Rien n’est réglé ! Pour l’abrogation de la réforme des retraites…

Manifestation du 1er Mai, Paris, photo (C) MCI

À celles et ceux qui ont la mémoire courte, il convient de rappeler un peu longuement ceci : la Vème République est née de la volonté de la bourgeoisie d’imposer un homme, un « sauveur », qui fut un arbitre de ses désaccords afin, surtout, d’ériger un rempart à la mobilisation de la classe ouvrière.

Le 13 mai 1958, elle est issue d’un coup d’État prenant appui sur le putsch des généraux à Alger qui a permis d’amener « légalement » et « constitutionnellement » de Gaulle au pouvoir le 1er juin. Ce qui permet à la droite de prétendre que le 13 mai ne fût pas un coup d’État. Légalité et constitution, qu’ils disent…

Dès l’origine, ces institutions ont été conçues autour d’un Président disposant de pouvoirs étendus dans le cadre d’un exécutif fort, un gouvernement entouré d’une chambre d’enregistrement parlementaire et d’une justice aux ordres, « légalement » et « constitutionnellement ».

Le tout est servi par un appareil de propagande centré sur l’ORTF, office de radiodiffusion-télévision française…

Le nouveau pouvoir issu du coup d’État a constitué d’emblée une « association » de fidèles du général, le SAC (service d’action civique). Association dont l’objet n’est pas sans rappeler la société du 10 décembre qui a servi Louis-Napoléon Bonaparte, en réalité une véritable police parallèle qui a sévi contre le mouvement ouvrier essentiellement.

La pratique de ce pouvoir symbolisé par « la rencontre d’homme avec le peuple », pratiquant le plébiscite, c’est le coup d’État permanent, « légal » et « constitutionnel ». Cela se nomme le bonapartisme.

Ce processus contre-révolutionnaire a été enrayé par la grève des mineurs de 1963 et la grève générale de mai-juin 1968.

Le bonapartisme est donc resté « inachevé », mais le projet n’a pas été abandonné par la bourgeoisie qui voit ce type d’institution particulièrement adapté à la remise en cause systématique des acquis ouvriers et démocratiques.

Aussi, l’échec de de Gaulle à aller au bout de sa contre-révolution ne met pas fin aux exigences de la bourgeoisie, déterminée à mettre fin à l’indépendance de classe des travailleuses et des travailleurs.

Outre que le PS est devenu un parti bourgeois, les autres formations politiques de « gauche » ayant ou prétendant représenter les travailleuses et les travailleurs leur ont en réalité tourné le dos. Quant au FN/RN, il suffit de se pencher sur son programme économique pour comprendre toute son escroquerie à prétendre être un parti ouvrier.

Le « dialogue social » est venu accélérer l’intégration des syndicats ouvriers à l’État pendant que la mécanique de « l’ubérisation », impulsée par l’État aux côtés des marchés financiers, tend à disloquer l’unité de la classe ouvrière.

Depuis plus d’un siècle, l’alternative que la bourgeoisie laisse à la classe ouvrière est toujours l’intégration ou la destruction… y compris physique : dans ce cas, cela s’appelle le fascisme.

Ce que dit en réalité la mobilisation pour le retrait de la sixième contre-réforme des retraites depuis des mois, c’est le refus de voir s’appliquer le catalogue des « réformes structurelles » impulsées par le Fonds Monétaire International (FMI). Le refus de voir la « dette publique » instrumentalisée pour servir de prétexte aux remises en causes sociales et démocratiques.

Ce que dit en réalité la mobilisation, c’est le refus du bonapartisme. Le refus de voir Macron, Borne et compagnie défiler devant les caméras en parlant de « république », de « démocratie » et « d’État de droit », alors qu’ils ne font que servir les capitalistes.

C’est le refus de ces institutions qui ne servent, en fin de compte, que de cadre pour imposer « légalement » et « institutionnellement » ce que les travailleuses, les travailleurs et les jeunes refusent dans leur écrasante majorité.

Alors, dans cette situation, qu’y a-t-il à discuter avec É. Borne ? De son point de vue, c’est clair : comment appliquer la suite du programme et faire en sorte que cela ne provoque pas de vagues. Du point de vue des représentants des confédérations syndicales, c’est moins clair : répéter l’exigence du retrait de la contre-réforme ? Alors pourquoi y aller ou simplement pourquoi accepter d’y aller séparément ?…

Pourquoi ne pas retransmettre publiquement ces rencontres, en direct, comme en Pologne en 1981 ?

Toujours est-il, rien n’est réglé. La décision du Conseil constitutionnel ne règle rien. La promulgation de la loi ne règle rien. Les tentatives de RIP ou autres dans le cadre institutionnel ne règlent rien. La colère demeure. Le rejet des institutions est patent. Le refus de la part de l’intersyndicale d’appeler à la grève générale l’est aussi.

Le 1er mai, les centaines de milliers qui ont manifesté l’ont redit. L’expérience est faite, il faut en tirer des leçons et des perspectives.

L’exigence d’une manifestation nationale à Paris s’est déjà exprimée et s’exprime largement : elle doit s’organiser. Ce que nous voulons maintenant c’est l’abrogation pure et simple de la contre-réforme des retraites…

Maintenant, c’est le débordement de l’intersyndicale qui est à l’ordre du jour. La grève générale doit s’imposer en décidant démocratiquement la grève dans le cadre d’assemblées générales, partout, en rédigeant des cahiers de revendications et de doléances. En généralisant la grève, en mettant en place des comités de grève pour décider. En rassemblant ces comités à l’échelle des villes et des villages, des départements, du pays, intégrant les organisations syndicales qui soutiennent la grève.

Seule la grève générale peut ouvrir une perspective positive pour les travailleuses, les travailleurs et les jeunes.

Une perspective en rupture avec les institutions ; une perspective en rupture avec le capitalisme.

Dirigeant.es des confédérations syndicales, il n’y à rien à discuter avec le gouvernement, pour l’abrogation de la contre-réforme des retraites, tous et toutes ensemble, grève générale !