Revue de Presse Sociale – Juillet 2016
«La lutte de classe est nationale dans sa forme et internationale dans son contenu» K. Marx
Le contexte social du mois de juin a été marqué, en Europe, par deux éléments centraux : d’une part par la continuation de la mobilisation des travailleurs en France contre la loi El Khomri ; d’autre part par le vote pour le Brexit en Angleterre. Ces deux éléments sont intimement liés. Ils expriment le rejet de l’Union Européenne et de sa politique par les populations et ils rappellent que c’est la classe ouvrière qui est au centre de ce rejet conscient.
En France, ce sont les travailleurs qui se mobilisent en masse pour s’opposer à un projet de loi de déréglementation de la législation du travail voulu par l’ensemble des bourgeoisies du continent européen. En Angleterre, ce sont les travailleurs des régions industrielles (Pays de Galles, Centre et Nord de l’Angleterre, les banlieues ouvrières de Londres et Manchester) dévastées par la concurrence libre et non faussée si chère à l’UE, qui ont fait penché la balance en faveur du Brexit le 23 juin.
Sur le terrain de la lutte des classes, ce rejet de l’UE s’exprime, dans un rythme inégal et combiné, par un grand nombre de grèves et de manifestations contre l’austérité, contre la déréglementation, contre la précarité, contre les licenciements, pour des augmentations de salaires.
En Belgique, à l’appel de la FGTB, les travailleurs sont en lutte depuis le mois de mai contre la copie conforme de la loi El Khomri dans ce pays, la loi Peeters. Le 24 juin une nouvelle journée nationale d’action a été organisée. La mobilisation a été importante dans les transports, les hôpitaux, les administrations ainsi que dans l’industrie, le commerce et la construction. De nombreux piquets de grève ont été installés à travers le pays. La Wallonie, la Flandre et la région de Bruxelles ont été concernées par la grève. Si les syndicats marquent une pause pendant l’été, ils appellent d’ores et déjà à des journées nationales de grève les 29 septembre et 7 octobre prochains.
Si au cours du moins de juin l’Allemagne et l’Angleterre n’ont pas connu de grève de grande ampleur, il convient de rappeler que dans ces deux pays, il y a eu dernièrement de nombreux arrêts de travail contre les conséquences de ce qui constitue l’équivalent de la loi El Khomri.
Dans cette rubrique, nous avons déjà signalé que les grèves avaient explosé en Allemagne sur les questions salariales. C’est une conséquence directe de l’application des lois dites Hartz IV, mises en place par le gouvernement « socialiste » de G. Schröder en 2004, et qui avait préfiguré la course au dumping social et à la destruction de la législation du travail encouragée par l’UE.
Désormais, en Allemagne, plus de la moitié des salariés ne sont plus couverts par un accord de branche et doivent négocier individuellement leur salaires avec leur hiérarchie. C’est exactement ce qui va se passer avec la loi El Khomri.
En Angleterre, au cours de derniers mois il y a également eu des conflits sociaux notamment dans l’éducation, la santé et les transports, contre les coupes budgétaires, les bas salaires, les licenciements, qui sont les conséquences concrètes de l’application des directives européennes. Plusieurs syndicats dont celui des transports qui a été à la tête des grèves dans les transports de Londres ont appelé à voter pour le Brexit pour signifier leur rejet de l’UE.
Ces quelques exemples montrent qu’il y a bien une logique de mobilisation des travailleurs d’Europe contre l’UE et ses directives. En France, certaines secteurs syndicaux lutte des classes appellent à la grève générale européenne : c’est le cas du syndicat CGT Goodyear d’Amiens. On également vu des exemples de jonctions entre militants syndicalistes français et belges qui se sont retrouvés à la frontière des deux pays pour se battre ensemble contre les lois El Khomri et Peeters.
En France, la mobilisation contre la loi travail se poursuit depuis 4 mois malgré la répression policière, la pression médiatique, les manœuvres bureaucratiques. Le 14 juin, à l’appel notamment de la CGT et de FO, 1 million de personnes (chiffres des organisations syndicales) ont manifesté à Paris à l’occasion d’une manifestation centrale dans la capitale.
Ils étaient près de 300 000 dans les autres cortèges qui n’avaient pas pu faire le déplacement. Le 23 juin le gouvernement a tenté de faire interdire la manifestation syndicale à Paris, ce qui aurait constitué une mesure inédite pour un gouvernement de « gauche ». À cette occasion il y a encore eu 300 000 personnes dans tout le pays, dont 60 000 à Paris malgré un très fort contingent policier destiné à faire peur aux manifestants.
Le 28 juin, alors que tout le monde tablait sur une dernière manifestation, il y a encore eu 200 000 personnes dans le pays, ce qui constitue un chiffre élevé pour cette période de l’année. De nouvelles manifestations sont d’ores et déjà appelées pour le 5 juillet.
En cette fin de mois de juin, le nombre de grève reste conséquent. Ainsi les employés de l’incinérateur de Fos-sur-Mer, près de Marseille, ont tenu leur mouvement de grève pendant 23 jours pour s’opposer à la loi travail. Les éboueurs de Bordeaux et de Mérignac ont fait 10 jours de grève.
Le 28 juin, il y avait encore 24 écoles fermées à Montpellier pour cause de grève contre la loi travail. Les contrôleurs aériens ont cessé le travail entraînant des dizaines de suppressions de vols. Les employés des transports en commun de Dijon étaient en grève.
Signalons également que la caisse de soutien aux grévistes lancées par 4 syndicats de la CGT, dont les CGT Goodyear, la CGT Air France et la CGT Info-com a recueilli plus de 500 000 euros. Des chèques de soutien ont été remis aux travailleurs les plus mobilisés, notamment chez les cheminots, les raffineurs et les éboueurs. Dans le même temps, il y a une multitude de grèves liées de près ou de loin à la loi travail.
Ce qui est sûr, c’est que cette mobilisation a donné une nouvelle confiance en ses forces à de larges secteurs de la classe ouvrière. Les employés d’I-Télé, la chaîne d’information du groupe Canal +, se sont mis en grève pendant plusieurs jours pour protester contre le licenciement de 50 employés en CDD de la chaîne. Cette grève est une première pour cette chaîne. Le 29 juin, les programmes des stations de radio-France étaient très perturbés en raison d’une grève pour protester contre les suppressions de postes.
Dans le secteur hospitalier public, de nombreuses grèves ont eu lieu comme par exemple à Pau, Caen, Muret, Lille (Kinés), à Arcachon, Bordeaux notamment contre les mises en place des Groupes Hospitaliers Territoriaux qui s’inscrivent dans la logique de destruction de l’hôpital public mise en place par le gouvernement.
Il y a également des arrêts de travail dans les banques, à la poste, dans l’industrie, pour exiger des hausses de salaires, des embauches, l’arrêt de la réorganisation des services. Défendre de telles revendications, c’est s’opposer à la loi El Khomri, c’est s’opposer à l’UE à ses directives et à sa politique de dumping social généralisé.