Élections régionales et départementales : grèves, manifestations … ABSTENTION ! Édito Internationaliste 196
La Vème République à l'agonie

Paris, le 28 juin
Les résultats des élections régionales et départementales, ont confirmé que nous avions mille fois raison d’appeler, dès avant le premier tour, à l’abstention active pour ce scrutin. En effet, les élections qui viennent de se dérouler les 20 et 27 juin dernier ont confirmé l’étendue du rejet des institutions de la Ve République. Par voie de conséquence, toutes les forces politiques institutionnelles et électoralistes, de la gauche « radicale » à l’extrême-droite, connaissent un approfondissement sans-précédent de leurs crises internes.
Les faits marquants de ces élections sont : l’abstention massive, qui atteint un niveau historique ; le rejet inédit du parti au pouvoir ; l’effondrement des partis dits contestataires (mais participant aux élections) ; la victoire à la Pyrrhus des « sortants ». Tous ces éléments sont le résultats d’une forte montée de la lutte des classes depuis plusieurs années, malgré la répression et les obstacles politiques et syndicaux, pour les travailleurs et les jeunes.
L’abstention massive des jeunes et des travailleurs dynamite la Ve République
Jamais dans l’histoire de la Ve République, des scrutins (hormis quelques référendums) n’avaient connu un taux d’abstention aussi élevé : près de 65 % des inscrits ont refusé d’aller voter. Plus de 30 millions d’électeurs sur un total de près de 45 millions d’inscrits, se sont abstenus. Et sur les 15 millions de votants, plus de 500 000 ont voté blanc ou nul.
Le taux d’abstention est encore plus massif si l’on va voir du côté des travailleurs et des jeunes : plus de 80 % chez les 18-34 ans. Les salariés et les ouvriers se sont abstenus à plus de 80 %. Dans certains bureaux de vote des quartiers populaires des grandes villes du pays, on a péniblement atteint les 10 % de participation.
Les partis institutionnels et particulièrement LREM prétendent s’exonérer de toute analyse politique de la gigantesque abstention en proposant des solutions « techniques ». Ainsi, le porte-parole de LREM, S. Guérini propose de développer le vote électronique.
Outre le fait que cela pose de très importants problèmes démocratiques, on peut toute de suite lui objecter que par le passé, le vote a toujours été papier, et que la participation était bien plus importante. Mais comme à leur habitude, les membres du parti présidentiel voient dans la dématérialisation et la création de plate-formes la solution à tous les problèmes.
Signalons également que le vote électronique a déjà été mis en place dans le cadre des élections professionnelles ou prudhommales, ce qui s’est immédiatement traduit par un effondrement de la participation.
L’abstention généralisée est une question politique et correspond bien à un rejet massif et conscient des institutions, des partis institutionnels et des politiques anti-ouvrières et anti-démocratiques que peu ou prou tous s’accordent à mettre en place ou à soutenir.
LREM aux abois, tous les partis institutionnels en crise !
Commençons d’abord par le fait le plus emblématique de la crise inédite actuelle de la Ve République : dans le cadre de ces élections, le parti présidentiel n’arrive même pas à réunir 3 % des inscrits !!!
Dans la plupart des régions, LREM n’arrive pas à se qualifier pour le second tour. Le rejet du parti présidentiel est tel qu’aucune autre force politique bourgeoise n’a voulu se risquer à fusionner ses listes avec celles de LREM.
Dans les Hauts-de-France, où le gouvernement avait dépêché cinq de ses membres, la liste emmenée par l’ex DRH d’Auchan et désormais en charge de la contre-réforme des retraites, ne réunit que 9 % des suffrages exprimés, c’est-à-dire environ 2,5 % des inscrits de cette région (121 000 voix pour 4,2 millions d’inscrits).
Nous, MCI, avions déjà affirmé depuis l’élection présidentielle que le parti d’Emmanuel Macron n’avait aucune légitimité, ces élections viennent confirmer de manière criante cette réalité.
Le RN, héritier du FN et favorable à l’approfondissement brutal du caractère bonapartiste de la Ve République, subit également une très lourde défaite électorale qui va aiguiser la crise de ce parti.
L’organisation de Marine Le Pen, qui comptait sur la radicalisation d’une partie de la droite « traditionnelle » (en Occitanie et en Paca notamment les listes RN étaient emmenées par d’anciens députés LR) pour gagner des régions, perd plus de 3,3 millions de voix entre les élections régionales de 2015 et celles de cette année, passant de 6 millions de suffrages à environ 2,7 millions. Le RN réunit moins de 7 % des inscrits au niveau national.
Pour les organisations qui prétendent défendre les travailleurs, la déconfiture est également importante : NPA, PCF, LFI et leurs satellites ont mené des alliances à géométrie variable motivée par la fuite en avant électoraliste et la volonté désespérée de quelques uns d’obtenir un siège.
Les travailleurs et les jeunes n’ont pas été dupes et ils se sont aussi détournés de ces organisations qui atteignent parfois entre 5 et 10 % des suffrages exprimés, c’est-à-dire un score dérisoire au vu de la participation. Dans de nombreuses régions ces organisations ne seront pas représentées dans les conseils régionaux. C’est un échec cuisant pour ces partis.
Signalons que dans le cadre des élections départementales, le PCF perd le dernier conseil départemental qu’il dirigeait encore, et ce depuis 1976, le Val-de-Marne. La crise de cette organisation s’aggrave encore.
Enfin, la « prime aux sortants » répétée à l’infini par les éditorialistes et les responsables politiques le soir des élections est toute relative : s’il est vrai qu’en France « métropolitaine » aucune région ne voit de changement de couleur politique, le fait marquant est surtout que les présidents élus de régions ne regroupe qu’entre 10 et 20 % des inscrits au second tour. Ils n’ont aucune légitimité pour mettre en place les politiques de privatisation et les directives européennes décidées dans le cadre des régions.
Dans les « départements d’outremer » ou l’abstention est traditionnellement plus forte on constate, là, au contraire, une participation un peu plus forte qu’en « Métropole ». Participation qui a débouché sur un « dégagisme » assez important, en Guadeloupe et à la Réunion notamment. Cela correspond à la montée de la lutte des classes en lien avec les mobilisations favorables aux revendications d’indépendance dans ces territoires. Notons que la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie Française notamment n’étaient pas concernées par le scrutin.
Par l’abstention et le rejet des partis institutionnels, les travailleurs et les jeunes ont manifesté de manière consciente le fait qu’ils condamnaient l’ensemble des contre-réformes mise en place par les partis de gouvernement depuis des décennies.
Ils ont aussi signifié qu’ils rejetaient le scenario que la bourgeoisie et ses médias voulaient leur imposer : que tout devait se régler dans le cadre des élections, de la Ve République, de l’élection présidentielle, d’un deuxième tour Macron – Le Pen, en 2022. De tout ça les travailleurs et les jeunes, n’en veulent plus, leur abstention massive en est l’expression consciente.
Mais cette abstention massive et consciente n’est compréhensible que si l’on revient sur l’élément central et déterminant de la situation politique actuelle de la France. Depuis des années, on assiste dans ce pays et dans le monde, à une radicalisation inédite de la lutte des classes et à des mobilisations à caractère pré-révolutionnaire, voir révolutionnaire.
La mobilisation permanente des masses vers la grève générale
Depuis 2017, le gouvernement Macron a approfondi de manière dramatique les attaques anti-démocratiques et anti-ouvrières menées par les gouvernements précédents. Or, E. Macron, n’a aucune légitimité démocratique, puisqu’il a été élu avec moins de 18 % des inscrits dans le cadre d’un hold-up électoral.
Pour mettre en place sa politique, il s’est appuyé sur les fonctions régaliennes de l’État en réprimant violemment et en criminalisant les mobilisations des travailleurs et des jeunes. Il a aussi essayé de fracturer la société en opposant tout le monde contre tout le monde : jeunes contre vieux, fonctionnaires contre travailleurs du privé, immigrés contre natifs etc.
Mais ces tentatives autoritaires, rendues possibles par les institutions semi-bonapartiste de la Ve République , et ce même si les contre-réformes ont avancé, se heurtent à la résistance opiniâtre de la classe ouvrière et de la jeunesse. La classe ouvrière n’est pas défaite : elle cherche les voies de l’offensive.
On ne peut comprendre le sens du résultats des élections régionales et départementales qui viennent de se dérouler qu’à l’aune des mobilisations de la SNCF, d’Air France, des Gilets Jaunes, contre la réforme des retraites, dans le privé, dans le public, dans la santé, dans l’éducation.
A chaque fois on a vu émerger des mobilisations massives et déterminées contre le gouvernement mais aussi contre les directions bureaucratiques syndicales qui préfèrent le dialogue social, c’est-à-dire la collaboration de classe avec le gouvernement et le patronat.
Le fait que les travailleurs se détournent des organisations politiques liées à ces mêmes bureaucraties syndicales est un fait hautement significatif : ils leur rappellent que la question n’est pas de cogérer le mode de production capitaliste mais bien de rompre avec lui.
La situation de la lutte des classes en France a montré que les mobilisations des travailleurs ne s’était pas arrêtées avec la pandémie, au contraire : les grèves et les mobilisations sont nombreuses aussi bien dans le public que dans le privé. Toutes les conditions sont réunies pour aller vers la grève générale, qui ouvrirait la voie à un gouvernement par et pour les travailleurs, issu des mobilisations.
Lors des scrutins qui viennent de se dérouler, les travailleurs ont signifié qu’ils n’attendaient rien des élections présidentielles de 2022. Cette abstention consciente et massive porte en elle un énorme potentiel révolutionnaire.