Il y a 30 ans, le mur de Berlin tombait

Par Jean-Louis
Avant son écrasement par le nazisme en 1933, avec la complicité de Staline, le prolétariat allemand était le plus puissant d’Europe et même du monde. En 1918, le 9 novembre, c’est l’insurrection de la marine de guerre à Kiel et la multiplication des conseils ouvriers en Allemagne, s’appuyant sur la révolution bolchevique qui avait imposé la fin de la boucherie impérialiste.
À ce moment, avait déferlé sur l’Europe une vague révolutionnaire sans précédent qui avait mis fin, en quelques jours, à trois empires, voyant naître une république des conseils ouvriers en Hongrie. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’effondrement du nazisme allait provoquer une nouvelle vague révolutionnaire dans le monde.
Aussi l’impérialisme, la social-démocratie et la bureaucratie stalinienne ont-ils décidé en 1945 à Yalta et Potsdam de diviser l’Allemagne pour diviser son prolétariat. La République fédérale d’Allemagne est créée en mai 1949, la République démocratique allemande en octobre. Berlin est coupée en deux.
Au demeurant, le déferlement des masses n’a pas pu être empêché et la bureaucratie stalinienne s’est retrouvée contrainte de prendre le pouvoir et de mettre fin au capitalisme dans toute l’Europe centrale et en RDA où une grève insurrectionnelle aura pourtant lieu, à Berlin, en 1953. C’est aussi à Berlin que la construction du mur traversant la ville en 1961 vient manifester la volonté politique des « alliés » de maintenir cette division.
Il y a trente ans, le 9 novembre 1989, sous l’action révolutionnaire des masses, le mur de Berlin tombait. S’ouvrait alors une période qui verra la réunification de l’Allemagne. Elle verra également la restauration capitaliste en Allemagne de l’Est, en Europe centrale et dans l’ex-URSS : cette restauration était-elle inéluctable ? Non !
Révolution politique ou restauration capitaliste ?
En 1936, dans La Révolution trahie, Trotski a établi un pronostic historique analysant la nature de caste bureaucratique de la couche dirigeante de l’URSS. Cette caste étant par nature instable, elle était vouée à disparaître, soit en étant renversée par une révolution politique, soit en se lançant dans la restauration capitaliste, se transformant en nouvelle bourgeoisie.
L’issue de cette alternative reposait sur deux facteurs, l’un objectif – le rapport de forces entre les classes et la mobilisation du prolétariat dans son ensemble et précisément en URSS – l’autre subjectif – l’existence ou non d’un parti, d’une internationale à même d’aider le prolétariat dans sa tâche historique : mettre fin au capitalisme par la révolution sociale et économique, mettre fin à la domination de la bureaucratie stalinienne par la révolution politique.
Suite à la faillite de la IIIe Internationale en 1933, les bolcheviks-léninistes, les trotskistes, ont fondé la IVe Internationale dans le but d’assurer la continuité révolutionnaire et de mettre en œuvre ce programme : « la mobilisation des masses autour des revendications transitoires comme préparation à la prise du pouvoir », c’est le titre du programme de transition adopté en 1938.
De la trahison…
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la mobilisation révolutionnaire se produit. L’impérialisme, la social-démocratie, la bureaucratie stalinienne la combattent. C’est à ce moment que Pablo, dirigeant de la IVe Internationale provoque la scission, l’éclatement de celle-ci expliquant que la bureaucratie aurait une double nature, révolutionnaire et contre-révolutionnaire et ipso facto, cette dernière se trouvant dans le « camps progressiste » dans la Troisième Guerre mondiale qui approchait, il était urgent de rejoindre les partis issus de l’ex-IIIe internationale, entre-temps formellement dissoute par Staline. C’est ce que Pablo a appelé l’entrisme sui generis !
À partir de cette conception, le rôle dirigeant de la classe ouvrière dans la révolution mondiale est remis en cause, le pablisme lui préférant les « avant-gardes larges » et découvrant des « marxistes naturels » chez des dirigeants staliniens, crypto-staliniens ou nationalistes (Ben Bella, Hồ Chí Minh, Castro, etc.).
C’est une trahison à laquelle ont tenté de s’opposer Lambert et Canon rejoints plus tard par Moreno. Une trahison car, au moment décisif, le facteur subjectif, le parti, fait défaut. Exit Pablo, ses héritiers se regroupent en 1963 sous la houlette de Mandel et Frank dans la « secrétariat unifié » de la IVe Internationale (SU) dont la section française sera la LCR « trotskiste » qui a donné naissance au NPA, anarcho-guévariste, anti-marxiste, en 2009.
Le SU continue « l’œuvre » liquidatrice initiée par Pablo jusqu’à livrer à la répression du Front Sandiniste de Libération Nationale (FSLN) la brigade internationale « Simon Bolivar », formée à l’initiative de militants trotskistes et qui était intervenue au Nicaragua pour aider au renversement du dictateur Somoza !
Cependant, le prolétariat n’attend pas, la lutte des classes ne souffre pas d’interruption. Certes les organisations se réclamant du trotskisme ont joué un certain rôle dans la vague de mobilisation de 1968, notamment aux USA dans le combat contre la guerre du Vietnam, mais le SU a joué un rôle dévastateur vis-à-vis de la IVe Internationale.
… à la capitulation
Dans la fin des années 70, alors que la mobilisation des travailleurs et des jeunes la menace directement comme on l’a vu alors en Hongrie en 1956, en Tchécoslovaquie en 1968, en Pologne en 1970, en URSS même, la bureaucratie stalinienne penche de plus en plus ouvertement en faveur de la restauration capitaliste. La révolution politique est en marche, la contre-révolution formalisée dans les accords d’Helsinki (1975) va chercher à la gagner de vitesse.
En 1981, la grève générale en Pologne qui débouche sur la constitution de Solidarnosc va faire apparaître les forces à l’œuvre : d’un côté les masses qui veulent chasser la bureaucratie et prendre en main leurs destinées, de l’autre une alliance des impérialistes, de l’Église catholique et de la bureaucratie, ceux qui veulent restaurer le capitalisme.
Ce clivage va apparaître systématiquement dans la décennie qui mène à la chute du mur de Berlin, une chute qui est une victoire des masses, nous le répétons. Nous ne sommes pas des nostalgiques du stalinisme en Europe centrale et en Russie. Nous disons que la restauration capitaliste n’était pas « donnée » d’avance.
La restauration capitaliste a eu – elle a encore aujourd’hui – un coût humain effroyable. L’ensemble des acquis sociaux a été liquidé par la bureaucratie devenue une nouvelle bourgeoisie, dans le cadre de l’impérialisme ; les syndicats ont été muselés. Des pans entiers de l’économie ont été privatisés ou liquidés, vus par les monopoles comme autant de surcapacités de production à démanteler. La mortalité dans l’ancienne URSS dans cette période a atteint le niveau d’une période de guerre.
Pour la seconde fois en 40 ans, le facteur subjectif a fait défaut. Le SU et ses alliés staliniens portent une responsabilité écrasante dans cette politique criminelle qui porte un nom : la capitulation de ceux qui nous ont expliqué ensuite pendant des années qu’il ne fallait plus prononcer le mot de « socialisme » car « les gens » ne voulaient plus l’entendre.
Voilà quelle est cette « avant-garde » petite-bourgeoise du SU et de ses satellites qui a jeté le bébé du socialisme avec l’eau salle du bain stalinien. Ils peuvent aujourd’hui se prétendre « anti-capitalistes » cela ne change rien à leur bilan.
L’heure est à la reconstruction de la IVe Internationale dont le programme reste d’une brûlante actualité, d’urgence, mais il faut dire haut et fort, cette reconstruction ne peut pas se faire avec le SU, mais contre lui. On ne transige pas avec les liquidateurs !
Travailleurs de tous les pays : unissez-vous !
Proletarier aller Länder: vereinigt euch!