Interview de Rémy, lycéen à Paris

Manifestation à Paris le 26 mai 2018, Banderole grève générale pour chasser Macron

Nous retrouvons ici, l’interview d’un élève de 1ère L dans un établissement du centre de Paris. Rémy1 nous raconte comment s’est organisée la mobilisation contre Parcoursup et contre le plan étudiant (Loi dite Vidal).

L’internationaliste : Comment se sont mises en place les premières assemblées générales?

Rémy : La mobilisation sur mon lycée a véritablement démarré au mois de mai.

Avec un élève de prépa2, qui était lui aussi dans la mobilisation, on a créé un groupe de discussion sur les réseaux sociaux. On a alors tenté de faire un blocus le jeudi 3 mai, date de grève et de manifestation pour l’éducation, et aussi pour les cheminots.

Malgré notre heure matinale, le blocus a été levé, car les policiers sont intervenus très rapidement.

Le lendemain, nous avons organisé la première assemblée générale (AG) qui a réuni une centaine de lycéens et lycéennes. C’était donc un vrai succès et cela a posé les bases de nos actions futures.

La première chose importante lors de cette AG était d’informer et d’expliquer le contenu totalement inégalitaire de la loi Vidal et de Parcoursup, qui s’inscrit dans la politique anti-sociale et réactionnaire du gouvernement Macron-Phillipe.

Il était primordial pour nous de passer par cette étape d’information pour convaincre le maximum de lycéens présents et de les amener par l’argumentation à nous rejoindre dans la lutte. L’AG s’est alors prononcée pour le retrait de Parcoursup et de la loi Vidal.

L’internationaliste : Quels ont été les débats dans vos assemblées générales ? Quelles ont été vos revendications ?

R : Après cela, le comité a pu se constituer de manière plus claire, et nous avons participé aux manifestations qui ont eu lieu au mois de mai.

Parallèlement, nous avons fait face au niveau local aux mesures répressives de la Cheffe d’établissement (fichage des élèves mobilisés, pression sur les lycéens et lycéennes pour ne pas participer aux assemblées générales ou aux manifestations …).

Nous avons alors très vite ajouté deux revendications :

– le respect du droit de grève des élèves et donc la non-comptabilisation des absences au motif de « manifestation »

– l’attribution d’une salle pour l’organisation de réunions publiques ou d’assemblées générales, comme le stipule le règlement intérieur du lycée.

Pour moi, c’est vraiment une Proviseure macroniste à deux points de vue. D’une part, elle défend une vision élitiste de l’éducation. En faisant cela, elle inscrit elle-même la voie de l’excellence sans saveur, sans esprit critique, ce qui correspond au projet de société du gouvernement Macron- Philippe.

D’autre part, elle n’hésite pas à bafouer la liberté d’expression, la liberté de réunion et d’organisation des lycéens et lycéennes alors que cela fait partie de la vie démocratique au sein de l’établissement.

L’internationaliste : Quels obstacles analyses-tu au niveau de la mobilisation locale sur ton établissement, et plus largement au niveau du mouvement lycéen à Paris ?

R : Le premier obstacle, comme je le disais au début, c’est que sur notre lycée il n’y avait pas de cadre de mobilisation. On a dû tout construire.

Ensuite, on a essayé de se coordonner avec les cadres existants. Donc j’ai été mandaté pour participer à la Coordination Nationale Étudiante des 5 et 6 mai qui se déroulait à Nanterre. L’objectif était surtout d’avoir des contacts et des infos.

C’était très décevant, pour ma part, car on a tourné en rond pendant près de deux heures sur les modalités de vote ou les modalités de débat.

Malheureusement, c’était pareil pour les autres structures ou instances : les interfacs, les interlycées, etc. On se retrouvait avec des appels à manifestations qui tournaient sur les réseaux ou sur démosphère, mais il n’y avait pas de travail de mobilisation ou d’organisation derrière. On se rendait compte, à la fin, que c’était des rendez-vous un peu bidon…

Au niveau de l’UNL et de la FIDL, qui sont des soi-disant syndicats lycéens, ils n’ont rien fait comme travail de mobilisation sur mon lycée. Et c’est le cas de nombreux autres lycées sur Paris, où ils n’étaient absolument pas à l’initiative de la création de comités de mob ou autre. On ne les voyait que pendant les manifestations pour chanter les slogans avec leurs mégaphones.

Étaient présents aussi dans ce mouvement, des militants et militantes qui se revendiquent plus dans la veine dite « autonome ». Ils ont joué un rôle assez néfaste sur la lutte. Si on prend l’exemple de mon lycée, ils se sont positionnés d’emblée contre les assemblées générales qu’ils/elles trouvaient trop bureaucratiques.

Ils/elles avaient à tel point fétichisé le blocus, ou les « actions » qui relèvent du sensationnel ou du spectaculaire, qu’ils rejetaient en bloc tout forme d’organisation collective. Ils refusaient qu’il y ait des AG, qu’il y ait des tribunes, des ordres du jours …

Nous avons réussi à échapper à leur autoritarisme, ou à contrecarrer leurs propositions d’actions absurdes ou contre-productives, mais ils ont pesé négativement sur le mouvement lycéen parisien.


1. Rémy a préféré garder l’anonymat, il ne s’agit donc pas de son véritable prénom.

2. CPGE : classe préparatoire aux grandes écoles