Hong Kong : Un an de mobilisation permanente !

Hong Kong se bat pour sa liberté

Paris, le 12 juillet 2020

Mercredi 1er juillet 2020, on a vu une violence sans précédent déferler sur les manifestants pro-démocratie de Hong Kong. Matraque, gaz et canons à eau ont été employés. Plus de 180 personnes ont été arrêtées par la police. Comment en sommes-nous arrivés là ?

2018 : Le PCC donne les pleins pouvoirs à Xi Jinping

Le Parti Communiste Chinois (PCC) est le seul parti autorisé en Chine. C’est ce parti qui essaye de contrôler d’une main de fer la population vivant en Chine : il a, par exemple, réprimé dans le sang la jeunesse et les travailleurs qui en 1989 réclamaient la démocratie place Tiananmen à Pékin. C’est aussi ce parti qui a réintroduit un capitalisme débridé dans ce pays.

En 2013, Xi Jinping devient président de la Chine, pour 5 ans. Pendant toute la durée de son mandat, au nom de la « lutte anti-corruption », il va mettre en prison des membres du PCC effectivement corrompus, mais surtout les concurrents à sa succession.

Au printemps 2018, à la veille de sa réélection, il fait modifier la constitution : la limite des mandats présidentiels dans le temps est abolie.

Xi Jinping peut donc devenir président à vie ! (On voit que Vladimir Poutine en Russie suit le même chemin, lui qui vient aussi de modifier la constitution afin de pouvoir se présenter deux fois de plus à l’élection présidentielle…).

L’objectif affiché du président est de faire de la Chine la première puissance mondiale. Atteindre cet objectif économique et militaire, semble passer par une concentration toujours plus grande du pouvoir entre les mains de Xi Jinping.

Ainsi, en même temps que sa réélection, ont été voté : la suppression de 15 ministères et la création d’une Commission nationale de supervision chargée de la lutte anti-corruption.

Cette Commission a la particularité d’être au-dessus du Parquet suprême et du Tribunal suprême, ce qui fait qu’elle est au-dessus des lois !

Cette Commission permet la détention provisoire de 6 mois, avant enquête, et la présence d’un avocat n’est plus requise lors d’un procès. On voit donc qu’en Chine, le pouvoir se concentre, et va faire régner l’arbitraire.

HK - 5 août 2019

Juin 2019 : Début d’une mobilisation sans précédent à Hong-Kong

Le durcissement de l’appareil étatique chinois a eu une conséquence directe sur Hong Kong. En effet, c’est une ancienne colonie anglaise, qui est rattachée (« rétrocédée ») depuis le 1er juillet 1997 à la Chine, sous la formule « Un pays, deux systèmes » : Hong Kong était censé pouvoir garder ses spécificités. Ce sont ces spécificités qui sont aujourd’hui remises en cause et que la population défend héroïquement.

Comme nous l’écrivions dans L’Internationaliste n°187 : « En juin 2019, c’est un projet de loi d’extradition vers la Chine qui a mis le feu aux poudres. Cette loi permettrait que les hongkongais (opposants politiques, syndicalistes…) ne soient pas jugés à Hong Kong où ils bénéficient de la présomption d’innocence et du droit à un avocat, mais directement en Chine où la justice est expéditive.

Un million de personnes ont manifesté le 9 juin, puis deux millions le 16 juin, soit un quart de la population Hongkongaise ! Le 5 août, une grève générale très suivie a touché les transports, la construction, l’enseignement

Ces éléments montrent que, dès le départ, les travailleurs et les jeunes étaient très mobilisés contre la main-mise de la Chine sur Hong Kong, en réalisant des manifestations massives et historiques !

Septembre 2019 : Une première victoire

La pression des masses a été si importante, que Carrie Lam, la cheffe de l’exécutif de Hong Kong (élue au suffrage indirect, et adoubée par Pékin) a été contrainte d’annoncer que la « loi d’extradition » serait retirée… en octobre.

N’ayant pas confiance dans cette promesse, les travailleurs et les jeunes ont continué de se mobiliser.

Chaque année, des cérémonies commémoratives officielles ont lieu le 1er octobre, car c’est la date d’anniversaire de la prise de pouvoir de Mao Tsé-Toung en Chine.

Cette année 2019, il s’agissait d’une date particulière puisque c’était la célébration des 70 ans. Xi Jinping voulait démontrer que la situation était sous contrôle.

Les hongkongais ne se sont pas laissés intimidés : malgré un fort déploiement policier, et des tirs à belle réelle, les manifestants étaient très nombreux dans les rues.

En réponse, Carrie Lam annonce que dorénavant, toute personne portant des masques en manifestation sera emprisonné.

Preuve en est que la population n’a pas peur : le 20 octobre, c’est une véritable marée humaine qui a déferlé sur Hong Kong contre « l’anti-mask law » !

HK - 2 septembre 2019

Novembre 2019 : Défaite du camp pro-pékin aux élections

Dans cette ancienne colonie britannique, d’octobre à décembre, prises de parole, rassemblements et manifestations sont quotidiens. Autant dire que les élections au « Hong Kong District Council » étaient encadrées par la lutte des classes.

70 % des électeurs se sont déplacés pour voter, ce qui est plus que d’habitude. Les résultats ont été assez nets : les candidats pro-Chine ont subi une lourde défaite, passant de 331 à 89 sièges, quand les candidats « pro-démocratie » passent de 124 à 386 sièges, et contrôlent 17 « districts » de Hong Kong sur 18.

Mais la lutte pour la démocratie ne s’est pas arrêtée avec ces élections. Plus de 800 000 personnes ont manifesté le 1er décembre. Le 22 décembre, les manifestations se sont faites en soutien à la population Ouïghour (voir encadré ci-après). Le jour du nouvel an, le 1er janvier 2020, ce sont encore un million de personnes qui manifestaient !

Covid-19 : Des grèves pour imposer le confinement

Pour Carrie Lam, il était inenvisageable de fermer les frontières, étant donné que la Chine est un « partenaire économique essentiel ».

Mais aussi parce que Hong-Kong est la troisième place boursière après New-York et Londres, un des pays où le mètre carré dans l’immobilier est le plus cher et un port d’importance stratégique pour la Chine mais surtout pour toutes les puissances impérialistes…

Autrement dit, à Hong Kong aussi, les profits doivent passer avant la santé de la population. Une telle argumentation fait évidemment penser à d’autres dirigeants politiques, tels que Trump, Bolsonaro, Johnson ou Macron.

Comme ses homologues des autres pays, Carrie Lam a utilisé le Covid-19 pour tenter de bâillonner toute contestation : elle a fait interdire les rassemblements de plus de 4 personnes !

Le secteur de la santé a été à la pointe de la lutte pour imposer au gouvernement la fermeture des frontières. Il aura fallu 5 jours de grèves pour cela, du 3 au 7 février, pour obtenir satisfaction de leurs revendications.

Les travailleurs de la santé en grève ont également dénoncé le manque de protection, et ont exigé d’avoir des masques médicaux en nombre suffisant.

HK- Février 2020 - Grève des hôpitaux pour la fermeture des frontières

Après la crise du Covid : Arrestation des dirigeants syndicaux et politiques

Avec la grève générale du 5 août 2019, et la grève victorieuse du secteur de la santé, on a vu le rôle essentiel que pouvaient jouer les syndicats dans la lutte pro-démocratie. Face à cela, Carrie Lam a fait le choix de la répression : l’arrestation des dirigeants syndicaux et politiques

Ainsi le 28 février 2020, Lee Cheuk Yan est une première fois arrêté. Il est le secrétaire général de la Confédération des syndicats de Hong Kong, et le dirigeant du Labour Party.

Le 18 avril 2020, il est de nouveau arrêté, ainsi que 14 dirigeants du mouvement pro-démocratie. Ils ont ensuite été libérés sous-caution.

On voit ainsi que la cheffe de l’exécutif de Hong Kong a comme politique d’harceler les dirigeants, afin d’essayer de les démoraliser.

Ainsi « depuis juin 2019, les autorités ont arrêté près de 8 000 manifestants, mais n’ont poursuivi aucun officier de police soupçonné d’avoir utilisé une force excessive. » dénonce Human Right Watch.1

Une loi anti-sédition pour tenter d’en finir avec toute contestation

Le 21 mai 2020, il a été annoncé qu’une loi « anti-sédition » était en préparation. Aussitôt, deux manifestations d’ampleur ont eu lieu, les 24 et 27 mai, alors que les manifestations étaient interdites, du fait des mesures de  »lutte contre le covid ».

Le 4 juin, des commémorations du massacre de la place de Tiananmen ont eu lieu. Mais en plus des traditionnelles veillées aux chandelles de Victoria Park, il y a eu des manifestations dans plus de 10 lieux de la ville.

Ultime provocation : Xi Jinping a choisi de promulguer sa loi « anti-sédition » le mardi 30 juin, pour qu’elle soit appliquée dès le lendemain. Cette date n’a pas été choisie au hasard : le 1er juillet 1997, Hong Kong était rétrocédé à la Chine.

Cette loi dite de « sécurité nationale » précise quatre chefs d’accusation : « les activités subversives, la sécession, le terrorisme et la collusion avec des forces étrangères ». Sont ainsi visés le Xinjiang (les Ouïghours), le Tibet, et Hong Kong.

Cette loi permet à la police de faire des perquisitions à domicile, sans mandat délivré par la justice. Le chef de la police peut censurer internet.

En conséquence de cette loi, les ouvrages des dirigeants pro-démocratie ont été retirés des rayonnages des bibliothèques et des librairies.

Avec une définition extrêmement floue de ce qu’est une « activité subversive » c’est tout habitant de Hong Kong qui sera visé pour n’importe quel propos ou acte n’allant pas dans le sens de Xi Jinping.

Ainsi, pour l’heure, les habitants de Hong Kong vivent les mêmes restrictions de liberté que dans le reste de la Chine.

Mais en même temps, les manifestations restent quotidiennes, comme on l’a vu le 1er juillet. Ainsi les Hongkongais continuent de se mobiliser malgré la chape de plomb qui vient de s’abattre.

Vive la liberté de s’organiser et de manifester !

À bas la dictature, vive la démocratie ouvrière !

À bas la loi de sécurité nationale !

HK - 1er juillet 2020
HK – 1er juillet 2020


Solidarité avec le peuple Ouïghours !

source Le Monde diplomatique

Ce renforcement de la mainmise sur Hong Kong s’abat également sur les minorités à l’intérieur de la Chine.

Les Ouïghours vivent sur le territoire au nord-ouest du pays, dans le Xinjiang. Il s’agit d’une population initialement turcophone et musulmane, qui se bat pour son indépendance depuis plus d’un siècle.

Après la chute du mur de Berlin et l’implosion de l’ex Union soviétique, puis avec le lancement par Xi Jinping du projet des nouvelles « routes de la soie » (Belt and Road Initiative, BRI), l’ouverture de l’espace centrasiatique a fait du Xinjiang une carte maîtresse dans la stratégie de projection du capitalisme chinois en Asie.

Frontalier du Pakistan, de l’Afghanistan et des régimes de l’ex-URSS, il abrite un nœud d’axes de transport ferroviaires, routiers et énergétiques sur lesquels Pékin s’appuie pour garantir ses approvisionnements et rayonner économiquement jusqu’en Europe.

Ces dernières années, au nom de la « lutte contre l’extrémisme », Pékin a accéléré sa politique de destruction du peuple Ouïghours : envoi massif de colons de l’ethnie Han (majoritaire dans le pays) et de soldats, assassinat des dirigeants politiques et religieux, mise en place de « camps » (plus de 500 à travers ce territoire !) et stérilisation forcée des femmes Ouïghours.

le Xinjiang est devenu un vaste terrain d’expérimentation des fleurons de la surveillance high-tech et du big data sécuritaire. Les smartphones peuvent être vérifiés à tout moment aux points de contrôle policiers et aux multiples checkpoints qui jalonnent les routes.

Le vaste système de vidéosurveillance avec reconnaissance faciale s’est amélioré. La plupart des Ouïgours ayant dû rendre leur passeport, les espoirs de ceux qui souhaitaient gagner l’étranger se trouvent réduits à néant.

Comme si les atrocités n’étaient pas suffisantes, les organes de certains prisonniers seraient prélevés et vendus à des pays musulmans, peu regardant sur les plus élémentaires « droits de l’homme ».

La barbarie doit cesser !


1https://www.hrw.org/fr/news/2020/04/20/hong-kong-repression-sur-fond-de-covid-19