bac local ne donnant aucun droit en matière de poursuite d’étude ou en matière de droit du travail.

Comme nous l’écrivions dans le précédent numéro de L’Internationaliste : « Le bac Blanquer c’est la promesse pour les lycéens d’un avenir complètement bouché : ils seront confinés à des emplois toujours plus précaires, et in fine obtiendront une retraite de misère. »

C’est un véritable coup de force, aucunement justifié par la pandémie. En effet, depuis que Blanquer est ministre, il tient d’ailleurs le même discours : pour lui, les épreuves du brevet et du bac sont une perte de temps et d’argent, au lieu de ça il faut que les élèves aient cours tout le mois de juin. (1) Blanquer se contrefiche de la santé des personnels et des élèves, tout ce qui l’intéresse est d’avancer dans les contre-réformes pro-capitalistes, pro-patronales.

La dégradation des conditions de travail des enseignants

De même, avec la politique de « continuité pédagogique » le télétravail pour les enseignants s’est mis en place de force. Il fait reposer son coût matériel sur les enseignants et explose le temps de travail de ces derniers. Il aggrave aussi les inégalités sociales entre les élèves : il y a ceux qui ont de bonnes conditions matérielles d’apprentissage à la maison, qui peuvent être aidés par leurs parents, et il y a… les autres.

L’autre problème avec cette numérisation de l’enseignement, c’est que c’est la porte ouverte à des suppressions massives d’emplois statutaires : imaginez, un seul professeur numérique pouvant donner des cours à … la France entière ! On imagine que c’est celui qui sera en bons termes avec les inspections et les directions d’établissement, le prof « innovant et dynamique », tandis que les corrections seront assurées par des contractuels recrutés localement, sans aucun droit et avec des salaires de misère.

Lors de la même conférence de presse, M. Blanquer a annoncé la possibilité que certains candidats puissent passer des rattrapages en septembre. Ceux-ci a habituellement lieu de façon exceptionnelle, mais pourraient être généralisés. Mais qui dit rattrapage du bac en septembre, dit révisions en juillet-août, donc travail pour les enseignants.

En plus de la « reconquête du mois de juin », le ministre a donc aussi en vue juillet et août ! Il l’a d’ailleurs confirmé ultérieurement puisqu’il souhaite faire des congés d’été des « vacances apprenantes ». Qui seront les « volontaires » ? On voit donc que le ministre garde le cap : faire des enseignants des travailleurs corvéables à merci. La défense du diplôme du baccalauréat est donc centrale, aussi bien pour les élèves que pour les enseignants.

Annulation des E3C !

Abrogation du bac Blanquer !

Maintien du bac national, anonyme et gratuit !


1. Type de discours que l’on trouve par exemple dans cette interview donnée à L’Est républicain, le 29 juin… 2017 !

https://www.estrepublicain.fr/actualite/2017/06/29/nous-avons-le-nombre-de-postes-qui-convient