Royaume-uni : « On ne peut régner innocemment »

Saint-Just (Discours à la Convention le 13 novembre 1792)

Des manifestants anti-royalistes au Royaume-Uni ont été confrontés à des agents des forces de l’ordre alors qu’ils manifestaient contre la monarchie britannique, plusieurs incidents ayant conduit à des arrestations. En Écosse, la police a arrêté une femme tenant une pancarte disant « fuck l’impérialisme, abolissez la monarchie » devant la cathédrale Saint-Gilles d’Édimbourg, où le cercueil de la reine Elizabeth II a été exposé

Depuis la mie-août, les grèves se sont multipliées au Royaume-uni, touchant tous les secteurs l’un après l’autre dans un mouvement qui aurait déjà dû déboucher sur la grève générale.

Les cheminots ont donné le coup d’envoi, suivi par les conducteurs de bus de Londres (dont certains sont salariés d’une filiale de la RATP), les dockers, etc.

Aux mobilisations pour des hausses de salaire massives afin de compenser l’inflation qui touche tous les secteurs s’est ajouté une campagne de refus de payer les factures d’énergie : « Don’t Pay ! ».

C’est alors que, le 8 septembre, le monde capitaliste et aristocratique s’est ému bruyamment du décès d’Élisabeth von Sachsen-Coburg und Gotha dite « Windsor », « par la grâce de Dieu, reine du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et de ses autres royaumes et territoires, chef du Commonwealth, défenseur de la Foi » (sic !).

À ce moment-là, une nouvelle Première ministre réactionnaire, Liz Truss1, venait d’accéder au pouvoir au nom de parti conservateur suite à la démission de B. Johnson, avec l’habituel programme de baisse d’impôts pour les plus riches.

Dans ce contexte, pour la bureaucratie travailliste à la tête des Trade Union, la centrale syndicale, rien ne fût plus urgent que d’appeler à suspendre la grève ! Et de reporter son congrès…

Onze jours après, au lendemain des obsèques, l’ultralibérale BFMTV s’interroge : « cette trêve est-elle amenée à durer ? ».

La réponse avait déjà été donnée par les travailleurs qui avaient contesté l’attitude de leurs directions syndicales qui s’était visiblement saisie de « l’évènement » pour tenter de briser la mobilisation.

Les directions du syndicat de la communication (CWU) et des chemins de fer (RMT), par exemple, ont reçu de nombreuses contestations : l’offensive des capitalistes et du gouvernement contre l’emploi et les salaires serait-elle suspendue, elle ?

Il y a plus de 35 ans M. Thatcher, Première ministre d’alors, appuyée par le général stalinien polonais Jaruzelski (qui avait livré du charbon au Royaume-uni après avoir fait tirer sur les mineurs polonais) avait brisé la grève des mineurs anglais et gallois, scellant une défaite du prolétariat britannique.

Depuis quelques années, ce dernier avait montré qu’il commençait à surmonter cette défaite. Le vote des travailleurs contre la City à travers le Brexit a montré que les années Thatcher étaient derrière eux.

Cependant, l’UE et le gouvernement Johnson ou Truss cherchent depuis des années à minimiser l’impact du Brexit pour les capitalistes, d’où les attaques redoublées contre les ouvriers, les retraités, les chômeurs, les immigrés, les jeunes.

Le mouvement de grèves qui se développe depuis plusieurs mois montre maintenant un réveil tonitruant des travailleurs et un dangereux exemple pour les capitalistes et leurs défenseurs.

Et si les travailleurs d’Allemagne, de France, des États-unis et d’ailleurs emboîtaient le pas à leurs camarades britanniques vers la grève générale ?

On comprend le silence complice de la presse capitaliste en Europe, mais aussi celui des bureaucrates qui sont sensés représenter les travailleurs dans tout le continent. Silence dans les rangs !

Si besoin était, donc, cette affaire le confirme : le parti travailliste et la direction des TUC qui lui est liée sont bien déterminés à entraver tout mouvement qui pourrait peu ou prou remettre en cause les capitalistes.

C’est pourquoi ils se sont abaissés à cette sinistre farce de l’union nationale autour de la famille royale et au pied des institutions monarchiques.

Donnons-leur à méditer cette phrase de Saint-Just dans son discours concernant le jugement de Louis XVI : « On ne peut point régner innocemment : la folie en est trop évidente. Tout roi est un rebelle et un usurpateur. ».

Le mouvement ouvrier ne peut être indépendant s’il s’attache aux institutions de la bourgeoisie, d’autant que la bourgeoisie regarde les libertés démocratiques comme autant de bagages encombrants dont elle s’est lestée dans sa lutte contre la noblesse, bagages dont il lui importe de se défaire afin d’écraser le prolétariat.

Défendre les libertés démocratiques comme cadre qui permet le développement et l’organisation indépendante du mouvement ouvrier, œuvrer à la mobilisation unie des travailleurs et des jeunes pour satisfaire les besoins sociaux du plus grand nombre, c’est s’ouvrir la voie vers le pouvoir du prolétariat.

Le pouvoir c’est-à-dire le renversement du mode de production capitaliste, vers un mode de production socialiste. Peut-on avancer dans cette voie en étant inféodé à la Vème République semi-bonapartiste ou à la monarchie britannique ?

Poser la question c’est y répondre : la reine est morte, vive la République fédérale Socialiste des îles britanniques ! Dans le cadre des États-Unis Socialiste d’Europe !


1Au moment où cet article est finalisé, elle vient de démissionner, officiellement parce que la banque d’Angleterre et « les marchés » avaient rejeté son « mini-budget » fait de baisses d’impôts pour les plus riches, financée par la dette… ou bien un projet de gel des prix de l’énergie pour les ménages ?