Élections Régionales 2015 : Les travailleurs rejettent la politique du gouvernement

Les élections régionales qui ont eu lieu les 6 et les 13 décembre ont été encadrées avant tout par un profond mouvement d’aiguisement de la lutte des classes dans l’ensemble du pays. Elles ont également été marquées par les conséquences des attentats du 13 novembre et par la réponse sécuritaire apportée par le gouvernement Valls-Hollande.
L’exécutif a décidé d’approfondir le caractère bonapartiste de la Ve république pourrissante pour accélérer le rythme des contre-réformes favorables à la bourgeoisie. En instaurant l’État d’urgence, le gouvernement a durci la répression avant tout contre tous les militants politiques et syndicaux qui s’opposent à sa politique pro-patronale et pro-impérialiste, sans arriver toutefois à étouffer la contestation.
À l’occasion de ce scrutin, on a pu constater que les tendances vérifiées depuis plusieurs années lors des échéances électorales se sont exacerbées et qu’une nouvelle situation politique s’est ouverte dans le pays. L’abstention reste à un niveau très élevé, les scores des partis institutionnels baissent de manière importante.
Dans ce contexte, le Front National se consolide. Ainsi, le second tour a vu une mobilisation beaucoup plus importante des électeurs : 58,41 % d’entre eux se sont rendus aux urnes, soit 17 % de plus qu’au premier tour (49,91 %). Le FN a été défait partout où il était au second tour par l’alliance PS-LR.
Cette mobilisation plus importante ne masque pas la progression du vote blanc, compté à part des votes nuls depuis une loi de février 2014. Il a représenté 2,79 % des votants au second tour, contre 2,41 % au premier tour.
S’il a évolué de manière aléatoire selon les régions, parfois en baisse, parfois en hausse, le vote blanc a été particulièrement renforcé dans les deux régions où le Parti socialiste avait retiré ses listes pour laisser la droite seule face à l’extrême droite, le Nord-Pas-de-Calais-Picardie (5,41 % contre 1,97 % au premier tour) et Provence-Alpes-Côte d’Azur (4,53 % contre 2,22 %). Il s’est également renforcé en Bretagne, notamment dans les territoires à fort vote régionaliste.
Autrement dit, dans un contexte d’intensification de la lutte des classes, les résultats des élections traduisent un profond rejet de la politique gouvernementale : c’est un vote sanction, un vote d’insurrection. L’abstention massive ouvrière et consciente est en train de faire imploser les institutions de la Ve République reposant sur le bipartisme. Pour le moment, c’est le FN qui en profite, en l’absence d’alternative politique pour les travailleurs.
Une lutte des classes intense
Depuis plusieurs semaines la lutte des classes s’aiguise dans un mouvement profond. La mobilisation des travailleurs d’Air France contre un nouveau plan de licenciement de 3000 postes au début du mois d’octobre a constitué un tournant dans la situation politique du pays.
Près de 18 travailleurs de cette entreprise ont été sanctionnés par leur hiérarchie et ont été traduits en justice pour des faits de « violence en réunion », après l’épisode des « chemises arrachées ». Un puissant mouvement de solidarité venu de la base s’est développé au sein de la classe ouvrière en soutien à ces travailleurs.
Ainsi, alors que plusieurs d’entre eux étaient convoqués devant le juge de Bobigny le 2 décembre dernier, il y avait plus de 2 000 travailleurs pour les soutenir devant le tribunal, dont certaines délégations qui avaient parcouru des centaines de kilomètres, alors même qu’il n’y a pas eu de volonté de mobiliser massivement de la part des directions syndicales nationales. Toutefois, sous la pression de la mobilisation, le jugement a été repoussé à la fin mai 2016.
Dans ce contexte, on observe une multiplication des grèves, qui viennent de la base, en particulier dans les domaines les plus touchés par les contre-réformes mises en places par le gouvernement : éducation, hôpitaux, collectivités territoriales, poste, EDF, industrie, transports, commerce. Chaque jour, plusieurs dizaines de conflits se déroulent malgré l’absence d’appels nationaux à la mobilisation de la part des directions fédérales et confédérales syndicales.
L’intensité de ces mobilisations est d’autant plus remarquable qu’elle s’opère contre l’état d’urgence et contre la répression anti-syndicale de plus en plus féroce de la part de l’appareil d’État. Les travailleurs résistent et cherchent une riposte contre les attaques de la bourgeoisie.
Remarquons que la poussée à la base exerce une très forte pression sur l’appareil de la CGT. La bataille pour le direction politique de cette organisation syndicale est un des principaux enjeux de la période à venir. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre les résultats des élections régionales.
Un approfondissement de la crise de la 5e république
Alors que des secteurs de plus en plus larges de la classe ouvrière et de la jeunesse se mobilisent contre la politique du gouvernement, l’abstention a atteint une nouvelle fois un niveau très élevé, bien que moindre que lors des élections régionales de 2010.
Les abstentionnistes et les blancs et nuls représentent près de 23,5 millions de personnes, soit plus de la moitié des 45,3 millions d’inscrits sur les listes électorales. Il ne faut pas oublier d’ajouter les non-inscrits, particulièrement nombreux chez les jeunes et dans les classes populaires, qui représentent entre 5 et 7 millions de personnes selon les estimations.
L’abstention est particulièrement élevée chez les jeunes et chez les ouvriers. 65 % des 18-35 ans et 61 % des ouvriers ne se sont pas déplacés aux bureaux de vote lors du premier tour. Dans les quartiers populaires, notamment dans les régions parisienne, marseillaise, lyonnaise, lilloise, etc.., le taux d’abstention dépasse les 60 voire les 70 % et est même plus élevé dans certains bureaux de vote.
Chez les ouvriers et les jeunes le « premier parti de France » est donc l’abstention. Il faut donc comprendre l’abstention non pas comme une attitude passive de la classe mais au contraire comme un rejet profond et conscient de la politique pro-bourgeoise du gouvernement.
Cette abstention traduit un rejet massif des institutions de la 5e république, des partis institutionnels et de leur politique pro-UE, pro-patronale et pro-impérialiste. L’abstention et les mobilisations des travailleurs expriment concrètement le rejet des coupes budgétaires et des privatisations au nom du paiement de la dette, le rejet des attaques contre les conquêtes ouvrières au nom de la compétitivité et le rejet des interventions de l’armée française en Afrique et au Moyen-Orient au nom de la lutte contre le terrorisme.
La principale conséquence de l’abstention massive est l’effondrement des partis institutionnels. L’ensemble des partis du gouvernement, du Front de Gauche jusqu’à Les Républicains, ne totalise qu’un peu plus de 14,5 millions de voix au premier tour, c’est-à-dire légèrement moins d’un tiers des inscrits. Il s’agit d’un minimum historique pour un scrutin sous la 5e république.
Le PS et ses alliés massivement sanctionnés et rejetés par les travailleurs.
Le PS mène une politique intégralement au service du grand patronat, de la grande finance et des intérêts impérialistes de la France. C’est ce qu’exprime la ligne Macron-Valls-Hollande. Aujourd’hui le PS ne fait même plus semblant de défendre les intérêts de la classe ouvrière.
Depuis 2012, chaque élection se traduit par une défaite cuisante pour le PS, à chaque fois ce sont des milliers d’élus, ainsi que leurs conseillers, qui se retrouvent au chômage. La base sociale et électorale du PS est en train de se réduire à la portion congrue. Après ces élections, le PS pourrait être confronté à une nouvelle aggravation de sa crise interne. Le PS et les listes « d’union de la gauche » perdent 1 million de voix par rapport à 2010, passant de 6 à 5 millions de voix.
Les partis adossés au PS dans le but d’obtenir quelques sièges, en particulier les appareils composant le Front de Gauche et les Verts, sont entraînés dans la chute du parti gouvernemental. En effet, ils sont associés par les travailleurs, à juste titre, à la politique anti-ouvrière du gouvernement. Pour obtenir des sièges dans les parlements régionaux, les représentants du Front de Gauche et des Verts (avec quelques rares exceptions pour ces derniers) ont voté l’instauration de l’état d’urgence aux côtés de Valls.
Le Front de Gauche, qui a établi des alliances à géométrie variable selon les régions, perd plus de 250 000 voix par rapport à 2010 et de nombreux élus (passant de 1,137 millions de voix à 890 000 en se présentant de manière séparée). Les élus que ce front électoral a obtenu ne l’ont été que dans le cadre de listes fusionnées avec celles du PS. Les Verts perdent quant à eux 1 million de voix et passent de 2,4 millions à 1,4 millions sous différentes combinaisons électorales.
Ainsi, au niveau national, les sièges occupés par la soi-disant gauche à l’issue du deuxième tour ont été divisés par deux : 551 en 2015, contre 1 106 en 2010.
L’effondrement de la « gauche parlementaire », qui perd en tout 2,25 millions de voix, ne profite pas pour autant à la droite. Lors de ces élections, l’ensemble des forces de la droite traditionnelle était regroupé au sein de listes d’alliance Les Républicains-UDI-Modem.
Cette coalition électorale espérait bien ravir la gestion des régions à leurs « adversaires socialistes », comme il est normalement convenu dans le jeu de « l’alternance démocratique » entre « droite » et « gauche » dans le cadre des institutions bourgeoises. Sauf que l’approfondissement de la crise sociale et économique et les attentats du 13 novembre sont passés par là.
Ce qui était « convenu » ne s’est pas passé comme prévu. Les listes de droite, qui s’étaient présentées de manière séparée aux régionales de 2010 obtiennent le même score qu’il y a 5 ans soit 5,9 millions de voix. Cela constitue un score historiquement bas pour des partis qui se situent dans l’opposition parlementaire et ce d’autant plus que le score obtenu en 2010 était déjà un minimum historique pour ce courant politique.
En l’absence d’alternative, le FN se consolide.
La lutte des classes et l’abstention massive sont en train de faire imploser le régime bonapartiste de la 5e république et, en l’absence d’alternative, le FN -qui a voté l’état d’urgence avec le PS, LR et le FG – profite de la situation…pour le moment. Ce parti obtient 6 millions de voix, son deuxième meilleur score de l’histoire et 358 sièges, ce qui représente une progression de 3,7 millions par rapport au scrutin régional de 2010.
Si le FN obtient ces résultats électoraux, c’est avant tout parce que sa politique a été légitimée et « banalisée » par les partis institutionnels et même partiellement mise en place par les derniers gouvernements de droite et de « gauche ». Ainsi l’état d’urgence, la répression du mouvement syndical, la baisse des salaires, les coupes budgétaires et l’augmentation des dépenses militaires, ainsi que la mise en place de la déchéance de nationalité, sont des mesures prises par le gouvernement vivement soutenues – voire inspirées- par le FN.
Si certains travailleurs ont pu être attirés par le fait que ce parti soit le seul explicitement contre l’Union Européenne, il faut rappeler que le FN est avant tout un parti intégralement au service de la bourgeoisie et est un produit de la Ve république agonisante.
Au soir du premier tour, Marine Le Pen s’est posée en recours pour la bourgeoisie en cas de « défaillance » des partis traditionnels de la bourgeoisie – PS et Les Républicains – pour réprimer le mouvement ouvrier et pour appliquer la politique anti-ouvrière dont la finance a besoin : la présidente du FN a ainsi déclaré : « L’Union Nationale c’est nous !».
Mais nous n’en sommes pas là et il y a fort à parier que les travailleurs et les jeunes – y compris parmi ceux qui ont pu accorder leur suffrage à cette organisation – seraient les premiers à se mobiliser contre cette organisation si elle venait à occuper des responsabilités politiques de premier plan.
L’échec de l’extrême Gauche
Lutte Ouvrière était la seule organisation d’extrême gauche à présenter des listes indépendantes de la bourgeoisie et pour la défense des intérêts des travailleurs lors de ces élections au premier tour. C’était également la seule organisation présente lors de ces élections qui s’est ouvertement prononcée pour la levée de l’État d’Urgence.
Les listes présentées par LO recueillent plus de 330 000 voix. Ces résultats sont en hausse par rapport aux élections de 2010 . LO avait alors obtenu près de 200 000 voix – mais cela est relativement modeste si on les met en rapport avec l’intensité des grèves et si on les compare avec les résultats que cette organisation a pu obtenir par le passé.
Ces résultats s’expliquent avant tout par le fait que les travailleurs ne voient pas dans cette organisation une alternative politique. Il convient de rappeler qu’à la fin des années 1990 et début des années 2000, LO a obtenu jusqu’à 1,5 million de voix. Aux élections, cette organisation en alliance avec la LCR avait obtenu près de 25 élus dans les conseils régionaux. Aujourd’hui cette période est close et les travailleurs déçus, se sont détournés de cette organisation, qui défend un vision défaitiste de la situation et n’adresse aucun critique sérieuse envers l’Union Européenne et ses politiques.
Il faut également mentionner l’échec du NPA. Cette organisation s’est constituée en 2009 sur la base de la liquidation des acquis théoriques et organisationnels de la IVe Internationale. Le but du NPA, qui a succédé à la LCR, était de constituer une organisation électoraliste large et de masse.
Mais le bilan de cette organisation est qu’elle a aujourd’hui moins de militants que n’en avait la LCR (la LCR avait quelque 3 000 militants, à sa fondation le NPA revendiquait près de 10 000 militants, aujourd’hui il en reste moins de 2 000). Cette organisation n’a pas été en mesure de présenter des listes pour ces élections, alors que c’est la raison même de son existence. Ce parti qui se présente comme le parti des luttes est aujourd’hui un cartel de courants politiques qui n’offrent pas de perspective politique ni de proposition concrète d’organisation pour les travailleurs.
Ainsi aussi bien LO que le NPA, chacun à leur manière, n’ont pas été capables de d’ouvrir une alternative pour les travailleurs et les jeunes face aux coups assénés par le gouvernement et le patronat.
Quelles perspectives ?
Au regard de ces différents éléments, qu’il s’agisse de la politique menée par le PS et ses alliés, ou de la consolidation du FN, il apparaît plus que jamais fondamental d’œuvrer à construire un issue politique de classe indépendante pour les travailleurs et les jeunes. Une telle issue c’est le fait de s’opposer résolument à la politique du gouvernement et aux projets de la bourgeoisie.
Cela commence par exiger la levée immédiate de l’État d’urgence. Cela exige également de combattre les politiques d’austérité et ses conséquences et de réclamer l’annulation de la dette. Cela exige également de proposer un alternative sur la base de la rupture avec tous les traités de l’UE, avec l’euro et avec l’UE elle-même, véritables machines de guerres contre les travailleurs et les peuples. Pour nous cette alternative c’est un gouvernement par et pour les travailleurs, issu de la mobilisation unie des travailleurs et des jeunes. C’est une nécessité impérieuse face à la barbarie capitaliste.
C’est pourquoi il apparaît également urgent de s’attacher à construire un parti ouvrier socialiste et internationaliste pour défendre un tel programme. Les très nombreuses mobilisations des travailleurs et des jeunes indiquent que les conditions sont réunies pour avancer vers la construction d’un tel outil et la défense d’un tel programme. Plus que jamais, il est urgent de se battre pour l’unité d’action de toutes les organisations, de tous les militants et de groupes de militants politiques et syndicaux pour la levée immédiate de l’état d’urgence !
La liste nationaliste « Pe a Corsica », avec 37% des voix, a capitalisé le vote de rejet
Gilles Simeoni, qui conduisait la liste Per a Corsica, est donc arrivé en tête avec 35,6 % des suffrages. Il devance Paul Giacobbi, le député radical de la Haute-Corse et président sortant du Conseil exécutif qui ne rassemble que 28,6 % des votes alors qu’il était donné favori à la tête d’une liste d’ouverture qui comptait de nombreux maires de poids.
En troisième position, l’ancien ministre José Rossi (26,8 %) pour lequel Nicolas Sarkozy, le président des Républicains, avait effectué le déplacement d’Ajaccio. Enfin, bon dernier, Christophe Canioni, candidat du Front National qui a réalisé le score de 9 %, presque deux point de moins que lors du premier tour. Rappelons enfin qu’avec près de 67 % de participation, la Corse est la région où le taux de participation était le plus élevé.
Jean-Guy Talamoni, nommé à la tête de l’Assemblée, a prononcé l’intégralité de son discours en Corse, a affirmé «Mon pays, c’est la Corse» et a demandé à nouveau la libération des prisonniers politiques corses. Vendredi, il revenait à la charge sur le sujet, parlant de ces «vingt-cinq prisonniers politiques» corses dont Yvan Colonna, condamné pour le meurtre du préfet Érignac.