En finir avec l’Europe forteresse !

Photos de l'expulsion violente des réfugiés de la Porte de la Chapelle à Paris début juin 2015

Article de L’Internationaliste n°154 de juin 2015

Par J.-Louis

L’UNHCR, agence de l’Onu pour les réfugiés, évalue à 54 millions le nombre des déplacés et réfugiés dans le monde, auxquels il faut ajouter environs 5 millions de Palestiniens qui dépendent, eux, d’une autre agence, l’UNRWA ; c’est-à-dire, en tout, un record depuis la Seconde Guerre mondiale.

Près de 3 millions concerneraient la Somalie, le Soudan, le Sud-Soudan, la République démocratique du Congo ; 426 000 l’Irak ; 4,3 millions la Syrie, 2,7 millions l’Afghanistan !

Ce n’est pas un hasard si ces pays sont des terrains d’intervention d’armées impérialistes ou de leurs alliés et des zones d’affrontement entre transnationales capitalistes : dans les deux cas le recours à des armées mercenaires, recrutées sur place ou fournies par des sociétés spécialisées, est de mise.

L’essentiel des mouvements de population qui ont lieu autour de la Méditerranée depuis plusieurs années est constitué de victimes de la guerre, des exactions et violences politiques auxquelles s’ajoutent les personnes poussées à l’exil par les conséquences de la phase actuelle de la crise du système capitaliste à savoir la pauvreté, la misère.

En effet, derrière la dénonciation de « l’immigration clandestine » et du trafic très lucratif auquel se livrent les passeurs, c’est bien le droit d’asile qui est visé.

Toujours selon l’Onu, depuis 2000, ce seraient vingt-deux mille personnes qui seraient mortes en Méditerranée, soit 75 % des décès en mer. Le seul 19 avril 2015, huit cents personnes sont mortes au large de l’Italie ; le week-end du 12 avril, près de dix mille avaient été secourues !

Depuis le début de l’année, en quatre mois, ce seraient quarante mille personnes qui auraient échoué sur les seules côtes italiennes. Sauf qu’en passant de l’opération Mare nostrum organisée par la marine italienne à Triton, sous l’égide de l’agence chargée des frontières de l’UE, Frontex, on passe ostensiblement d’un prétendu « sauvetage » à de la surveillance pure et simple.

E. Valls, C. Estrosi et B. Cazeneuve à Nice – Mai 2015

Ainsi, non sans hypocrisie, le « chœur des pleureuses » regrette le temps où Kadhafi faisait le gendarme entre le Sahel et la Méditerranée, ce qui permet d’apprécier à sa juste valeur cette déclaration de M. Valls, le Premier ministre en déplacement dans les Alpes-Maritimes, flanqué du ministre de l’Intérieur B. Cazeneuve : « La France, déjà, a fait beaucoup : ainsi 5 000 réfugiés syriens et 4 500 irakiens ont déjà été accueillis en France depuis 2012. Nous continuerons à le faire, avec le souci que les efforts soient équitablement répartis. »

Ces propos sont tenus en présence de MM. C. Estrosi et E. Cioti, élus UMP du département et tenants d’une politique sécuritaire dure ; une confirmation, si besoin est, de la réalité de l’orientation du gouvernement Hollande Valls, tout entier au service des intérêts capitalistes.

La politique du gouvernement s’inscrit dans le droit fil de ses prédécesseurs. Durcissement des critères d’attribution du statut de réfugié, réduction des prérogatives de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides), généralisation de la rétention et de l’expulsion, souvent en direction du pays de provenance des demandeurs d’asile : de Pasqua à Cazeneuve, il y a trente-cinq ans d’une politique en rupture avec cette liberté démocratique fondamentale, le droit d’asile.

C’est bien la raison pour laquelle la question des « quotas » est au cœur des débats sur l’immigration « choisie » de Sarkozy à Hollande. Pour les capitalistes, seuls comptent les profits et la main-d’œuvre bon marché est au centre de leur préoccupation de même que la division, l’atomisation du prolétariat sommé de se soumettre aux règles du « marché » du travail : c’est la course à la misère.

On le constate depuis bien longtemps, la supposée « libre circulation des hommes et des idées » n’est que la libre circulation des hommes d’affaires et des capitaux. C’est cela la réalité d’un monde capitaliste basé sur la propriété privée des moyens de production et d’échange, sur l’exploitation de l’homme par l’homme.

C’est cela qu’organisent les accords et traités européens et, en conséquence de ces traités, la loi de chacun des États membres de l’UE, sachant qu’en définitive ces traités ne sont que l’aboutissement de la mise en œuvre par tous les gouvernements de l’UE de la volonté des capitalistes dont ils servent les intérêts.

Rappelons-le, ce sont bien les représentants des États qui ont signé ces traités, quand bien même ceux-ci auraient été rejetés par référendum, à l’image du traité constitutionnel européen.

Toutefois, y a-t-il une autre voie pour sauver réellement ces millions de personnes qui cherchent désespérément à survivre au péril de leur vie que d’abroger la convention de Schengen, de dissoudre Frontex, de régulariser les sans-papiers et de respecter le droit d’asile, bref d’en finir avec l’Europe forteresse ?

Faire que les « hommes et les idées » circulent librement impose de mettre fin à un mode de production qui ne peut pas accepter la survie des acquis ouvriers et des libertés démocratiques, de mettre fin à un monde dont l’horizon est la barbarie.

La perspective du GSI est celle d’un monde sans frontières, dans lequel le droit des nations à disposer d’elles-mêmes ne serait pas la formule creuse de W. Wilson, président des États-Unis de 1913 à 1921, mais la réalité d’un monde socialiste, basé sur la propriété collective des moyens de production et d’échange, en route vers l’abolition de toutes ces oppressions !