La sécurité sociale dans le collimateur du gouvernement

Article de L’Internationaliste n°178 de novembre – décembre 2017

Le gouvernement Macron-Philippe-Colomb annonce la baisse des cotisations sociales, la hausse de la CSG et, entre autres, l’augmentation du remboursement de santé en optique : n’est-ce pas paradoxal ?

Non, car en fait le gouvernement a un but, jamais affirmé : privatiser la protection sociale, c’est-à-dire la démanteler car c’est la notion de solidarité qui est visée, la solidarité entre les générations, la solidarité des bien portants envers les malades.

Au terme de cette politique, ceux qui en ont les moyens pourraient assurer leur avenir, pas les autres. Cette orientation se situe dans le droit fil de ce qui a été fait depuis une trentaine d’années et qui aboutit à la mise en place d’une protection sociale à deux vitesses.

Étatiser pour mieux privatiser, c’est la voie utilisée depuis la contre-réforme mise en place par A. Juppé en 1995. Il s’agissait dans un premier temps de retirer aux travailleurs tout contrôle sur la sécurité sociale pour ensuite infléchir les choix dans le sens de la privatisation. Ainsi, le parlement vote chaque année une LFSS (Loi de financement de la sécurité sociale).

En basculant les cotisations sociales sur la CSG, le gouvernement déciderait que le financement de la sécurité sociale reposerait désormais, toutes branches confondues, sur l’impôt et non plus sur les cotisations ! Cela concernerait dans un premier temps les cotisations payées par les salariés directement. Gageons qu’ensuite les capitalistes pourraient se mettre dans la poche la « part patronale », c’est-à-dire le salaire indirect qu’ils versent jusqu’ici aux travailleurs à travers les prestations de différents organismes de protection sociale.

Rappelons que l’obsession des capitalistes et du gouvernement à leur service est la baisse des « prélèvements obligatoires » (voir l’encadré), c’est-à-dire des impôts, taxes et cotisations sociales et la privatisation de tout ce qui peut être profitable. Il s’agit bien, comme l’a décidé l’OCDE, de faire de la santé et de l’éducation les marchés du XXIe siècle.

Allons plus loin. Le gouvernement annonce l’augmentation du remboursement des lunettes, mais il précise que cela se fera sans augmentation de cotisations, car cette augmentation sera supportée par les « mutuelles ». Or les « mutuelles » se financent par des cotisations individuelles volontaires ou par les « contrats groupe » obligatoires souscrits par les entreprises depuis début 2016.

Deux cas de figure se présentent en matière de « mutuelle » : soit on a affaire à une compagnie d’assurance propriété de ses actionnaires qui propose des contrats de complémentaire santé, soit on a affaire à une vraie mutuelle, une société à but non lucratif propriété de ses adhérents.

Dans le premier cas, la compagnie d’assurance peut faire le choix de perdre temporairement de l’argent en ne répercutant pas la hausse afin de mettre en difficulté ses concurrentes, en l’occurrence les mutuelles. Car, au contraire des assurances, les mutuelles ont l’obligation d’être à l’équilibre.

Précisément, si une mutuelle voit ses comptes devenir déficitaires et ne prend aucune mesure pour revenir à l’équilibre, le commissaire aux compte peut saisir l’autorité de contrôle prudentielle qui peut retirer à la mutuelle son droit d’exercer et la démanteler purement et simplement.

Donc, pour faire face aux remboursements en hausse, imposés par le gouvernement, les mutuelles n’auraient pas d’autre choix que d’augmenter leurs cotisations, mais en plus elles « porteront le chapeau » pour une décision gouvernementale.

Les travailleurs seraient obligés de payer plus, mais les sommes étant perçues par une assurance ou une mutuelle, organismes privés, ces sommes ne seraient pas considérées comme des prélèvements obligatoires.

Il « suffirait » au gouvernement de multiplier ce genre d’opération pour transférer ce qui relève de la sécurité sociale à des assurances ou des mutuelles – ou des fonds de pension pour ce qui concerne les retraites – et la sécurité sociale qui existe depuis 1945 deviendrait une coquille vide : tel est le but des capitalistes et du gouvernement à leur service.

Voilà une attaque qui s’ajoute à la remise en cause du Code du travail justifiant amplement que l’ensemble des syndicats agissent dans l’unité pour briser cette politique en appelant l’ensemble des travailleurs et la jeunesse à joindre leurs forces dans la grève jusqu’au retrait de ces funestes projets.

sécurité sociale caricature


La notion de « prélèvements obligatoires », définition et finalité

D’après l’INSEE, « les prélèvements obligatoires sont les impôts et cotisations sociales effectives reçues par les administrations publiques et les institutions européennes. ».

On remarque d’emblée que cette définition porte plus sur la destination des sommes (administrations publique et institutions européennes) que sur leur caractère obligatoire.

Ainsi, les sommes versées au titre d’une assurance obligatoire, par exemple pour couvrir les dégâts à des tiers en automobile ou en habitation, ne constituent pas des prélèvements obligatoires, car les sommes sont destinées à des organismes privés, assurances et sociétés mutualistes. Il en va de même avec les contrats groupe à adhésion obligatoire mis en place depuis janvier 2016.

Un prélèvement qui est obligatoire pour celui qui le paie est considéré ou pas comme un prélèvement obligatoire selon que l’organisme qui le perçoit est public ou privé.

Cette notion, apparue au milieu des années 80, est destiné à mettre en concurrence les États qui sont sommés de « baisser leurs prélèvements obligatoires », en baissant les impôts et cotisations sociales, avec comme corollaire le démantèlement des services publics et de la protection sociale ou leur privatisation.