Quelle campagne devrait mener un parti ouvrier dans le cadre des élections ?

À l’approche des élections présidentielles d’avril 2017, plusieurs questions se posent aux militants ouvriers et révolutionnaires : quelle position prendre face aux élections et pour quoi faire ? Pour répondre, il faut commencer par analyser la situation politique nationale et le contexte international avant de définir ce que devrait être, selon nous GSI, une campagne ouvrière pour ces élections.
La lutte des classes aiguise la crise des institutions
Commençons par rappeler que le capitalisme, à son stade impérialiste, est entré, depuis 2008, dans une nouvelle phase de sa crise structurelle marquée par des soubresauts que les capitalistes n’arrivent pas à surmonter.
Dans ce contexte, la bourgeoisie n’a d’autre choix que de baisser les salaires et de déréglementer la législation du travail au nom de la compétitivité.
Dans la même logique, la réduction des dépenses publiques et le remboursement de la dette sont défendus comme des horizons indépassables. Le caractère parasitaire du capitalisme atteint des niveaux inédits.
Pour les gouvernements au service des bourgeoisies, il s’agit de liquider l’ensemble des conquêtes sociales pour faire payer la crise aux travailleurs.
La France s’inscrit dans la même logique, d’où les appels de tous les secteurs de la bourgeoisie (qu’ils soient d’extrême droite, de droite ou de « gauche ») à liquider toutes les conquêtes ouvrières et à faire les fameuses « réformes » nécessaires pour la sauvegarde du système capitaliste.
Mais la classe ouvrière et la jeunesse ne sont pas défaits. Bien au contraire, face à toutes ces contre-réformes, elles résistent et s’affrontent de plus en plus directement au patronat et au gouvernement pour sauver les usines, maintenir les emplois, défendre les services publics.
Il y a actuellement, en France et en Europe, une intensité de la lutte des classes inédite depuis plusieurs années. En France, il y a près de 150 conflits en moyenne par jour depuis plusieurs mois.
La mobilisation de la loi travail a redonné confiance aux travailleurs et aux jeunes et c’est un élément déterminant. L’unité et la détermination des secteurs les plus conscients se sont affrontés violemment aux bureaucraties syndicales. Et c’est à coup de 49.3 que le gouvernement PS a pu stopper la déferlante vers la grève générale.
L’exécutif s’est aussi appuyé sur l’état d’urgence permanent pour réprimer les mobilisations de travailleurs et de jeunes opposés à ces politiques et pour entamer des poursuites judiciaires contre les militants les plus combatifs.
L’aiguisement de la lutte des classes provoque une aggravation sans précédent de la crise des institutions bourgeoises chargées d’appliquer les plans capitalistes. C’est évidemment vrai au niveau de l’UE surtout après le vote en faveur du Brexit et la victoire du non au référendum italien de décembre dernier.
C’est aussi vrai en France. En effet, le rejet de l’UE et de ses directives, est devenu incontournable sur les piquets de grève, dans les assemblées générales ou les structures syndicales. CES, parlement européen, BCE, …le vernis démocratique des institutions européennes est en train de voler en éclat.
L’UE et ses institutions apparaissent aujourd’hui au sein de la classe ouvrière et de la jeunesse pour ce qu’elles sont : une alliance des bourgeoisies européennes pour démanteler systématiquement les acquis sociaux et démocratiques. À chaque fois que les peuples sont consultés sur l’UE, ils rejettent ses plans.
L’usure des institutions débouche sur une situation de crise politique très importante. Les institutions bonapartistes de la 5e République n’arrivent plus à jouer le rôle de stabilisation qu’elles ont toujours joué.
La recherche de l’homme providentiel – « la rencontre d’un homme avec le peuple » – est poussée à sa caricature. Les partis institutionnels sont au bord de l’implosion, indiquant la violence des débats en leur sein sur la manière d’imposer les contre-réformes aux travailleurs et aux jeunes.
En l’espace de quelques semaines, plusieurs anciens ministres, plusieurs anciens premiers ministres, plusieurs anciens présidents de la république ont été éjectés de la course à la présidentielle parce qu’ils sont considérés à juste titre comme responsables de l’application de ces politiques anti-ouvrières.
Sous la 5e République, jamais un pouvoir sortant n’a été aussi honni et jamais ceux qui prétendent lui succéder n’ont été aussi rejetés.
En l’absence d’alternative, les travailleurs votent par défaut ou se réfugient massivement dans l’abstention : celui qui arrivera au pouvoir en mai prochain aura une base sociale extrêmement réduite.
Il aura les plus grandes difficultés à appliquer le plan de contre-réformes exigé par la bourgeoisie car la lutte des classes aura le dernier mot comme nous le montrent les exemples américains ou italiens. Dans ces pays, ceux chargés d’appliquer les plans capitalistes soit dégagent (en Italie), soit sont confrontés à une contestation sociale sans précédent depuis plusieurs d’années (aux Etats-Unis).
Signalons aussi que les tentatives de gestion de la crise par la gauche radicale s’usent à une vitesse inouïe. Et pour cause, plutôt que d’avancer la rupture avec l’UE et ses plans, des formations telles que Podemos ou Syriza se posent en ultime recours pour sauver l’UE en faisant miroiter l’illusion de l’Europe sociale.
En France, le mot d’ordre de 6e République défendu par certains s’inscrit dans la même logique et apparaît lui aussi comme une manière de mieux sauver la 5e c’est à dire le système.
Il faut le dire clairement la seule alternative à cette situation, c’est de s’appuyer sur la dynamique de la lutte des classes et de défendre la rupture avec la 5e République, et tous les éléments de rupture sont réunis. C’est la lutte des classes qui va encadrer les prochaines élections présidentielles et législatives, et l’intensité de cette lutte va déjouer bien des pronostiques.
Un programme socialiste, internationaliste et anti-impérialiste en faveur des travailleurs et des jeunes
Pour les révolutionnaires, la participation à des élections bourgeoises ne peut être qu’une tactique pour faire connaître son programme et construire le parti révolutionnaire. Il s’agit d’élaborer des revendications transitoires pour ouvrir une perspective politique sur le terrain de la lutte des classes qui fasse le lien entre l’état d’esprit des masses et la perspective de la rupture avec le capitalisme.
En effet, comme l’a montré l’expérience du mouvement ouvrier depuis plus de cent ans, il est impossible de changer le système à l’intérieur des institutions bourgeoises. Ceci étant dit, quel programme devrait être défendu dans le cadre des élections à venir au printemps prochain ?
Premièrement, nous GSI, pensons qu’une candidature ouvrière devrait défendre la rupture avec l’UE et tous ses traités capitalistes. Cela implique d’exiger l’annulation de la dette, qui est 100 % illégitime.
À l’échelle du continent et en France, les travailleurs sont prêts, ils l’ont déjà démontré à plusieurs reprises. Pour nous, réformer l’UE ou parler d’Europe sociale est une chimère. On ne peut réformer une organisation créée par les gouvernements impérialistes autour de l’idée de la concurrence libre et non faussée.
Il faut dénoncer l’UE et ses institutions (BCE, Commission Européenne, CES…), non comme une structure supra-nationale, mais comme un cartel des bourgeoisies qui permet d’attaquer conjointement la classe ouvrière au sein des différents états.
D’un point de vue socialiste et internationaliste, se battre pour la rupture avec l’UE, ce n’est pas le repli national, la fermeture des frontières et le protectionnisme. Rompre avec l’UE, c’est avancer le mot d’ordre du gouvernement par et pour les travailleurs à l’échelle du continent, issu des mobilisations. C’est le contenu que nous mettons dans le mot d’ordre d’États-Unis Socialistes d’Europe.
Deuxièmement, une candidature ouvrière devrait défendre la perspective de l’internationalisme et pas de manière abstraite. Cela implique d’affirmer son soutien net et infaillible aux mouvements révolutionnaires qui se battent contre l’impérialisme et leurs alliés, en premier lieu en Syrie et en Palestine.
Cela exclut bien sûr de soutenir des bouchers tels qu’Al Assad, ainsi que des gouvernements, qui sous des discours de gauche voire anti-impérialistes, attaquent dans leur pays les dirigeants syndicaux (comme en Bolivie, au Venezuela et en Argentine) en même temps qu’ils négocient des accords avec les entreprises et les gouvernements des pays impérialistes.
Troisièmement, un candidature ouvrière devrait défendre une réelle politique anti-impérialiste. Cela implique de dénoncer la politique impérialiste de la France et d’exiger l’arrêt des opérations extérieurs menées et le retrait immédiat des troupes françaises d’Afrique et du Moyen-Orient.
C’est aussi se battre pour le droit à l’autodétermination des peuples des dernières colonies françaises, en Amérique, en Afrique et en Océanie (Guadeloupe, Mayotte, Kanaky, Réunion …).
Quatrièmement, une candidature ouvrière devrait défendre de manière intangible l’indépendance de classe. Cela veut dire se faire la voix de la classe ouvrière et de la jeunesse et de leurs revendications : hausses de salaires, nationalisations, défense de l’école et de la santé publique, défense des services publics et arrêt de la régionalisation etc.
Cela signifie se faire la voix des nombreuses grèves quotidiennes, œuvrer dans le sens de leur unification et dénoncer la politique de division mise en place par les directions syndicales bureaucratiques qui font tout pour décourager les travailleurs de se mobiliser.
Dans l’immédiat, cela signifierait de continuer à porter la voix puissante de la mobilisation massive contre la loi El Khomri et de continuer à exiger l’abrogation de cette loi.
Cela implique également d’exiger de nos structures syndicales la rupture avec la CES (Confédération Européenne des Syndicats), cette appendice de l’UE au sein du mouvement ouvrier, qui co-rédige les directives européennes contre les travailleurs.
Cinquièmement, une candidature ouvrière devrait défendre les acquis démocratiques en portant la voix des victimes de la répression anti-syndicale, dont le nombre a explosé sous un gouvernement de « gauche ».
À l’image des Goodyear et des Air France, il y a actuellement plus de 1700 militants combatifs syndicaux poursuivis par la justice pour avoir défendu leur outil de travail ou s’être opposés à la politique anti-ouvrière du gouvernement. Ces militants montrent l’exemple.
Ils devraient recevoir le soutien d’une candidature ouvrière digne de ce nom. Cela implique d’exiger l’annulation immédiate de l’état d’urgence, véritable arme de guerre contre les militants ouvriers combatifs.
Sixièmement, une candidature ouvrière devrait dénoncer toutes les politiques et lois racistes mises en place par les gouvernements successifs, de droite ou de « gauche » et se prononcer clairement pour la libre circulation des travailleurs.
Voilà ce que devrait défendre au minimum, selon nous, une candidature ouvrière à l’élection présidentielle de 2017, pour œuvrer à ouvrir une perspective politique pour les travailleurs et les jeunes face à l’impasse capitaliste. Une telle candidature pourrait permettre d’avancer dans le sens de la construction d’un réel parti ouvrier révolutionnaire internationaliste et socialiste. À l’étape actuelle nous ne voyons aucune candidature qui va dans ce sens.
Pour une issue ouvrière socialiste et internationaliste, pour un gouvernement par et pour les travailleurs :
- Abrogation des traités européens
- Annulation de la dette
- Abrogation de la loi travail
- Levée de l’état d’urgence
- Levée des poursuites et relaxe de tous les militants inculpés
- Augmentation générale des salaires
- Réduction du temps de travail avec embauche compensatoire intégrale sans réduction de salaire
- Interdiction des licenciements
- Retrait des troupes françaises du Moyen-Orient et d’Afrique
- Abrogation de toutes les lois racistes : pour la libre circulation de tous les travailleurs
- Droit à l’autodétermination de toutes les colonies, y compris à la séparation