Etats-Unis : Et maintenant ? Après l’élection de D. Trump
Le 8 novembre 2016, D. Trump a été élu président des États-unis d’Amérique par 290 grands électeurs contre 218 à sa rivale, H. Clinton. À peine 54 % des électeurs se sont déplacés : c’est la plus forte abstention depuis 15 ans.
Les « ouvriers blancs » accusés d’avoir apporté leur soutien à D. Trump se sont même abstenus plus que d’habitude dans certaines régions industrielles comme le Michigan, ou le Wisconsin, deux états où B. Sanders était en tête de la primaire démocrate… Dans le Michigan, H. Clinton recule de 23 % par rapport à B. Obama en 2012 et D. Trump recule de 3 % par rapport à Romney en 2012.
Dès l’annonce de l’élection, et bien que H. Clinton ait admis sa défaite, des centaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues des grandes villes du pays pour contester l’élection de D. Trump et, depuis, la mobilisation ne faiblit pas, menée par l’autre secteur qui s’est le plus fortement abstenu : la jeunesse qui a rejeté la candidate de Wall-Street et le milliardaire candidat, purs produits du capitalisme, de la finance parasitaire, car c’est le nom véritable du « système » que prétend dénoncer D. Trump.
Autre élément politique important, pour la seconde fois depuis 15 ans(1), celui qui a obtenu le moins de voix est élu. Ainsi, bien que le décompte ne sera définitif qu’après l’entrée en fonction de D. Trump, le dernier résultat « officiel » temporaire donne 60 375 961 de voix à D. Trump et 61 047 207 voix à H. Clinton ; l’écart serait même en réalité de 2 millions de voix.
C’est un des éléments qui scandalise le plus les manifestants, au-delà des nominations déjà annoncées par D. Trump qui a choisi d’indécrottables réactionnaires de la pire espèce, dont un ancien dirigeant du ku kux klan ! Outre que cette élection est une élection par défaut, elle traîne maintenant un parfum d’illégitimité.
La crise économique a jeté dès 2007 des millions de travailleurs américains dans la pauvreté et dans la régression cependant que les capitalistes se sont refait artificiellement une santé grâce aux milliers de milliards de dollars d’argent public mis à leur disposition, grâce à un parasitisme accentué et une exploitation accrue des travailleurs. Cette crise économique est venue après que G. W. Bush eut connu son Vietnam en Irak et en Afghanistan. Elle a plongé les USA dans une crise politique.
Non seulement le scrutin du 8 novembre n’a pas permis de résoudre la crise politique, car les deux partis institutionnels, démocrate et républicain sont en crise profonde du fait même de la campagne électorale et, de façon différente du fait même de l’élection de D. Trump, mais désormais, en contestant le résultat de l’élection, en contestant le vote des grands électeurs, les manifestants remettent en cause un pilier de la constitution de 1776-1789, car ils remettent en cause un aspect décisif du caractère fédéral des USA en réclamant dans les faits une élection directe du Président.
Il y a un danger sur cette voie : l’émergence d’une solution bonapartiste, mais il y a un enjeu de taille : la constitution des USA, bien qu’amendée 27 fois n’a jamais été changée sur le fond depuis 1789 soit 227 ans. Elle a été conçue comme un texte quasi religieux et reste considérée comme telle : pour combien de temps ?
La crise politique pourrait bien en effet se muer en crise institutionnelle, car les manifestations ne faiblissent pas et, surtout, aucune mobilisation ouvrière n’a été mise un tant soit peu entre parenthèses pendant la campagne électorale, au contraire, puisque ces mobilisations se sont réfractées, de façon déformée, dans le soutien à la candidature de B. Sanders.
Mais la candidature de B. Sanders, dans le cadre du parti démocrate a été un obstacle de plus, ajouté à la couardise des bureaucrates de l’AFL-CIO (la centrale syndicale étasunienne) à la construction d’un authentique parti ouvrier indépendant qui fait tant défaut aux travailleurs.
À ce stade, un parallèle peut être fait avec le vote des travailleurs britanniques en faveur du « brexit » : l’offensive ultralibérale a été lancée par Reagan et Thatcher au tournant des années 80 : il est significatif que les éléments de crise politique les plus aigus de la bourgeoisie se développent maintenant aux États-unis et au Royaume-uni.
Jusqu’à un certain point spontanément, des deux côtés de l’Atlantique, les travailleurs et les jeunes ont amené la situation politique à ce point où il va devenir de plus en plus déterminant qu’un parti se construise pour leur permettre d’aller de l’avant et exiger la fin des mesures d’austérité qui les frappent.
Le Royaume-uni a un très long passé de luttes politiques ouvrières ce qui fait que la situation y est radicalement différente aux USA où jamais un parti ouvrier indépendant de masse n’a existé.
L’afflux de travailleurs latino-américains ces dernières décennies y a apporté petit à petit de nouvelles pratiques, de nouvelles traditions qui pourraient permettre aux travailleurs étasuniens de renouer avec leur propre passé, comme la grève et la manifestation du 1er mai ! Mais pas seulement.
Aujourd’hui, les dirigeants de l’AFL-CIO sont dos au mur, leur rupture avec l’appareil démocrate essentiellement et l’appareil républicain secondairement, les partis bourgeois, est une nécessité vitale pour la classe ouvrière, pour la poursuite de sa lutte sur les plans syndical et politique. De cette rupture dépend en grande partie la résolution de l’équation qui peut permettre de construire un parti ouvrier indépendant de masse aux USA.
L’élection qui vient d’avoir lieu confirme notre analyse de la situation politique aux USA, une alternative indépendante pour la classe ouvrière est possible, le débat de la candidature de B. Sanders comme l’élection d’une conseillère municipale à Seattle, se réclamant du socialisme montre que cette voie cesse d’être une impasse au cœur de la forteresse de l’impérialisme.
1. En 2000, G. W. Bush avait remporté l’élection face à A. Gore pourtant vainqueur en voix.