L’hôpital de Guingamp, un cas unique ?

Photo (C) MCI

Par J.-Louis, correspondant

La presse locale a rapporté que le mercredi 31 mai, partie de Gurunhuel à une quinzaine de kilomètre à l’ouest de Guingamp, une femme a accouché au bord de la RN 12 dans le véhicule des pompiers volontaires à Plélo.

Plélo qui se trouve à une quinzaine de kilomètre à l’est de Guingamp. Il en restait une dizaine pour atteindre la destination, le CHU de Saint-Brieuc. Soit en tout un périple de près de 50 kilomètres.

La raison est simple : elle aurait dû être admise à la maternité de Guingamp (Pabu) où les accouchements sont suspendus depuis le 26 avril « pour deux mois » selon l’Agence régionale de santé (ARS). Avec la crainte que, l’été arrivant, les accouchements demeurent « suspendus »… définitivement.

Mobilisées depuis des années contre les projets de fermeture, ce samedi 17 juin, à l’appel de la « Coordination santé du pays de Guingamp », 3 000 personnes, selon les organisateurs, s’étaient rassemblées devant le stade pour des prises de parole avant de prendre le chemin de l’hôpital.

Des soignants, les représentants de l’intersyndicale, des élus locaux, un député, un sénateur et, surtout des habitants de l’agglomération et des environs ont écouté les intervenants. Se sont relayés au micro des représentants de comités de défense de l’hôpital public de Guingamp mais aussi de Paimpol, Lannion, Carhaix, Concarneau, Douarnenez, Landerneau, Dinan, etc.

Tous ont décrit une situation organisée, voulue depuis de décennies, ce qu’il nous faut ici appeler un sabotage de l’hôpital public. Le faible nombre de médecins formés depuis 40 ans pendant que des dizaines de milliers de lits d’hôpital étaient supprimés fait qu’aujourd’hui la pénurie s’est installée.

Désormais au nom de cette pénurie, on ferme des lits, des services, des hôpitaux publics. La cardiologie, la réanimation, les urgences, la ligne du SMUR, la chirurgie, la gynécologie, l’obstétrique, la maternité : dès que la difficulté à recruter des professionnels se manifeste, l’ARS intervient pour suspendre puis fermer le service concerné.

Elle pratique le « stop and go » qui consiste en suspendre un service quand les praticiens manquent, pour le redémarrer, éventuellement, quand le recrutement est suffisant !

Recrutement aggravé par la loi Rist entrée en vigueur le 3 avril, plafonnant¹ la rémunération des médecins intérimaires dans le seul hôpital public ce qui provoque le départ de ces praticiens vers le privé. Outre que le développement de l’intérim est directement lié à pénurie et qu’il coûte dans tous les cas plus cher à l’hôpital qu’un personnel pérenne.

Tout comme le blocage des honoraires en secteur conventionné est fait pour pousser les médecins à en sortir et à pratiquer le dépassement : l’objectif du gouvernement, c’est que le marché dise qui doit vivre ou mourir.

Les travailleurs, plus généralement la population veut des hôpitaux de proximité, ouvert 7 jours sur 7, 24 heures sur 24 avec des urgences, de la chirurgie, une maternité qui ne nécessite pas de faire des dizaines de kilomètres pour se soigner. Bref un hôpital public de plein exercice proche de chez soi ?

Par la loi Buzyn, le gouvernement Macron-Philippe a créé une nouvelle catégorie d’établissement, « l’hôpital de proximité », sans urgences, sans chirurgie, sans réanimation, sans maternité ! Une sorte de dispensaire amélioré…

En ouverture du « Ségur de la santé », É. Philippe avait enfoncé le clou en deux phrases laconiques : « on ne change pas de cap » et « on accélère ». Le gouvernement ne le reconnaîtra pas ouvertement, mais c’est bien l’objectif poursuivi par l’État au service des capitalistes, l’hôpital public est en train de s’effondrer. On en est là !

Or, la Covid-19 l’a démontré, il est urgentissime de changer de cap, de s’occuper de la bonne santé de la population et non de celle des marchés financiers !

Au nom de l’innovation et de la télémédecine, l’État a ouvert un boulevard aux profiteurs, voire aux escrocs et aux parasites qui « crament la caisse » de l’assurance maladie et le budget de la santé publique.

La solution « clé en main » des ARS et de certains élus locaux, c’est le partenariat public-privé qui consiste à « adosser » un réseau de clinique et de cabinets pratiquant souvent le dépassement d’honoraires au « plateau technique » d’un hôpital public.

Cependant l’hôpital public subit aussi les conséquences du délabrement de la médecine de ville. Pendant des années les défenseurs du capital ont prétendu que le nombre de médecins n’avait jamais été aussi élevé, mais mal réparti.

Ceci en contradiction avec les chiffres du Conseil national de l’ordre des médecins qui alertait sur le départ massif des praticiens à la retraite.

Aujourd’hui force est de constater qu’un million de personnes est sans médecin traitant et que les délais pour obtenir un rendez-vous de spécialiste sont interminables.

La situation dans « le pays de Guingamp » est arrivée au point de rupture : plus de six mois pour un rendez-vous de dentiste quand on ne s’entend pas répondre que les praticiens ne prennent pas de nouveaux patients. Des dizaines d’appels arrivent tous les jours dans chaque cabinet de généralistes pour des patients qui cherchent un médecin traitant !

L’hôpital de Guingamp n’est pas un cas unique, la situation de la Bretagne n’est pas une situation exceptionnelle !

La voie pour imposer « un autre cap » c’est celle de la mobilisation dans l’unité des travailleurs, des médecins, infirmiers et infirmières, aides-soignant(e)s. C’est ce que démontre le rassemblement du 17 juin.

Or, il en va de la mobilisation contre la contre-réforme des retraites ou de celles contre les fermetures de classe ou contre toute attaque gouvernementale à l’instar de la mobilisation d’aujourd’hui en défense de l’hôpital public.

La question qui se pose, l’exigence, c’est d’en finir avec une politique, un gouvernement, un régime qui sont un obstacle absolu à toute revendication démocratique ou sociale.

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¹ À 1390€ brut pour 24 heures alors que le ministre reconnaît des tarification qui vont jusqu’à 5000€.