Revue de presse sociale – Avril 2018
A échelle internationale, la lutte des classes est marquée par de nombreux conflits qui ont un caractère inédit par leur ampleur et leurs revendications.
Ainsi aux États-Unis, à la suite de la fusillade au lycée de Parkland (Floride), le 14 février 2018, qui avait fait 17 morts, la jeunesse américaine s’est organisée pour dénoncer la vente d’armes aux USA. Elle s’attaque ainsi à un des piliers de la Constitution américaine et au puissant lobby des armes à feu, la NRA.
Le 23 mars, une journée de mobilisation a été organisée : March for our lives (La marche pour nos vies) rassemblant de 1,5 à 2 millions de manifestants, dans plus de 800 villes du pays. Par exemple, il y avait 500 000 lycéens et étudiants à Washington. A New York, March for our lives et Black Live Matters ont manifesté ensemble. Ainsi, jeunesse, Noirs, Blancs, et femmes combattent et s’unissent contre la politique de Trump.
De même, les professeurs américains font des grèves sauvages afin d’obtenir des augmentations de salaire. En Virginie Occidentale, ce sont toutes les écoles de l’état qui étaient en grève pendant 8 jours en mars : les enseignants ont obtenu 5 % d’augmentation salariale. Les directions syndicales sont débordées, et la lutte s’étend à plusieurs états, dont l’Arizona et le Kentucky.
En Espagne, dans la continuité de la lutte pour l’indépendance de la république catalane, un puissant mouvement de grève a eu lieu le 8 mars. C’était la première fois qu’il y avait un appel à la grève en Espagne pour la journée internationale de lutte des femmes. On a assisté à un ras-de-marée : il y a eu plus de 5 millions de grévistes ! La grève a été très suivie par les étudiantes dans les universités. Il y a eu plus de 130 manifestations dans le pays qui ont dénoncé les inégalités de salaire et de retraites entre femmes et hommes.
En France, la manifestation du 22 mars a été une réussite. Un demi-million de personnes ont fait grève et ont manifesté. En métropole, on n’avait pas vécu une journée d’une telle ampleur depuis la lutte pour le retrait de la loi El Khomri en 2016. Cette journée n’a pas été un éclair dans un ciel serein. Elle est la résultante des nombreuses grèves et mobilisations qui continuent depuis l’élection de Macron, dont nous rendons compte dans cette rubrique.
Ainsi, dans l’île de Mayotte, une grève générale a commencé le 19 février. A la suite de l’affrontement violent entre bandes rivales dans un lycée, les personnels et enseignants ont exercé leur droit de retrait. Dès le lendemain, c’était les bus scolaires de toute l’île qui se mettaient en grève, entraînant à leur suite l’ensemble des secteurs de l’île.
Ce que la grève générale dénonce dans ce département français, comme en Guyane il y a tout juste un an, c’est le caractère semi-colonial de cette île, achetée par la France en 1841. Il s’agit en effet du département le plus pauvre de France : 84% des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Les services publics ne sont pas en capacité d’assurer leurs fonctions : faute de places dans les écoles, les élèves vont en cours par rotation !
Les grévistes demandent un investissement de 1,8 milliard d’euros dans les services publics (équipement sportifs, habitation, assainissement de l’eau, construction d’écoles…).
Le 13 mars, une rencontre a eu lieu entre le « collectif des citoyens » et l’intersyndicale d’une part, et d’autre part la ministre de l’Outre-mer. Celle-ci s’est engagée à envoyer 20 gendarmes et 10 policiers supplémentaires. La direction des grévistes, satisfaite, s’est engagée, quant à elle, à lever les barrages et cesser la grève dès le lendemain. Mais cet engagement de la direction a été désavouée par les grévistes qui tiennent les barrages sur les routes, en dénonçant le fait que leurs porte-paroles n’avaient pas respecté leur mandat, à savoir défendre un plan d’investissement massif dans les services publics de l’île. La grève se poursuit.
La manifestation des retraités, le 15 mars, a été un succès : plus de 200 000 personnes ont manifesté pour dénoncer la hausse de la CSG ce qui diminue d’autant les pensions de retraites (plusieurs centaines d’euros par an). Cette journée de lutte a été rejointe par les travailleurs des EHPAD, les aides à domicile, et les étudiants.
Le jeudi 22 mars, il y a eu un demi million de grévistes et de manifestants. Il y a eu plus de 180 rassemblements et manifestations pour dénoncer les privatisations par ordonnance. Cette journée était appelée au départ par les syndicats des trois fonctions publiques, puis a été rejointe par de nombreux secteurs : cheminots, énergie, avocats, magistrats, éducateurs, lycéens et étudiants…
A Paris, il y a eu 65 000 manifestants, dont 25 000 cheminots. Il y a 25 000 manifestants à Toulouse, 15 000 à Rouen, Lyon, Bordeaux, 10 000 à Grenoble et Limoges, 8000 à Caen, Nantes et Montpellier, 6500 au Havre, 5000 à Pau, 3000 à Dijon…
La grève a été, par exemple, très suivie par les agents des finances publiques. A Paris, dans ce secteur, il y a eu 50 % de grévistes en moyenne. Au CHU d’Angers, l’AG du 22 mars a réuni 350 hospitaliers, et celle-ci a appelé à la grève les 29 et 30 mars.
La CGT Cheminots (1er syndicat du secteur) a appelé à faire une manifestation nationale à Paris le 22 mars, mais sans appel à la grève ! Pourtant dans toute la France, des dizaines de milliers de cheminots se sont mobilisés, et beaucoup étaient en grève (34,5 % selon la direction, ce qui veut dire en réalité beaucoup plus).
Après le 22 mars, les grèves se sont poursuivies dans de nombreux secteurs et dans toute la France : les syndicats d’Air France appelaient à faire grève le 23 mars afin de demander des hausses de salaire de 6 %. Ainsi 56 % des vols ont été impactés par la grève. Le 30 mars, l’intersyndicale de la justice (CGT, Syndicat des Avocats de France…) appelait à une journée « justice morte » contre la fermeture des tribunaux d’instance.
Dans le secteur de la grande distribution, la journée de grève a été très suivie par les travailleurs du groupe Carrefour. 20 000 salariés ont fait grève, plus de 450 magasins touchés, 30 hypermarchés bloqués. Il s’agit d’une grève historique, contre une attaque d’une extrême violence : un plan de fermeture de 273 magasins et le licenciement de 4600 salariés, alors que les bénéfices du groupe ont augmenté !
Le 3 avril, la grève des cheminots, décidée par les directions syndicales a commencé. La grève a été extrêmement suivie dès le premier jour par 95 % de contrôleurs, 90 % d’aiguilleurs, 77 % de conducteurs. Cette grève a paralysé les TGV et TER.
D’autres secteurs se sont emparés du 3 avril : finances publiques, énergie, étudiants, éboueurs et propreté ont commencé des mouvements de grèves à compter de cette date.
On voit donc que le rejet de la politique de Macron est profond. Il y a des grèves dans de nombreux secteurs, malgré les décisions des directions des syndicats de repousser ou d’empêcher le déferlement et l’unité. La question qui se pose aujourd’hui est celle de l’unification des grèves : tous ensemble, jusqu’à la satisfaction des revendications !