Revue de presse sociale – Juillet-Août 2015

Manifestation à Athènes : « Non aux nouvelles mesuresd’austérité et grève contre la politique du gouvernement-UE-FMI »

Article de L’Internationaliste n°155 de juillet-août 2015

« La lutte de classe est nationale dans sa forme et internationale dans son contenu. » K. Marx

Par Mathieu

Juillet 2015

L’actualité sociale et politique en Europe est extrêmement riche. La situation est marquée par une accélération de la montée de la lutte des classes dans plusieurs pays d’Europe. Malgré l’été, période généralement moins agitée sur le terrain social, malgré les manœuvres des appareils syndicaux et politiques qui veulent se poser en sauveur du système, les travailleurs du continent rejettent de plus en plus massivement l’Union européenne capitaliste, ses traités, sa monnaie et son austérité. Et c’est de plus en plus dans la rue que ce rejet s’exprime.

La Grèce est sans conteste le pays à la pointe de ce processus de rejet de l’UE. En organisant un référendum autour d’une question ambiguë, A. Tsipras a cherché à passer au-dessus des partis et à obtenir un blanc-seing pour trouver un accord à n’importe quel prix avec les représentants des marchés financiers et des institutions financières internationales. Mais la campagne pour le non a créé une dynamique qui s’est traduite par d’importantes mobilisations. Entre la fin du mois de juin et le début du mois de juillet, des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues d’Athènes et de Thessalonique pour exiger l’arrêt des politiques d’austérité et la rupture des négociations avec l’UE. La revendication d’annulation de la dette rencontre un écho croissant dans ces mobilisations. Au lendemain de la trahison de Tsipras, qui s’est littéralement vautré devant les représentants des bourgeoisies européennes, la mobilisation continue. La crise dans Syriza, opposant les partisans de la collaboration avec l’UE et ceux qui sont pour la rupture, a laissé une plaie béante dans le parti. Le syndicat des fonctionnaires, ADEDY, les organisations de jeunesse d’Antarsya et de Syriza, le parti communiste grec notamment appellent à la grève et à la mobilisation pour dénoncer la trahison de Tsipras.

En Allemagne, la situation de la lutte des classes est également en train de se tendre. Contrairement à ce qui est relayé dans la presse bourgeoise, la politique interne et externe du gouvernement de coalition CDU-SPD n’est pas unanimement soutenue par le peuple allemand, bien au contraire. Depuis plusieurs mois, le pays est traversé par une vague de grèves sans précédent depuis la réunification. Sur les six premiers mois de 2015, le nombre de jours chômés pour raison de grève est déjà deux fois plus important que pour toute l’année 2014. Après les ouvriers de la métallurgie et ceux de la chimie, après les employés du commerce et ceux des transports aériens et ferroviaires, ce sont les personnels des crèches et les agents de la Deutsche Post qui ont cessé le travail pour exiger la réduction du temps de travail et l’augmentation des salaires. De telles exigences vont à l’encontre de la politique anti-ouvrière de la bourgeoisie allemande. Signalons également que l’attitude du gouvernement allemand à l’égard de la crise grecque provoque de très fortes tensions au sein même des partis composant la coalition gouvernementale. L’aile droite de la CDU, représentant le secteur le plus dur de la bourgeoisie allemande, était pour l’exclusion de la Grèce de la zone euro et reproche par conséquent à A. Merkel d’avoir fait de trop de concessions envers A. Tsipras. La prétendue aile gauche du SPD reproche, quant à elle, aux ministres sociaux-démocrates participant au gouvernement d’avoir cherché à humilier la Grèce. Ces tensions, fruit de l’aiguisement de la lutte des classes en Europe et en Allemagne, vont laisser des marques indélébiles dans ces partis et préfigurent une redisposition de la bourgeoisie dans les prochains mois.

Au Royaume-Uni, la situation est marquée par la réélection du gouvernement conservateur. Ceux qui pensaient que la victoire du Parti travailliste permettrait d’atténuer les coupes budgétaires, les privatisations et les baisses de salaires en sont pour leurs frais. Les travailleurs quant à eux ont commencé à choisir une autre voie : celle de la mobilisation sur le terrain de la lutte des classes. Depuis le début de la crise, le Royaume-Uni connaît une augmentation globale du nombre de grèves. De nombreux secteurs sont touchés : public (santé, éducation), industrie, transports, etc. La dernière grève significative est celle des employés du métro de Londres, en lutte contre la privatisation, les suppressions de postes, les bas salaires et l’extension des horaires de nuit. Le 9 juillet, les 20 000 employés de l’entreprise ont effectué la grève la plus importante du métro de Londres depuis 2002.

Dans d’autres pays d’Europe, on observe des mobilisations significatives de la montée de la lutte des classes. En Italie, les 6 000 employés de la chaîne d’ameublement Ikea se sont mis en grève au début du mois de juillet pour la première fois depuis que l’entreprise s’est implantée dans le pays, il y a vingt-six ans, pour dénoncer l’annonce par la direction de la remise en cause du contrat collectif complémentaire (protection sociale complémentaire, retraite, etc.).

Au Portugal, le secteur des transports est actuellement à la pointe de la contestation de la politique anti-ouvrière mise en place par le gouvernement. Les employés du métro de Lisbonne, des transports en commun de Lisbonne et de Porto, des transports fluviaux de Lisbonne, des chemins de fer, des transports aériens se mobilisent contre la privatisation de leurs entreprises, mise en place par le gouvernement sur imposition de l’UE et du FMI. La dernière grève du métro de la capitale portugaise, au début du mois de juillet, a entraîné la fermeture totale du réseau pendant une journée.

En France, on assisteégalement à une montée de la lutte des classes malgré la politique des bureaucraties syndicales qui veulent enfermer les travailleurs dans la « négociation » et le « dialogue social », c’est-à-dire dans la collaboration de classe avec le patronat. Mais il existe un profond mouvement, à la base, qui s’oppose à la collaboration de classe et qui s’exprime sur le terrain de la lutte des classes. C’est ce qu’indique la présentation, mardi 7 juillet par le ministre du Travail François Rebsamen, du « bilan de la politique contractuelle en 2014 », devant la commission nationale de la négociation collective (CNNC). Le nombre de conflits officiellement comptabilisés en 2013 (derniers chiffres enregistrés) est stable par rapport à 2012. En revanche ces conflits sont plus longs et concernent plus de travailleurs. Le nombre de journées individuelles non travaillées a augmenté de près de 25 %, passant de 60 à 79 pour mille travailleurs. On constate que la proportion de grèves varie selon la taille des entreprises : 0,2 % de celles employant entre 10 et 49 salariés ont été touchées par un conflit, 3,2 % de celles employant entre 50 et 199 salariés, 11,4 % de celles comprenant de 200 à 499 salariés et 29,3 % pour celles de 500 salariés et plus.

La question des salaires reste la première raison des arrêts de travail : cela a été le cas pour 45 % des entreprises ayant connu au moins une grève (ce chiffre est en baisse de dix points par rapport à 2012). On trouve ensuite l’emploi (34 %, soit une hausse de douze points sur un an), les conditions de travail (15 %, moins trois points) et le temps de travail (12 %, plus un point). Les grèves motivées par des mots d’ordre extérieurs à l’entreprise ‑ dans le cadre de journées nationales d’action ou d’appels spécifiques à un bassin d’emploi ‑ ont connu une hausse de huit points en un an et représentent 29 % des arrêts de travail.

En 2014, on constate également une forte baisse du nombre d’accords signés par les syndicats, comme conséquence de l’aiguisement de la lutte des classes. Au niveau interprofessionnel, l’année 2014 a été marquée par une baisse des accords : seulement deux ont été conclus au niveau national ‑ convention d’assurance-chômage et contrat de sécurisation professionnelle ‑, deux au niveau départemental et quatorze avenants à des accords interprofessionnels antérieurs ont été conclus. En 2013, l’année avait été marquée par des accords interprofessionnels sur la sécurisation de l’emploi, la qualité de la vie au travail et la formation professionnelle. La pression des travailleurs sur les bureaucraties syndicales empêche ces dernières d’aller aussi loin qu’elles le voudraient dans la collaboration de classe.

Ces chiffres indiquent une hausse de la conflictualité, qui s’exprime à travers la multiplication des grèves, y compris malgré l’absence de la construction d’un mouvement d’ensemble pour stopper la politique anti-ouvrière du gouvernement. Plus que jamais, les travailleurs cherchent les voies de l’offensive.

Les employés de l’AFP ont observé trois jours de grève pour s’opposer à la dénonciation par le PDG de l’agence de presse de l’ensemble des accords sociaux de l’entreprise. Le fil d’information en langue française a été interrompu pendant plusieurs jours.

De nombreux conflits sur les conditions de travail, les bas salaires et le manque de personnel ont été organisés dans les transports en commun. Ainsi, les 300 régulateurs de la RATP ont cessé le travail pendant trois jours du 19 au 22 juin pour dénoncer la diminution des effectifs – ils étaient encore 500 il y a dix ans – et la surcharge de travail. La grève a été massivement suivie et le trafic des bus fortement perturbé dans la capitale et sa banlieue.

Le 25 juin, la CGT a appelé à un mouvement de grève national à la SNCF pour dénoncer les suppressions d’emplois et les fermetures de lignes prévues par la direction de l’entreprise. Le trafic des trains Intercités et des TER a été perturbé. Les agents SNCF des TER du Nord se sont mis en grève lors le premier week-end des grandes vacances pour réclamer des embauches supplémentaires et faire face à l’augmentation du trafic saisonnier.

Les marins de la compagnie MyFerryLink, basée à Calais, se sont mis en grève pour dénoncer les menaces de démantèlement qui planent sur leur entreprise. Le 23 juin, près de 200 d’entre eux ont bloqué l’accès ferroviaire menant au tunnel sous la Manche.

Des travailleurs de MyFerryLink bloquent l'accès aux trains à Calais
Des travailleurs de MyFerryLink bloquent l’accès aux trains à Calais

Le 25 juin, dans le cadre d’une journée nationale de mobilisation, les taxis se sont mis en grève contre les implications de la loi Macron, qui signifie la déréglementation totale du secteur et le dumping social généralisé. Des milliers de taxis se sont mobilisés à travers le pays. Des barrages ont été mis en place dans les principales villes de France.

À la Poste, les grèves continuent de toucher un grand nombre de secteurs qui s’opposent aux réorganisations conséquentes à la privatisation de l’entreprise. Les derniers à se mobiliser ont été les facteurs de Val-de-Reuil dans l’Eure et les bureaux de poste du Lot-et-Garonne.

De nombreux services d’hôpitaux, aussi bien parmi les personnels soignants que dans les services sous-traités se mobilisent contre les conséquences des coupes budgétaires dans la santé. Ainsi, par exemple, les employés du service de nettoyage de l’hôpital de Clamart ont cessé le travail contre la remise en cause des clauses de mobilité, du treizième mois et des primes qu’ils percevaient jusque-là. Il y a également eu une manifestation à Falaise (Calvados) contre la fermeture annoncée de la maternité. Le 25 juin, ce sont les personnels de la santé et des services sociaux qui ont défilé par milliers dans les rues de Paris pour dénoncer la loi Touraine de démantèlement de l’hôpital public. La mobilisation dans les hôpitaux de Paris contre les suppressions de postes se poursuit.

Les collectivités territoriales sont particulièrement touchées par la politique de coupes budgétaires mise en place par le gouvernement dans le cadre de la « décentralisation ». La baisse des dotations de l’État aux communes et aux départements est une autre manière de faire payer la crise aux travailleurs. Il y a ainsi des grèves à l’eurométropole de Strasbourg, le 24 juin, chez les agents municipaux de Montpellier, dans les crèches parisiennes, à Montreuil et la liste est encore très longue.

Dans la logistique, les travailleurs de la base Intermarché de Magny-le-Désert dans l’Orne ont cessé le travail depuis le 10 juillet contre la fermeture de leur base. Les salariés se sont mis en grève afin de désorganiser l’approvisionnement des magasins en Normandie mais aussi en Pays de la Loire. À Compans, en Seine-et-Marne, 90 % des travailleurs de la base logistique ont fait grève le 8 juillet pour réclamer 3 % d’augmentation dans le cadre des NAO. Dans la grande distribution, 150 magasins La Halle ont dû rester portes closes le mercredi 24 juin, en raison d’un arrêt de travail.