Étudiants-travalleurs : Unité pour le retrait du projet Delevoye
Interview de Keno, militant à Solidaires Paris 3

1/ Comment avez-vous perçu en tant que syndicat étudiant la grève du 13 septembre ?
La grève historique des cheminots du 13 septembre nous a montré la voie à suivre dès la rentrée. La plupart des trains annulés, un taux de gréviste à 90 % du personnel, ce mouvement annonçait la couleur d’un mouvement social extrêmement fort.
En particulier chez les étudiants, il était central d’affirmer que nous sommes tous concernés par la réforme des retraites et que le combat des cheminots est le nôtre.
Nous avons expliqué par nos tracts et nos interventions, que la réforme allait non seulement constituer une baisse générale des pensions, mais aussi la destruction du système actuel basé sur la solidarité intergénérationnelle.
La bataille pour le retrait du projet Delevoye est centrale. Le gouvernement Macron est ultra minoritaire, il ne tient que par le mensonge et la répression. Si nous obtenons le retrait de la réforme, tout devient possible, y compris de revenir sur les attaques que nous avons subies au cours de ces dernières années. C’est pourquoi en tant que syndicat étudiant, nous avons tout de suite appelé à rejoindre l’appel des cheminots à la grève générale le 05, pour la victoire de tous et toutes !
2/ Qu’avez-vous pensé de la marche contre le racismeanti-musulman ?
Face au spectre de la grève générale, le gouvernement a bien compris que semer la division est sa seule porte de sortie.
C’était son objectif lorsqu’il a entretenu une polémique nauséabonde et délétère à propos des femmes voilées.
Le poison du racisme et le discours de la division n’ont pas pris. Suite à l’attaque contre la mosquée de Bayonne, la population a répondu par l’unité, par la marche du 10 novembre contre le racisme et l’islamophobie. La manifestation a rassemblé des personnes de tout âge, et de tout horizon, qui ont défilé avec des chants unitaires et antiracistes : « dans les rues parisiennes, les musulmans chantaient, laïcité on t’aime, tu dois nous protéger ».
3/ Qu’avez-vous proposé pendantle mouvement étudiant contre la précarité ?
Cela fait longtemps que nous dénonçons la tenaille dans laquelle sont pris les étudiants, entre les mesures de privatisations de l’université, et la précarité étudiante qui s’aggrave (voir Internationaliste n°187). Le résultat de cette politique c’est l’acte de Anass, qui a tenté de s’immoler devant le Crous de Lyon. Cet acte était politique, et un cri de détresse pour alerter de l’urgence de la situation : la précarité tue.

Dès le 12 novembre, nous avons appelé à une première AG à Paris 3, qui a réuni plus d’une centaine de personnes. Cette AG a adopté la revendication d’un plan d’urgence pour les étudiants, à savoir le versement immédiat de toutes les bourses en retard, l’augmentation des bourses indexée sur l’inflation et le coût de la vie, l’augmentation du nombre d’étudiants boursiers et l’élargissement des critères d’attributions , l’augmentation des APL et la gratuité des transports publics.
Le jeudi 14, une délégation est partie rejoindre la manifestation nationale des hospitaliers. La précarité tue, mais la privatisation des services publics aussi et l’hôpital public, saboté par les gouvernements successifs est aujourd’hui en danger de mort. C’est pourquoi en tant qu’étudiant il était important de se joindre aux salariés de la santé, en grève depuis avril.
4/ Avez-vous participé à la marche féministe du 23 novembre ?
La marche du 23 novembre a été succès historique. Avec 150 000 personnes sur tout le pays c’est la plus grande manifestation en faveur du droit des femmes en France.
Cette année une tribune d’une trentaine d’organisations féministes, et d’environ 80 personnalités, appelait à « marcher pour l’universalité des droits fondamentaux des femmes, contre le système prostitueur et pornocriminel », ce qui est une victoire pour toutes les militantes et tous les militants féministes.
Nous avons pris part à la manifestation avec le comité féministe de Paris 3, avec des lycéennes, des étudiants et des étudiantes, ainsi que des professeurs et des salariés. Nous étions dans un cortège combatif d’environ 200 personnes, les slogans et les chants ont été nombreux : « Assez ! Assez ! De cette société qui protège les violeurs en toute impunité ! », « Dans tous les pays, avortement, libre et gratuit ! », ou encore « Celui qui ne saute pas, protège Polanski »…
5/ Comment avez-vous préparé la grève du 5 décembre ? Avez-vous pu travailler avec les autres organisations syndicales de votre université ?
Fort des récentes mobilisations, le 26 novembre nous avons appelé à une nouvelle assemblée générale, qui a réuni près d’une centaine de personnes sur le parvis de la fac. L’AG a lancé « un appel à toute la population pour cesser le travail, pour faire grève, organiser la paralysie le 5 décembre ».
Nous avons maintes fois sollicité les organisations syndicales étudiantes de notre université ( SAP3, UNEF) pour mener une campagne unitaire, sans succès.
Dans les AG que nous avons convoqué, les syndicalistes refusent d’intervenir malgré nos nombreux appels à prendre la parole. Cependant nous sommes restés unitaires.
Nous avons proposé aux autres organisations étudiantes, l’Unef et le SAP3, une AG commune le 20 novembre, proposition à laquelle nous n’avons pas reçu de réponse.
Pendant l’intersyndicale étudiante et salariée, les militants du SAP3, de la CGT et de la FSU pour les personnels, on nous a expliqué que les conditions n’étaient pas réunies pour appeler les enseignants, les personnels et les étudiants à faire grève le 5 décembre.
Et pourtant nous étions deux semaines avant le 05 décembre, nous avions donc largement le temps de mobiliser sur l’université.
Finalement, l’intersyndicale s’est contenté d’appeler à une AG contre la réforme des retraites le 3 décembre ! Sur l’ensemble des universités, c’était l’assemblée générale de salariés et d’étudiants la plus tardive du mouvement avant le 5 décembre.
D’ailleurs c’est pour cette raison que nous ne l’avons pas signé …
Nous avons pu sortir nos deux banderoles « Étudiants- Travailleurs unité pour le retrait du projet Delevoye » et « étudiantes – travailleuses, unies contre le patronat et le patriarcat » manifester le 5 décembre avec des étudiants, des salariés, des gilets jaunes jusqu’à la place de la nation.
Nous avons notamment chanté : « Un même salaire, une même pension, pour les filles et les garçons », « Grève générale pour chasser Macron, c’est ça la solution ».
6/ A quelles initiatives avez-vous participé depuis le début de la grève le 05 ?
Nous sommes allés à toutes les journées de manifestations, le 05, le 10 et le 12 décembre. Nous y avons participé avec des étudiants de Paris 3, des professeurs et des salariés en grèves. Le 05 et le 10 décembre en particulier, les cortèges étaient massifs, 200 000 et 180 000 manifestants à Paris.
Le 12, était une une journée d’initiatives locales, la manifestation francilienne a rassemblé un cortège combatif avec notamment une présence importante du personnel de l’éducation, du secondaire et du primaire.
En plus des manifestations et des grèves, nous avons participé au blocage d’un dépôt de bus. L’action, menée par des étudiants et des gilets jaunes, a permis de retarder d’une heure la sortie des bus de la station.
Nous nous sommes également joints à l’initiative des salariés de la ligne 8, qui sont allés perturber les conducteurs qui roulent malgré la mobilisation massive de leurs collègues. Sur les quais de la ligne 8, les trains des non-grévistes ont été accueillis par des huées et par des chants contre les briseurs de grèves.
Dans les deux cas, nous sommes fiers d’avoir fait la jonction avec les salariés de la RATP qui mènent une lutte extrêmement exemplaire, pour maintenir la grève et l’amplifier.
Pour en finir avec ce gouvernement, nous continuerons à participer et à soutenir la grève jusqu’au retrait total du projet Delevoye !
Paris le 16 décembre 2019