Chili : Vive la révolution populaire et ouvrière ! déclaration du MCI

Valparaiso, 15 Novembre, manifestation pour la santé

Pinochet, la bourgeoisie ultra réactionnaire chilienne, ses amis impérialistes et les fameux Chicagos boys, pensaient avoir écrasé dans le sang avec le coup d’état de 1973 contre le gouvernement d’Allende, les traditions révolutionnaires du prolétariat chilien et de la jeunesse. Il n’en est rien !

« # chile desperto » ( le chili s’est réveillé, hashtag repris sur les réseaux sociaux)

Le prolétariat chilien renaît de « ses cendres », relève la tête, et de quelle façon! Il brise ainsi avec sa mobilisation, un à un, les mythes de la propagande pro-capitaliste :

– la lutte des classes est bien vivante, ce qui signifie que le capitalisme n’est pas la fin de l’histoire,

– toutes les dictatures, tous les chars ne pourront stopper l’élan révolutionnaire des masses prolétarisées du monde,

– oui, le prolétariat est la seule classe révolutionnaire

– oui, la jeunesse est la flamme de la révolution et le prolétariat son foyer pour reprendre la fameuse formule de Lénine

Tremblez capitalistes , tremblez bureaucrates, le spectre de la révolution sociale parcours à nouveau le monde !

« C’est pas 30 pesos, c’est 30 ans » (slogan de la jeunesse qui a initié la révolte)

La révolution chilienne a commencé le 18 octobre avec l’annonce d’une hausse du ticket de métro de 800 à 830 pesos (1,04 euro) aux heures de pointe, à Santiago du Chili, après une première augmentation de 20 pesos en janvier dernier.

Précisons que cette hausse du ticket de métro de Santiago, touchaient environ 3 millions de citadins (dans un pays de 18 millions d’habitants, Santiago en concentrant près de 6).

«Au beau milieu d’une Amérique latine tourmentée, le Chili est une véritable oasis […]. Le pays croît, nous créons 176 000 emplois par an, et les salaires progressent», se vantait le 8 octobre le « président » chilien Sebastián Piñera, sur un plateau de télévision.

Les indicateurs économiques (comme disent les capitalistes et tous ceux qui prétendent que les forces productives n’ont pas cessé de croître en se basant sur le PIB et le PNB ) sont pourtant bons : chômage sous les 8 %, croissance prévue de 2,6 % cette année alors que plusieurs voisins sont en récession.

Et en effet, le Chili, avec ses trente ans de croissance ininterrompue, était régulièrement érigé en modèle de pays « réformateur » pour le continent.

Ainsi, en visite dans le pays il y a quelques mois, Eduardo Bolsonaro, le fils du président d’ultra-droite brésilien, avait dit tout le bien qu’il pensait du système chilien des retraites, mis en place sous la dictature du général Pinochet, par le frère de Sebastián Piñera (1973-1990)…

Les ultra-réactionnaires et pro-capitalistes
Bolsonaro et Piñera

Mais voilà, la réalité est beaucoup plus « terre à terre », l’extraction de la plus value et la hausse du taux de profit sont la raison d’être des capitalistes et des gouvernements bourgeois, et elle implique en cette période de crise de surproduction, où le capital financier domine le capital productif, une « armée de réserve », d’esclaves salariés : le prolétariat, dont les femmes sont une composante essentielle.

Et ce prolétariat a décidé de façon résolue, de prendre ses affaires en mains sans attendre les directives ou les orientations de qui que ce soit, rendant tout son contenu à la formule du manifeste du parti communiste : « l’émancipation des travailleurs sera l’oeuvre des travailleurs eux-même »

Nous parlons bien du vrai communisme, pas des dictatures staliniennes qui se sont effondrées avec la chute du mur de Berlin sous l’action révolutionnaire des masses il y a 30 ans.

Ainsi, le régime bonapartiste de Pinochet issu de la fausse transition démocratique, plus précisément de l’accord contre révolutionnaire pacté avec Pinochet lui même par le PC et le PS chilien, est en train de s’effondrer lui aussi sous l’action révolutionnaire des masses.

Une mobilisation qui vient de loin

En fraudant le métro dans un acte de révolte et de colère massif, en attaquant l’intégralité des 164 stations, où beaucoup de barrières et tourniquets ont été détruits, la jeunesse chilienne, qui se mobilise en continu depuis la révolte des collégiens de 2006 ( surnommés les pingouins en raison de leur uniforme) pour une éducation publique, laïque et gratuite ( mouvement qui ébranla le gouvernement de la « socialiste » Bachelet), a reconstruit le fil de la continuité historique et a entraîné et uni derrière elle les travailleurs, les exploités, les opprimés, les Mapuches (littéralement « Peuple de la terre » peuple autochtone du Chili et d’Argentine).

Rappelons simplement qu’en Octobre 2018 France 24 rapportait :

« Dans le sud du Chili, le conflit historique qui oppose les indigènes Mapuche aux forces de l’ordre se radicalise : incendies, menaces et confrontations armées se sont multipliés ces derniers mois. À tel point que les autorités n’hésitent pas à parler de « terrorisme » dans la région, et font usage de la force pour mater la rébellion. Des pratiques largement condamnées par l’ONU et les défenseurs des droits de l’Homme. »

En juin 2018 le Chili connaît une large mobilisation dans les universités contre les violences sexistes.

Né à l’université de Valdivia au milieu du mois d’avril, le mouvement des étudiantes contre le harcèlement et les agressions sexuelles a pris une ampleur inédite.

Le 16 mai, la manifestation à l’appel de la Confédération étudiante chilienne (Confech) réunie plus de 150 000 personnes selon les organisatrices.

A n’en pas douter les scandales de pédophilie généralisée dans l’église catholique, un des piliers du régime Pinochet avec l’armée, enfin mis à jour par les victimes ont contribué à nourrir cette révolte.

Le pape François et le évêques chiliens réunis au Vatican, à Rome

D’ailleurs, en plein scandale de pédophilie au sein de l’église catholique chilienne, l’archevêché de Santiago a publié brièvement sur Internet un guide destiné aux prêtres leur conseillant d’«éviter» de pratiquer des «massages», d’«embrasser sur la bouche» les enfants ou de «toucher leurs parties génitales».

Dans le régime de Pinochet, la pédophilie, les réseaux de traite des enfants, la prostitution infantile, ont toujours fait bon ménage avec les tortionnaires fascistes et sadiques.

Plus récemment, en juin et juillet 2019, les professeurs du secondaire se mobilisent massivement pour leur condition de travail, leur salaire et contre la municipalisation de l’enseignement.

Se fier au marxisme et au prolétariat plutôt qu’aux statistiques bourgeoises…

A l’occasion de la réunion international du G7 ( des sept puissances économiques du monde) qui s’est tenu à Biarritz en France du 24 au 26 août, Piñera a été invité par son ami Macron. C’était la première fois qu’un chef d’état chilien participait à ce type de forum...

Voilà pourquoi il ne faut pas avaler les grosses couleuvres des économistes bourgeois et de leurs avatars universitaires sur la « croissance », la « consommation des ménages » ou la « baisse du chômage » ( qui ne sont pas synonymes loin s’en faut de progrès social pour les travailleurs) , qui nourrissent la propagande pro-capitaliste avec des statistiques qui tentent de s’ériger au dessus des contradictions de classes.

Trop de militants et d’organisations aujourd’ hui ont oublié les avertissements de Lénine sur la nécessité absolue pour un marxiste de se battre pour la levée du secret bancaire et commerciale, trop de militants et d’organisations ont balancé par la fenêtre les enseignements du marxisme révolutionnaire, trop de militants et d’organisations ont oublié que ce qui compte c’est « les conditions matérielles et morales d’existences » (Marx) des travailleurs et des jeunes et « l’état d’esprit des masses » ( Lénine).

Une leçon de l’histoire de la lutte des classes

Mais voilà, la réalité du quotidien de millions d’individus est têtue, et de temps en temps certains organismes pro capitalistes lancent des avertissement aux gouvernements bourgeois pour la « bonne gouvernance », pour tenter de canaliser et minimiser, avec le soutien des bureaucraties syndicales et politiques, les explosions sociales inévitables…Le Chili était en 2018 le pays le plus inégalitaire de l’OCDE, avec «1 % de la population concentrant à elle seule 26 % des richesses».

« Avec une inflation de 2% par an, un taux de pauvreté de 8,6% et une croissance qui devrait atteindre cette année 2,5% du PIB, soit l’une des plus élevées d’une région en crise, le modèle chilien fait des envieux en Amérique latine. Mais plusieurs indicateurs sociaux -comme la santé, l’éducation et les retraites, qui relèvent dans ce pays quasiment exclusivement du secteur privé- montrent de très fortes inégalités. » (huffingtonpost.fr)

sur la banderole : pour un système de retraite public, non aux fonds de pension

Le Chili, modèle de « la globalisation néolibérale » et de « bonne gouvernance », laboratoire des premières politiques de destruction et de privatisation des services publics, de la sécurité sociale, de la santé, de l’éducation, des retraites ; modèle qui a directement inspiré le FMI, la BCE, la Banque Mondiale, l’UE et tous les néo-libéraux et sociaux-libéraux du monde, ce modèle stratégique pour les capitalistes et les impérialistes, encensé et cité en exemple par les économistes bourgeois partout dans le monde, est aujourd’hui battu en brèche par l’action révolutionnaires des masses prolétarisées.

Le Chili ne se vend pas

« Chile no se vende »( le Chili ne se vend pas )

En décidant de déclarer l’état d’urgence dès les premières violences le 18 octobre, avec à la clé des milliers de militaires dans les rues, Piñera a attisé la colère légitime et , dans un pays encore très marqué par une dictature qui a fait officiellement 3 200 morts et disparus, il a mis en évidence la continuité du combat historique du prolétariat chilien.

les militaires dans les rues…

Des centaines de supermarchés, de commerces, d’entreprises expropriés ( et non pillés!) ou incendiés par les masses en colère qui ont subi des dizaines d’années d’oppression et de frustration, des dégâts majeurs dans le métro. Selon les médias locaux, les destructions se chiffrent à plus de 900 millions de dollars et touchent directement 400 000 employés…Pourtant la révolution se poursuit !

Renuncia Piñera( Piñera démission )

Et pourtant, le 26 Octobre des millions de chiliens se mobilisent dans la rue pour dire dehors le régime de Pinochet , dehors le gouvernement Piñera.

Ils sont plus d’un million rien qu’à Santiago et exigent sur leurs pancartes et slogans, entre autre, une « Assemblée Constituante souveraine », « le retour des militaires dans leurs casernes » , « le retrait de toutes les lois qui vont contre le peuple », « que tout change « , « l’égalité », le droit à la santé, à l’éducation, à la retraite ( contre les fonds de pension préconisés en France par le projet Macron-Delevoye )…

Bref, toute la politique mise en place par la dictature de Pinochet (dictée par l’impérialisme, le FMI, la banque Mondiale) et poursuivie jusqu’à aujourd’hui est remise en cause…

« Nous n’avons pas peur, nous continuerons notre mobilisation dans les rues »(Coordination des étudiants du secondaire)

Mais la jeunesse, les travailleurs mobilisés ne lâchent rien.

Ainsi le 13 Novembre, les travailleurs des ports, les mineurs, tout les secteurs sont présents dans les manifestations…Il sont plus d’un demi million à Santiago.

le syndicat des fonctionnaires

« Nous allons continuer à nous mobiliser dans les rues, nous ne laisserons pas faire les secteurs réformistes qui tentent de porter nos exigences dans le congrès, alors que nous savons que les réponses (à nos exigences) nous les obtiendrons dans la rue » ( porte-paroles de la Coordination des étudiants du secondaire qui est sortie d’Unité Sociale)

Ainsi à travers leurs porte-paroles la Coordination des étudiant.e.s du secondaire s’exprimant dans un live facebook le 13 Novembre, dénonce le refus de Piñera de répondre aux revendications populaires «  parce qu’il ne veut pas prendre l’argent la où il est est, dans les poches des entrepreneurs » ; la répression « sélective » qui s’abat sur les dirigeants, la réintégration par Piñera dans les effectifs de la police et dans son gouvernement, de tortionnaires condamnés, de corrompus…

« Nous ne laisserons pas faire les secteurs réformistes »(coordination des étudiants du secondaire)

Aujourd’hui les bureaucraties syndicales et politiques ( Parti Socialiste, Parti Communiste, Parti Humaniste, Front Ample, Unité Sociale…) cherchent une sortie négociée dans un cadre institutionnel pour revenir à la paix sociale.

C’est pourquoi elles parlent de référendum et de nouvelle constitution issue d’un référendum, plutôt que de grève générale, de la démission de Pinera (une exigence des masses ), d’Assemblée constituante souveraine issue des mobilisations et des assemblées populaires…

14 de Noviembre 2019, Santiago réunion de tous les partis qui ont signé l’accord sur le dos des masses…

Les bureaucraties syndicales et politiques préfèrent négocier (ou jouer avec les mots et les postures pour les plus « malins » comme le PC), comme leurs prédécesseurs, avec le régime de Pinochet et le gouvernement Piñera.

Dans la nuit du jeudi 14 au vendredi 15 Novembre, après plusieurs heures de négociations au Parlement, la coalition gouvernementale de Sebastian Piñera et les principaux partis d’opposition ont donc signé un « Accord pour la paix et la nouvelle Constitution » prévoyant un référendum en avril 2020.

Le peuple chilien veut la chute du régime et la démission de Piñera

La majorité des travailleurs et des jeunes, comme l’affirme La Mesa Social de Valparaíso (la table ronde sociale de Valparaiso), sous la pression révolutionnaire des masses, rejette cet accord de paix négocié sur le dos de la population.

Une banderole pour la grève générale….

Pour Arturo Martínez,secrétaire générale de la CUT ( Centrale Unique des Travailleurs) , « les groupes intermédiaires de la société, les plus importants, n’ont pu exprimer leur opinion politique sur cet accord » (source biobiochile). Concluant en rejetant la constitution de Pinochet et en appelant à une constituante souveraine

Mabel Zuñiga, représentante de La Mesa Social de Valparaíso et présidente nationale de l’ Asociación Nacional de Empleados Fiscales ( Association Nationale des Employés du Ministère de la Justice) a affirmé quant à elle que la voix du peuple mobilisé n’est pas entendu par le monde politique.

Affirmant : « une bonne partie des tables sociales rejettent catégoriquement cette forme d’accord par en haut et de nouveau sur le dos du peuple »

Renato Rivera, vice-président régional du syndicat des enseignants (Colegio Regional de Profesores) et de La Mesa Social de Valparaíso a aussi dénoncé le manque de légitimité et de représentativité de cet accord.

Les dirigeants mapuches Marcelo Catrillanca y Ana Llao ont rejeté eux aussi l’accord, affirmant que les partis politiques et les parlementaires n’ont pas la légitimité pour décider à la place des citoyens mobilisés, de la jeunesse et des peuples autochtones (source biobiochile).

Et attendant de consulter les bases sur l’accord par en haut, les mobilisations et les grèves massives se poursuivent…

Le processus révolutionnaire en cours au Chili questionne plus de 46 ans de politique pro-capitaliste appliqué avec une violence extrême par l’appareil d’état bourgeois, avec la complicité et la collaboration de classe du PS et du PC ( des bureaucraties syndicales et politiques), aujourd’hui en crise.

Travailleurs et jeunes, militants, la révolution chilienne nous montre la voie …

Grève générale et mobilisation permanente pour en finir avec le régime de Pinochet ! Piñera démission !

Vive les assemblées populaires !

Pour un gouvernement ouvrier et populaire issu des assemblées populaires: Assemblée Constituante Souveraine !

Le MCI, le 17 novembre 2019

* Le surnom de « Chicago Boys » désigne un groupe d’ économistes chiliens ultralibéraux des années 1970, formés à l’Université de Chicago, et influencés par Milton Friedman, qui jouèrent un rôle majeur sous la dictature militaire de Pinochet dans ce qui est appelé par les pro-capitalistes impérialistes le soi-disant «  miracle chilien » (selon une formule de Milton Friedman lui même). Aujourd’hui on voit le résultat de 46 ans d’ultra-libéralisme et de social-libéralisme…


Quelques données non exhaustives sur la répression…

Près de 200 manifestants ont été éborgnés par les forces de l’ordre depuis le début de la crise sociale au Chili, en octobre.

Au moins 22 personnes sont mortes et plus de 2 200 ont été blessées ( parmi lesquelles 209 souffrent de traumatisme oculaire) , selon des chiffres officiels de l’Institut Nationale des Droits de l’Homme. 32 enfants ont été blessés et 549 mineurs ont été arrêtés et détenus, d’après les précisions de l’ONU.

Selon l’INDH, lors de leurs détention dans les commissariats, les femmes en particulier, subissent attouchements sexuels et humiliations. Ainsi, on les oblige souvent, en particulier les adolescentes, à se déshabiller et à faire des « exercices physiques » nues…