L’état d’urgence permanent : c’est non !

Stop etat d'urgence

L’état d’urgence a été mis en place en France dès le soir des attentats, le 13 novembre 2015, afin de  »lutter contre le terrorisme ». Dès le 16 novembre, dans son discours devant le Congrès (la réunion du Parlement et du Sénat), François Hollande annonce deux projets : la constitutionnalisation de l’état d’urgence et celle de la déchéance de nationalité.

La déchéance de nationalité

L’extension de la déchéance de nationalité aux binationaux est le volet le plus médiatique et le plus ouvertement raciste du gouvernement.

En effet, ceci ferait planer sur les binationaux la menace de perdre leur nationalité française. Le projet est d’inscrire dans la constitution le fait qu’il existe des citoyens français de différentes sortes : des français de plein droit et des… sous-citoyens.

Comme lors de la mise en place du régime de Vichy, la modification de la constitution de la France (le 10 juillet 1940) avait immédiatement été suivie (le 16 juillet), par une « Loi relative à la procédure de déchéance de la qualité de français ».

Mais pourquoi viser les binationaux en particulier ? Parce que le gouvernement fait l’amalgame entre binationaux et terroristes. Or, les auteurs des attentats qui ont frappé la France étaient soit français, soient ressortissants d’autres pays.

On voit donc mal en quoi perdre sa nationalité française pourrait être efficace pour lutter contre le terrorisme. D’ailleurs, à quoi bon déchoir un terroriste de sa nationalité, si celui-ci s’est fait sauter, ou tuer par les forces de l’ordre ?

L’objectif est donc ailleurs : ce projet remet en cause le droit du sol, il rend suspect toute la population, et il sert de rideau de fumée pour ne pas parler de l’essentiel : la mise en place de l’état d’urgence permanent.

Une remise en cause du droit du sol

La révolution Française de 1789, en mettant fin à l’absolutisme, et au pouvoir de la noblesse (qui était transmise par le sang), permet d’ancrer le droit du sol : est français toute personne vivant en France depuis un certain temps, peu importe la nationalité de ses parents.

Les lois Pasqua (1993), alors ministre de l’intérieur, avait porté un coup au droit du sol, en remettant en cause l’automaticité de l’acquisition de la nationalité française à 18 ans. Les enfants nés en France de parents étrangers doivent, à leur majorité, signer une «manifestation de volonté» pour devenir français.

Aujourd’hui, le gouvernement veut aller plus loin, en faisant planer sur chacun la menace de perdre sa nationalité française parce qu’il représenterait un danger pour « la nation ».

Vers un état d’urgence permanent ?

Actuellement, l’état d’urgence est mis en place par le Président. Mais dans les 12 jours, il doit obtenir un vote favorable du parlement, vote qui doit être renouvelé tous les trois mois. Inscrire l’état d’urgence dans la constitution permettra au Président d’y recourir n’importe quand sans demander de contrôle du Parlement.

Ainsi, manif interdite, assignation à résidence, perquisitions de jour comme de nuit, interdiction d’accès à certaines zones du territoire, interdiction de séjour, surveillance généralisée… deviendraient la norme. Le tout sous contrôle du ministre de l’intérieur et des préfets, et non plus des juges.

Qui ces mesures concernent-elles ? Pas seulement les terroristes, mais toute personne « à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics ». Sur la base de « raison sérieuse » et du « comportement » de personnes qui seraient une « menace ».

C’est en ces termes très vagues que la loi actuelle permet de mettre en place l’état d’urgence. L’ennemi visé, ça peut être tout le monde : tous ceux qui se mobilisent contre la politique réactionnaire du gouvernement.

Ainsi on a la formule suivante : concepts flous + pouvoirs accrus de la police sans contrôle du juge = porte ouverte à l’arbitraire.

Ces quelques mois que nous avons vécu avec un état d’urgence temporaire, ne sont qu’un avant-goût de ce que peut être un état d’urgence permanent, car constitutionnalisé.

Que faire ?

La Ligue des Droits de l’Homme (LDH), a fait une demande le 19 janvier au Conseil d’État de « suspendre tout ou partie du régime de l’état d’urgence». Dès le 27 janvier, la demande était rejetée au motif que « le péril imminent justifiant l’état d’urgence n’a pas disparu ». Cet échec de la demande de la LDH confirme que par la voie juridique, nous n’obtiendrons rien.

De même, aujourd’hui il ne s’agit pas de « braver » l’état d’urgence, de violer la loi, car même si on viole ponctuellement la loi d’état d’urgence, elle sera toujours en application.

Au contraire, depuis le début, il s’agit d’exiger la levée immédiate de l’État d’urgence. Et nous l’obtiendrons par la mobilisation de l’ensemble du mouvement ouvrier et de la jeunesse.