Algérie : « RÉGIME DÉGAGE ! »

Manifestation en Algérie avril 2019 contre le régime de Bouteflika les femmes s'engagent Système dégage

Paris, le 24 avril

La candidature Bouteflika révèle le pourrissement du régime

En annonçant la candidature à un cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika pour les élections présidentielles qui devaient initialement avoir lieu en avril 2019, les représentants du régime algérien n’imaginaient certainement pas le processus qu’ils allaient déclencher.

Présenter un mort-vivant au poste de président n’est pas simplement apparu comme un choix grotesque aux yeux des masses algériennes, cela a également été vécu comme une provocation révélatrice de l’état de pourrissement du régime en place.

Il convient de rappeler que le régime actuel est le fruit de la situation des années 1980-1990. Pour stopper la poussée révolutionnaire de la fin des années 1980, le Front de Libération Nationale (FLN) et l’armée, au nom de la lutte contre le terrorisme, avaient instauré un régime d’exception privant les Algériens de toutes les libertés démocratiques.

Le FLN et ses alliés avaient profité de ce contexte pour opérer de nombreuses privatisations et revenir sur de nombreuses conquêtes de la Révolution algérienne suite à l’indépendance.

Cette politique avait également pour but de renforcer ses accords avec les différents impérialismes. La situation économique et sociale des masses algériennes, depuis lors, s’était fortement dégradée.

Un mouvement qui vient de loin

Pour les masses algériennes, la déclaration de candidature d’un président zombie a donc été la goutte d’eau, l’élément de trop. A partir de la mi-février, défiant l’état d’urgence permanent et l’interdiction de manifester décrétés depuis plus de vingt ans, le peuple algérienest descendu massivement dans les rues.

Ils ont déjoué tous les pronostics des commentateurs officiels qui ont longtemps glosé sur le fait que les Algériens étaient restés à l’écart des « Printemps arabes ».

Il faut réaliser que ces mobilisations ne viennent pas de nulle part. Depuis plusieurs années, de nombreuses mobilisations sociales, dans l’industrie, dans les administrations, dans l’éducation ont eu lieu pour exiger de meilleures conditions de travail, des hausses de salaires.

Ces mobilisations ont été d’autant plus remarquables que la direction du principal syndicat algérien, l’UGTA, est complètement intégrée à l’appareil d’État. Ces nombreuses grèves parties de la bases ont préfiguré les manifestations massives qui se déroulent actuellement.

Les masses algériennes exigent : « Régime dégage ! »

Vendredi après vendredi – au moment où ces lignes sont écrites, on en est déjà à la neuvième semaine de mobilisation – la mobilisation s’amplifie. Chaque semaine des millions de personnes descendent dans la rue pour exiger : « Régime dégage !».

Il est important de souligner que les femmes et les jeunes jouent un rôle central dans ces manifestations. Des figures historiques de la Révolution algérienne sont également revenues sur le devant de la scène.

Toutes les villes, toutes les régions sont touchées : à Alger, bien entendu, mais également dans les autres grandes villes, dans les villes moins importantes, même dans les villes du sud où le régime a largement entretenu le clientélisme grâce aux retombées de l’industrie pétrolière.

La Kabylie est encore une fois un des épicentres du processus révolutionnaire. L’ampleur de la mobilisation dans cette région est d’autant plus significative que depuis plus de 40 ans, les militants kabyles sont victimes d’une répression féroce de la part du régime d’Alger.

Le 20 avril, le mouvement kabyle, a célébré le double anniversaire des mobilisations de 1980 et 2001, connues respectivement sous le nom de Printemps kabyle et Printemps noir, et qui avaient fait des dizaines de morts.

En effet, l’exécution d’un lycéen âgé de 18 ans en 2001 et les mobilisations qui ont suivi, ont ancré le rejet du régime et posé les bases de la mobilisation massive et active du peuple berbère contre le régime Bouteflika.

Les unes après les autres, les solutions trouvées par la régime pour tenter de contenir la mobilisation sont balayées par la force des manifestations. Le « zombie » Bouteflika a été dégagé au début du mois d’avril.

Mais le gouvernement mis en place a aussitôt été rejeté par la rue. Le remplaçant de Bouteflika, Abdelkader Bensalah fait, lui aussi, l’objet d’un rejet massif, de même que le premier-ministre Bedoui.

La pression de la rue est tellement forte que l’appareil d’État est fracturé, c’est-à-dire que les différentes fractions du FLN, de l’armée, de la justice et de la bourgeoisie algérienne sont minées par leurs divisions internes.

Il y a effectivement de la répression contre les manifestants, mais pour le moment elle n’est pas arrivée à endiguer la mobilisation, au contraire. La détermination demeure intacte pour dégager le régime. Il y a bien un processus révolutionnaire en cours en Algérie.

Un exemple pour les peuples du monde entier, un problème pour les impérialismes

Les manifestations qui ont débuté au mois de février ont une très haute signification politique, non seulement pour l’avenir de l’Algérie mais également pour le processus révolutionnaire en cours dans les pays arabes.

L’Algérie est un des pays du Maghreb et du monde arabe où le prolétariat a le plus de tradition de lutte, son entrée en scène signifie donc que le processus des « Printemps arabes » est toujours bien vivant.

Les masses du Maroc et de Tunisie, suivent très attentivement l’évolution des événements et regardent avec espoir les foules algériennes défiler dans les rues.

Les mobilisations d’Algérie font d’ailleurs écho au Mouvement Hirak, qui a débuté au Maroc, dans la région du Rif en 2016 et qui est toujours en cours actuellement. Les manifestations algériennes tétanisent littéralement la monarchie marocaine.

Pour les différents impérialismes, au contraire, le processus algérien en cours représente une sérieuse menace. Cela est particulièrement vrai pour ce qui concerne l’impérialisme français. Le rôle que la France a attribué à l’Algérie pour garder son pré-carré dans le Sahel risque d’être remis en cause.

La mobilisation algérienne a également un impact sur le mouvement ouvrier français déjà mobilisé dans le cadre du mouvement des Gilets Jaunes. Autrement dit, la mobilisation algérienne est un facteur d’aggravation de la crise de l’impérialisme français et de l’UE dans son ensemble.

En raison de leur signification historique, de ce qu’elles représentent comme perspective politique pour les masses de ce pays, en particulier pour les jeunes et les femmes travailleuses, les manifestations algériennes doivent recevoir tout le soutien de la part des organisations ouvrières internationalistes.

En tant que MCI, nous manifestons notre soutien entier et inconditionnel aux manifestations des masses algériennes. Vive la révolution algérienne !