L’Iran secoué par une vague révolutionnaire

Le jeudi 28 décembre 2017, ainsi que les jours qui ont suivis, nous avons assisté à une série de manifestations massives et spontanées en Iran. Les premières manifestations ont d’abord éclaté à Masshad, ville pourtant considérée comme l’une des places fortes du régime, puis ce sont développées dans les autres grandes villes du pays (Ispahan, Téhéran, Qom, …) jusqu’en province.

Ces contestations d’ampleurs, qui ont fait tâche d’huile, sont les premières depuis le mouvement de 2009. La jeunesse était alors massivement descendues dans la rue face aux trucages des élections présidentielles, qui ont fait réélire Mahmoud Ahmadinejad, ancien Pasdaran (« gardiens de la révolution », milice privée du régime) et ultra-conservateur. Bien qu’il ne fasse aucun doute que la contestation actuelle reprend le flambeau de 2009, elle diffère de celles-ci sur deux points. Tout d’abord les mots d’ordres : les revendications économiques prennent une place prépondérante et ont été à la base du démarrage des mouvements, mais surtout il y a maintenant un rejet ouvertement exprimé du « guide » et de la république islamique, ce qui n’était pas autant le cas en 2009. Deuxièmement ce sont surtout de jeunes travailleurs, issus des couches les plus basses, autrement dit ceux qui prennent de plein fouet la crise économique, qui forment le gros des troupes de la contestation.

Pour une meilleure compréhension du mouvement actuel en Iran et pour comprendre pourquoi cela a une telle importance dans la région il est important de détailler les facteurs qui ont mené à cette situation.

Une situation économique en crise

Malgré son rang dans les économies mondiales (28e PIB en 2015) et son influence dans la région, l’Iran souffre de tous les maux communs d’une « semi-colonie». Le développement du capitalisme y a été difforme et inégal. De plus, l’Iran est aussi un état rentier dont la plus grande partie des recettes budgétaires provient des ressources pétrolières.

La chute du baril de pétrole ainsi que l’embargo, ont été catastrophiques pour l’économie iranienne. Celle-ci est entrée en récession. Actuellement l’inflation reste très forte (11%), de même que le chômage (12%) qui touche particulièrement la jeunesse (30 % des jeunes) pourtant de plus en plus diplômés. Ce sont ces même jeunes qui descendent dans la rue exprimer leur rejet du régime.

Il est utile de rappeler aussi que la politique du FMI n’y est pas pour rien. En effet, depuis 1989 malgré toute la propagande du régime pour montrer sa « haine de l’impérialisme », la politique économique du pays fut calquée sur les recettes néolibérales concoctées par le FMI et la banque mondiale. Ainsi de 1989 à 1997, une vague de privatisations sans précédent a été lancée, et jusqu’à 70 % des sociétés publiques ont été privatisées, en dehors de tout contrôle officiel. Les grands gagnants de cette politique ont été les Pasdarans, l’armée idéologique du régime, ne rendant compte qu’au guide suprême, qui ont profité de cette vague néolibérale pour accaparer les fruits de la plupart des privatisations et bâtir un empire économique.

L’echec de la stratégie « Rohani »

Hassan Rohani est l’actuel président de la république Islamique depuis 2013. Contrairement à son prédécesseur, Mahmoud Ahmadinedjad, Hassan Rohani fait partie du clan présenté comme par les impérialistes comme celui des « modérés » (ou « réformateur ») du régime. En réalité, Rohani ainsi que la plupart des « modérés », sont de vieux dignitaires du régime. Leur aspect « réformateur » a souvent permis au régime de survivre lorsqu’il sentait un ras le bol de la part de la population. C’est ainsi en partie le rôle de Rohani à la présidence.

Précisons d’abord que le président n’a qu’un pouvoir très limité. C’est en réalité le Guide suprême qui détient le véritable pouvoir : ce dernier a un droit de veto sur tout et bénéficie d’un mandat à vie. Il a en outre la capacité de démettre de ses fonctions le président de la république. Il est aussi utile de rappeler que les candidatures pour la présidentielle sont d’abord filtrées. Ainsi, Rohani est à la présidence car le régime des mollahs accepte qu’il y soit, dans le cadre d’une stratégie bien précise.

Tout d’abord, comme indiqué plus haut, son côté « modéré » permet de calmer la population, qui se souvient des événements de 2009. Ainsi le régime espère que la population puisse avoir des illusions sur une possible amélioration des libertés individuelles. En plus de cet aspect, Rohani joue un rôle beaucoup plus essentiel dans les relations internationales. Sa ligne plutôt « diplomatique » servirait en fait à trouver un accord avec l’impérialisme pour une levée des sanctions. C’est une question vitale pour les mollahs qui sentent la pression populaire montée. De leur côté, les impérialistes cherchent un autre partenaire de taille pour « tenir » la région. C’est un accord « gagnant-gagnant » pour l’impérialisme et le régime des mollahs. La présence des mollahs à la table des négociations sur la Syrie atteste cette politique internationale que mènent les pays impérialistes.

Cependant c’est un échec pour le régime. D’une part le « réformisme » de Rohani n’a pas réussi à attendrir la population qui veut en finir avec le régime, la crise et la corruption des mollahs. Les revendications dénonçant les interventions étrangères coûteuses du régime des mollas ont été aussi au cœur des manifestations. De plus l’arrivée récente de Trump à la présidence des Etats-unis, est venuremettre en cause l’accord diplomatique attendu entre les pays impérialistes et les mollahs.

Vive la lutte du peuple Iranien ! A bas le régime Islamique !

Par sa situation internationale, par l’importance du mouvement ouvrier et de la jeunesse, l’Iran occupe une place très importante dans la lutte des classes à l’échelle internationale. Rappelons-nous que les événements de 2009 ont été précurseurs des révolutions arabes. A cette époque-là, le régime n’avait qu’une seule peur : que la vague de révolutions contamine l’Iran.

Le régime des mollahs est aujourd’hui plus faible que jamais, avec ses batailles intestines et les grèves ou autres mouvements sociaux qui persistent malgré la répression. Avec la contestation actuelle, le régime sait qu’il a perdu le reste de base sociale qui lui restait.

Aujourd’hui le peuple d’Iran a clairement montré son désir d’en finir avec cette république théocratique, au service de la bourgeoisie des mollahs et des pasdarans, meurtriers de jeunes et de travailleurs. Malgré l’absence d’organisation révolutionnaire, il apparaît que le régime, totalement affaibli et discrédité, n’arrive pas à étouffer la contestation.

Nous, MCI, reconnaissons et saluons pleinement la lutte courageuse du peuple iranien, qui malgré la violence du régime, continue à descendre pour défendre leur conditions de vie et pour mettre fin à un régime qu’ils ont arrêté de craindre.

– A bas le régime islamique ! Vive la lutte du peuple iranien !

– Pour la démocratie ouvrière et des libertés syndicales !

– Pour une république laïque et démocratique des travailleurs !