Les 80 ans de la Quatrième Internationale

Par Jean-Louis
La Quatrième Internationale a été fondée il y a 80 ans, en septembre 1938 à Périgny-sur-Yerre, dans une grange prêtée par Alfred Rosmer, opposant à la politique d’union sacrée en 1914 et militant de la première heure pour la fondation de l’Internationale communiste (la IIIe Internationale).
À l’opposé des trois premières internationales, la quatrième a été fondée dans une période de reflux de la révolution mondiale. Elle a surgie de grandes défaites comme la victoire du nazisme en Allemagne et du franquisme dans l’État espagnol, conséquences de la trahison stalinienne. Sa fondation répondait à une nécessité impérieuse : maintenir le fil de la continuité révolutionnaire, reprendre le flambeau des internationales antérieures, mortes pour la révolution.
La Quatrième Internationale s’est dotée d’un programme « L’agonie du capitalisme et les tâches de la IVe Internationale » ou « Programme de transition » qui manifeste entre ses militants une compréhension commune des événements et des tâches.
Ce programme répond aux défis de l’Histoire et propose au prolétariat et à la jeunesse une voie pour résoudre la crise de l’humanité, c’est-à-dire la crise de la direction révolutionnaire alors que la Seconde guerre mondiale approche à grands pas.
Il est urgent, dans ces conditions, d’aider l’avant-garde du prolétariat à se doter d’un état-major à même de faire face et de préparer la victoire, c’est-à-dire la révolution socialiste mondiale vers la république universelle des conseils ouvriers et paysans.
Le capitalisme est alors depuis longtemps parvenu à son stade suprême, l’impérialisme, et il ne survit désormais qu’en détruisant les forces productives à commencer par l’être humain lui-même. Le mode de production capitaliste a fait son temps, il a rempli son rôle historique : poser les bases d’une société socialiste qui permettra de développer les forces productives à un niveau sans précédent.
Le mode de production capitaliste doit être renversé, brisé : sa survie est une menace pour la survie de l’humanité. La survie du capitalisme est la menace d’un retour à la barbarie : la Première guerre mondiale en a apporté la preuve ; la Seconde qui approche en 1938 s’annonce comme une monstruosité sans précédent.
Les réformistes doivent être combattus sans relâche, eux qui trompent les travailleurs en leur faisant croire qu’il est possible d’aller du capitalisme au socialisme en « réformant » le capitalisme. Ils ont renoncé à la révolution en votant les crédits de guerre en 1914, ils se préparent à tous les renoncements à l’aube de l’année 1939 car ils considèrent en leur for intérieur que le capitalisme constitue en définitive un horizon indépassable.
Le stalinisme est non seulement un frein absolu à la révolution mondiale, mais il est aussi une menace pour l’existence-même de l’URSS comme État ouvrier, certes dégénéré bureaucratiquement, mais État ouvrier. À son sujet, le Programme de transition est clair : « Le pronostic politique a un caractère alternatif : ou la bureaucratie, devenant de plus en plus l’organe de la bourgeoisie mondiale dans l’État ouvrier, renversera les nouvelles formes de propriété et rejettera le pays dans le capitalisme ; ou la classe ouvrière écrasera la bureaucratie et ouvrira une issue vers le socialisme. ».
Le diagnostic, l’analyse de la situation mondiale, des rapports de force entre les classes et de leur dynamique, comme le programme de transition ont-ils été infirmés ? C’est, dans le faits, la position de ceux qui prendront la lourde responsabilité de briser la Quatrième Internationale en 1952 au nom de la soi-disant « double nature » de la bureaucratie stalinienne.
Ceux-là, ne comprenant pas ou ne voulant pas comprendre que, dans la monté révolutionnaire de l’après-guerre, à partir de la défaite nazie devant Stalingrad début 1943, la bureaucratie stalinienne n’a eu d’autre choix, comme caste bureaucratique, de prendre le pouvoir dans toute une série de pays, en Europe centrale essentiellement et de mettre en place directement des États ouvriers bureaucratiquement dégénérés.
Ceci de façon à faire obstacle au déferlement de la révolution mondiale. La bureaucratie stalinienne a en quelque façon fait la part du feu, se saisissant du pouvoir, expropriant les capitalistes dans quelques pays pour garder le contrôle du prolétariat et empêcher que celui-ci ne puisse exproprier les capitalistes partout, d’autant que les pablistes et autres mandélistes ont, en quelque sorte, accepté que la bureaucratie garde ce contrôle en lui reconnaissant une « double nature ».
Ils ont considéré – ils considèrent ! en définitive que le prolétariat n’est pas le moteur de la révolution, rôle qui échoirait à des nouvelles avant-gardes, larges, sans rivage à droite, petites-bourgeoises, nationalistes, etc. Ils ont trahi le combat de Trotsky, brisant la Quatrième internationale qui reste à reconstruire.
Aussi, entre autres conséquences criminelles de ce reniement, on peut rappeler que le SU pablo-mandéliste a trahi la Brigade Simon Bolivar au Nicaragua en 1979, elle qui avait œuvré à la chute du dictateur Somoza, et qui a été livrée à la répression du gouvernement petit-bourgeois sandiniste.
Alors, quand la bureaucratie stalinienne, sous la direction de Gorbatchev a « renversé les nouvelles formes de propriété et rejeté le pays [l’URSS] dans le capitalisme », elle n’a pu le faire que parce que la classe ouvrière qui menaçait directement les héritiers de Staline ne disposait pas d’un état-major pour l’aider à conquérir le pouvoir du fait même que la Quatrième internationale avait été brisée par le pablisme !
Alors, 80 ans après la fondation de la Quatrième Internationale on peut écrire que les pablistes portent une responsabilité écrasante dans les événements qui ont suivi la crise de 1952.
C’est pourquoi on ne reconstruira pas la Quatrième Internationale avec ceux qui l’ont détruite et qui usurpent aujourd’hui son nom. On ne reconstruira pas la Quatrième Internationale, avec le soi-disant « secrétariat unifié de la Quatrième Internationale » et ses succursales, dans le style du NPA en France !
On peut gloser à l’infini pour savoir si Trotski avait bien prévu tel ou tel événement ou l’avait prévu correctement, comme une sorte de prophète, à des années lumières de sa conception matérialiste. Tel n’est pas le débat : oui ou non la fondation de la Quatrième Internationale répondait-elle aux exigences de la situation objective ? Oui ou non sa reconstruction est-elle à l’ordre du jour avec une urgence qui dépasse celle de 1938 ? Oui ou non son programme est-il valide ? Nous, MCI, nous répondons oui, trois fois oui !!!