Inflation record : bien poser le problème, c’est le résoudre !

Par Farouk

Dans son dernier rapport, le FMI (Fond monétaire international) – la courroie de transmission des politiques capitalistes dans le monde – déclare que « l’environnement mondial est fragile avec des nuages d’orage à l’horizon ».

L’inflation, qui a atteint ces derniers mois son plus haut niveau depuis les années 80, est le principal marqueur de cette régression, tout comme pour des centaines de millions de personnes, hélas, le développement de la précarité, de la pauvreté, de la misère et des famines…

Rappelons-le, bien avant que la situation ne se dégrade, plus de 800 millions de personnes souffraient de la famine en 2021 (rapport de l’ONU). En 2020, selon la banque mondiale, plus de 700 millions de personnes survivaient avec moins de 1,90 dollars par jour ! Partout, la précarité, le chômage, la dureté des conditions de travail se développent.

Cette tendance rend impossible les injonctions, ô combien cynique des gouvernements à la solde des capitalistes : « Soyons solidaires ! », « Serrons-nous les coudes ! », « Restons unis dans la difficulté ». Sous-entendu : « Ne suivez pas tous ces grévistes», « restez bien sages ». Alors qu’il est nécessaire de s’organiser, plus que jamais, d’amplifier le mouvement en cours.

Mais les travailleurs, les prolétaires, la classe ouvrière ne sont pas dupes ! Ils se sentent insultés par ces pieux mensonges : ils comprennent très bien qu’on les invite encore et toujours au sacrifice, à continuer à crever de faim, à persévérer dans leur misère…

Voilà pourquoi, la radicalisation de la lutte des classes est inéluctable. Voilà pourquoi cette période d’inflation est ponctuée par de nombreuses grèves et de vastes mobilisations.

Cette situation n’est pas inédite. Dans l’histoire récente, elle peut rappeler notamment l’arrivée au pouvoir de Pinochet, du couple Thatcher-Reagan.

Les travailleurs britanniques sont d’ailleurs les premiers à s’être mobilisés pour protester, comme pour nous le remémorer. Et que dire des manifestants chiliens, héroïques, et qui continuent de lutter. Nous les saluons bien bas, ils nous montrent la voie !

Ne nous y trompons pas, il s’agit d’un phénomène international et massif : Oui, n’en déplaise aux défaitistes, la combativité des masses, du prolétariat tout particulièrement, est demeurée intacte.

D’un autre côté, les tensions inter-impérialistes, depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie de Vladimir Poutine, n’en finissent plus de s’accroître. Les analyses de Lénine sont, à ce titre, d’une clairvoyance implacable : tous les pays impérialistes travaillent dans les faits au triomphe de la réaction, cherchent par tous les moyens à mater la révolte du prolétariat.

Nous sommes arrivés à un point où les « explications » bidons au sujet de l’inflation ne trompent plus personne. Le FMI, la Banque Mondiale, l’OMC (Organisation mondiale du commerce), l’OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économique et la commission européenne apparaissent pour ce qu’ils sont : des organes contre-révolutionnaires, anti-démocratiques, pire, des pompiers pyromanes ! Nous ne comptons plus toutes les raisons invoquées par ces derniers pour rendre acceptable l’irrationnel.

Écoutons plutôt les propos du président français Emmanuel Macron : « Aujourd’hui, quel est notre problème ? À très court terme, nous avons un problème de prix… prix du gaz qui est trop élevé, dû en partie à des emballements du marché et des comportements spéculatifs ». Tout est là. On finit par cracher le morceau.

L’autre raison invoquée est – devinez quoi – la guerre ! Voyez avec quel cynisme la résistance héroïque du peuple ukrainien est utilisée, instrumentalisée sans vergogne pour justifier la hausse des prix, les pénuries. C’est qu’avec nos ennemis capitalistes, c’est toujours de la faute des autres, des raffineurs, des grévistes, des consommateurs qui se disputent à la pompe, en magasin. Il faut tenir tout ce monde en respect : vive l’état policier ?

Et que se passe-t-il maintenant que ces justifications s’évanouissent devant la résistance et la sagacité des travailleurs qui leur opposent des raisons en lien avec leurs conditions d’existence, la dignité et le travail par exemple ? Ou encore le refus de s’accommoder de la misère et de la faim ?

On leur oppose tout simplement la confiance en la loi du marché : « cum-fides » en latin c’est cela, la foi, la loyauté. Et le « dieu » des bourgeois c’est le profit, derrière lesquels il leur est bien difficile de masquer la barbarie de l’exploitation, la barbarie de leurs guerres !

La complexité « technique », pour reprendre le jargon de Macron, des solutions des technocrates de la commission n’est en réalité pas plus rationnel que ne l’était la preuve ontologique de Dieu par les théologiens : rationnelle elle l’était certainement, dans la mesure où la féodalité chrétienne était une réalité politique, un pouvoir réel sur la société de l’époque…

Il n’y a pourtant pas grand-chose de compliqué à comprendre : inflation et pénurie sont les deux face d’une même médaille. À quoi servent les milliards continuellement déversés par les banques centrales si ce n’est à maintenir les états au bord de la banqueroute par l’endettement tout en spéculant abondamment sur tout, à commencer par les denrées alimentaires !

C’est une confiscation de la richesse produite par les coucous de la finance tandis que les gros industriels se goinfrent des aides d’État et de l’Union Européenne. C’est une ruine des petits épargnants avec, le cas échéant, la contrainte de l’hypothèque tandis que les dépôts de bilan des petites entreprises n’en finissent plus…

Il n’y a plus qu’à ramasser la mise : c’est un « jeu » où le capitaliste est gagnant à tous les coups. Et comment oseriez-vous le lui reprocher : quelle indécence, n’est-ce pas lui qui prend tous les risques !

Le chantage qui est exercé sur les peuples afin de les contraindre à accepter les contre-réformes, les privatisations le chantage ne s’arrêtera pas. Parlons des retraites oui ! Parlons-en ! De black rock aussi… Mac Kinsey, ça vous dit quelque chose ?

Le problème c’est que la dette ne baisse pas grâce à tous ces « sacrifices ». Mais ce sera bientôt le cas, nous dit-on. Quand les hôpitaux, la santé , l’éducation, les transports, tout sera privatisé. Pour le meilleur bien sûr ! Regardez devant ou plutôt derrière vous pardon : Le Chili, l’Angleterre…

On réclame de la transparence, cette marotte de nos politiciens, ouvrons donc les livres de comptes, brisons le secret bancaire ! Qui pourra contrôler la production ? Les rapaces de l’impérialisme et des monopoles ? Ou ceux qui, exploités, ne parviennent pas à joindre les deux bouts, alors qu’ils produisent le gros de la richesse mondiale.

Qui pourra construire le rapport de force qui permettra de contrebalancer l’inflation, d’indexer les salaires sur celle-ci ce qui est le minimum syndical. La bourgeoisie s’est armée de pied en cap pour voler le fruit du travail, elle s’est engagée dans une phase de réaction sans retour. Il est temps de s’organiser, il est temps de reconstruire la 4ème internationale, de répondre à la crise de la direction révolutionnaire du prolétariat.

Alors rejoignez-nous !!!


« L’accélérateur à inflation »

Par J.-Louis

Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, répond à Isabelle Raymond et Nicolas Teillard le 23 mai 2022 sur France Infos. Il est un moment question d’une remontée des taux des banques centrales pour sortir des taux négatifs.

« Je voudrais expliquer ce mot de « normalisation », c’est une forme de retour à la normale. Qu’est-ce qu’il y avait jusqu’à présent ? Il n’y avait pas assez d’inflation et donc on avait un argent qui était à taux exceptionnellement bas, même des taux négatifs pour les États, ce qui est difficile à comprendre et puis qui était extrêmement abondant, des liquidités. Donc là, nous allons commencer par lever le pied de l’accélérateur, c’était un accélérateur à inflation, il n’y en a plus besoin aujourd’hui. Et on va revenir vers des conditions de taux qui vont rester favorables mais qui vont être plus proches des normales historiques ; un relèvement progressif des taux d’emprunt pour l’État ou pour les entreprises ou pour le crédit immobilier. Mais j’insiste sur le fait que c’est un retour vers la normale, ce n’est pas le passage à des conditions de taux défavorables. Et ceci a un objectif alors qui est essentiel, c’est de ramener l’inflation à 2 % d’ici 2024. Je voudrais souligner ce point parce qu’il ne s’agit pas seulement de notre prévision, c’est notre engagement. ».

Le capitalisme est en crise depuis la fin du XIXème siècle. Il est secoué de crises de plus en plus fréquentes et de plus violentes qui ont culminé à travers deux guerres mondiales qui avaient pour but de définir à coup de canon une nouvelle division internationale du travail.

Ainsi le mode de production capitaliste ne survit que par un parasitisme accru et par la recherche brutale de profit en accroissant toujours plus la force de travail des prolétaires (que ceux-ci soit conscients ou non d’être des prolétaires).

Plus la masse de capital augmente, plus le taux de profit tend à baisser. Pour simplifier à l’extrême, enrichir « les riches », les capitalistes, ce n’est pas la garantie qu’ils vont redistribuer leurs richesses de façon « rationnelle » (la fable du ruissellement).

Au contraire, c’est la garantie que, disposant de plus de capital les capitalistes doivent s’assurer que leur taux de profit ne baisse pas et, en conséquence, ils doivent faire en sorte d’obtenir encore plus de profits… qui viennent en grande partie gonfler la masse de capital : une pompe à finances qui alimente un « ruissellement » vers le haut.

En déversant des quantités inimaginables de liquidités, des milliers de milliers de dollars chaque année, à dispositions des marchés financiers, à la suite du soubresaut de la crise en 2007-2008, en pratiquant des taux négatifs1, les banques centrales ont ramené les cours de bourse au-dessus des niveaux qu’ils avaient en 2007.

C’est comme une gigantesque bulle spéculative qui s’est reconstituée, autour du secteur de l’énergie surtout puisque ce secteur et celui des matières premières commandent à tous les autres. À partir de là, tous les produits augmentent… sans que les salaires ne soient en aucun cas « responsables » de l’inflation contrairement à ce qu’affirme le dogme libéral2.

Les états ayant, en outre, en 2007-2008, nationalisé les dettes des banques et autres spéculateurs de haut vol, ont dû emprunter auprès des marchés financiers et se sont endettés considérablement.

Nous sommes maintenant, alors que les banques centrales ont volontairement provoqué l’inflation que nous subissons, devant les conséquences suivantes.

Les salaires baissent en valeur relative (le « pouvoir d’achat » recule) tant qu’ils ne sont pas indexés sur l’inflation. Cette indexation, tous les gouvernements la refusent. Quand elle existe, en Belgique par exemple, ils la remettent en cause.

La précarité augmente. La confusion entretenue entre « embauche » et « création d’emploi », permet au gouvernement Macron-Borne-Le Maire de claironner sur le « recul du chômage » et sur la « pénurie de main d’œuvre » alors que la catégorie A est toujours à 2,9 millions de chômeurs (5,1 millions pour les catégories A, B et C) selon les chiffres de Pôle Emploi.

Démonstration : pour un poste de travail, vous embauchez 4 CDD de trois mois pour l’occuper toute l’année, vous avez embauché 4 personnes, au sens du gouvernement (peut-être plusieurs fois la même), pour un emploi créé. À moins que cette « création d’emploi » ne soit compensée par une suppression dans la même boîte (licenciement, départ à la retraite, démission…). Soit un solde de 0 !

Sachant par ailleurs que la privatisation du placement par Sarkozy-Pécresse permet, pour chaque offre d’emploi publiée par une entreprise, de multiplier la présentation cette offre auprès de Pôle emploi par autant de boîtes opérant sur ce lucratif secteur. Quand en plus les offres ne restent pas publiées quand bien même elles sont comblées3

L’endettement des ménages ouvriers et employés augmente en conséquence. Pas seulement pour des achats durables, mais pour simplement boucler les fins de mois ce qui fait les choux gras de banques avec les crédits rechargeables.

Les plus modestes qui parfois avaient réussi à mettre en peu d’argent de côté sur un livret d’épargne du genre LEP, doivent y recourir en urgence. Le gouvernement qui rêvait « d’orienter l’épargne vers la bourse » y parvient en forçant les très petits épargnants à vider leur livret d’épargne.

Ceux des ménages modestes qui s’étaient lancés dans un emprunt à taux bas, parfois sur 25 ans ! pour se loger tout en étant « ric-rac » au point de vue financier se retrouvent désormais incapables de rembourser, car tous leurs autres postes de dépenses ont augmenté brutalement. Quand la facture des chantiers n’explosent pas pour cause de hausse des matériaux de construction !

Les banques sont toutes dotées de filiales de rachat d’hypothèques qui vont leur permettre de mettre la main sur un parc immobilier énorme au moindre coût. Cela va s’ajouter aux petits propriétaires qui vont vendre parce qu’ils ne pourront pas financer « la transition énergétique » des logements mis en location : une nouvelle concentration de l’immobilier est en vue.

Concentration, c’est le maître mot ! La crise provoque la fusion des entreprises avec les charrettes de licenciement qui se multiplient. La crise économique due à la crise sanitaire a comme conséquence que nombre de petits commerce ou ateliers d’artisans font faillite et les plateformes se renforcent : restaurateur ? Non cuisinier auto-entrepreneur dans le « dark-cooking » ! Idem pour les agriculteurs : éleveur ? Non auto-entrepreneur dans une ferme-usine !

En tout un déclassement généralisé des prolétaires mais aussi de secteurs de la petite-bourgeoisie.

Tout ceci alors que la guerre à l’est de l’Europe, provoquée par la tentative de Poutine d’envahir l’Ukraine, alimente la spirale inflationniste dans laquelle, répétons-le, les salaires n’ont aucune « responsabilité ».

Le capitalisme porte la guerre comme la nuée porte l’orage, il se nourrit de la guerre par tous les bouts, l’économie d’armement, l’augmentation de l’exploitation de travail au nom de « l’union nationale », la destruction des forces productives.

« L’accélérateur à inflation » est intervenu dans ce contexte comme un choix politique conscient des banques centrales au service du capital parasitaire.


1 À un taux de -1,5 % ou peut dire que pour chaque milliard d’euros emprunté par les fonds spéculatifs auprès des banques centrales, celles-ci offraient 15 millions aux emprunteurs.

2Au moment où le gouvernement Macron-Borne-Le Maire prétend viser le « plein emploi » souvenons-nous que selon le dogme le plein emploi se définit comme un chômage minimal de 5 % considéré comme « non accélérateur de l’inflation »

3https://chomeurs-precaires-cgt.fr/divers/un-million-doffres-pole-emploi-non-pourvues-du-bidon/