Entretien avec une journaliste à propos de la loi Sécurité Globale

Paris, 21 novembre, manifestation contre la loi sécurité globale place des droits de l'homme...

L’Internationaliste s’est entretenu avec Savi*, journaliste, à propos de la loi Sécurité Globale et de ses implications pour les journalistes et le droit à l’information

L’internationaliste : Dans quel contexte est proposé la nouvelle loi sécurité ? Quelle en est la mesure principale ?

Savi : Le projet de loi de « sécurité globale » était censé discuter d’une loi afin de mieux coordonner le travail de la police municipale, de la gendarmerie et du secteur privée. Au final, c’est une loi liberticide et visant la liberté de presse qui est votée. Avec une mesure principale qui empêchera l’usage dit « malveillant » d’images des forces de l’ordre. L’article 24 de cette proposition visera l’interdiction de la diffusion « du visage ou tout autre élément d’identification » d’un policier ou d’un gendarme en intervention si celle-ci « porte atteinte à son intégrité physique ou psychique ». Les contrevenants seront passible d’un an de prison et de 45 000€ d’amende.

Cette nouvelle loi, votée vendredi 20 novembre, en plus de se passer en plein confinement et crise sanitaire à cause du coronavirus, est proposée dans un contexte sensible depuis plusieurs mois voire plusieurs années déjà. Nous sommes dans une époque de répression policière. La crise des gilets jaune en est un exemple. Des manifestants gazés, réprimés, frappés, victimes de violences de la part de la police. Les forces censées nous protéger ne le font plus, elles se sont retournées contre le peuple et agit maintenant sur ordre du gouvernement. (cf. l’affaire Benalla)

On peut aussi rappeler d’autres violences racistes que les policiers commettent en toute impunité. C’est l’exemple de Gorges Floyd, tué par des policiers. Si la vidéo de son arrestation n’avait pas été diffusée, son meurtre et les responsables seraient restés impunis. La défiance envers la police a rarement été aussi forte et ce à cause ou grâce à ces vidéos diffusées via les médias ou réseaux sociaux.

L’internationaliste : Qu’est ce qui va changer si cette loi est adoptée ? Pour les journalistes et le public ?

Savi : Nous avons conscience que cette loi fait suite à plusieurs cas d’attaques des policiers. Mais filmer les forces de l’ordre reste un droit démocratique. D’autant plus que les violences policières sont de plus en plus nombreuses et ont besoin d’être dénoncées. Cette interdiction ne fait que creuser l’écart entre les forces de l’ordre et les citoyens. Les rapports ne feront que s’envenimer par la suite.

L’internationaliste : Le gouvernement nous affirme que la liberté de la presse n’est pas remise en question mais qu’est-ce qui nous le garanti ?

Savi : Hier, nous, les journalistes avions encore ce pouvoir de réellement aider le public grâce à nos caméras. Filmer permettait de limiter les violences. Demain, pourrons-nous encore le faire sans être punis ? Qu’est ce qui prouvera qu’une vidéo (amateur ou venant d’un journaliste) filmant des actes répréhensibles de la part des forces de l’ordre ne sera pas considérée comme « malveillante » ou « portant atteinte volontairement à l’intégrité un policier » ? Rien !

Depuis plusieurs années, les policiers se permettaient déjà, et souvent avec violence, de nous priver de nos moyens de filmer, de nous confisquer nos images, notre matériel. Avec la loi sécurité globale, ils se sentiront plus légitime dans leur répression.

Plusieurs collègues ont d’ores et déjà décidés de déserter les manifestations par peur des répercutions futures. Il est clair maintenant qu’on ne nous laissera pas faire notre travail sereinement. Chaque policiers devra être flouté. Ce qui signifie la fin des vidéos en direct lors de manifestations par exemple, alors qu’il s’agissait d’un moyen fort et direct d’informer la population. Comment montrer à la population ce qu’il se passe réellement dans ces situations ? L’information manquera ! Et quand on empêche la presse de faire son travail, quand on manipule ce qui est montré ou non, ce n’est déjà plus une démocratie…

L’internationaliste : D’après toi, pourquoi est-il important, voire essentiel de se mobiliser contre cette loi ?

Savi : Comment sera-t-il possible de témoigner d’actes violents de la part des policiers maintenant ? Oui, nous auront le droit de soumettre nos images à la justice mais celle-ci nous a rarement écoutée. Il faut montrer qu’avoir le droit de filmer les policiers n’est pas contre eux mais qu’il s’agit d’un moyen d’information légitime. Le supprimer, c’est donner les pleins pouvoir au gouvernement dans sa répression du peuple. C’est accepter de se faire agresser par les policiers sans pouvoir se défendre. C’est perdre notre liberté ! Avec ce projet de loi, on dit au peuple qu’il n’a plus le droit d’être protégée en cas d’attaque policière. De toute façon, ces violences vont disparaître puisqu’elles ne seront plus prouvées.

Il faut se mobiliser pour monter notre désaccord. Pour faire comprendre au gouvernement qu’il n’a pas gagné, qu’il n’a pas le droit de nous réprimer, de nous censurer sans que nous ayons notre mot à dire. La population est au coeur de cette loi qui, si elle passe, ne permettra plus du tout de la protéger. C’est pour cela qu’il est crucial de montrer notre désaccord total avec le gouvernement.

*Le nom a été modifié à sa demande