Biélorussie : Vive la révolution ! À bas la dictature Loukachenko !
En décembre 2010, Loukachenko, le dictateur biélorusse, organise de nouvelles élections. Face aux fraudes massives, la population descend dans les rues. À la télévision, il annonce : « Je vous l’ai déjà dit, et je vous le redis publiquement, il n’y aura pas de révolution en Biélorussie »1. Force est de constater que 10 ans plus tard la prédiction du président dictateur est en train d’être démentie. En Biélorussie, comme à Hong Kong, nous assistons à une révolution démocratique.
La Biélorussie, un pays capitaliste héritier du stalinisme
La Biélorussie est située entre la Lettonie et la Lituanie au nord, la Pologne à l’ouest, l’Ukraine au sud, et le géant Russe à l’est. 10 millions de personnes y habitent. Ce pays faisait partie de l’URSS jusqu’à l’éclatement de cette dernière en 1991.
À l’instar des autres dictatures staliniennes (Russie, Chine…), avec la chute de l’URSS, le capitalisme a été réintroduit dans ce pays. En effet, en l’absence d’un parti ouvrier révolutionnaire se battant pour défendre les acquis de la révolution russe, un secteur de la bureaucratie a ainsi pu restaurer le capitalisme.
Aujourd’hui, selon les chiffres officiels, 30 % de l’économie est aux mains du secteur privé et de transnationales. Ainsi à Minsk comme à Paris, ceux qui ont les moyens peuvent s’acheter des cosmétiques à L’Occitanie ou manger chez McDonald’s. Ce qui n’est pas à la portée de tous, puisque dans ce pays, gagner l’équivalent de 200 euros par mois est chose courante.
Si la Biélorussie est bien un pays capitaliste, elle a gardé ses vieux oripeaux staliniens : les services secrets s’appellent toujours KGB et le pays est dirigé d’une main de fer : les opposants politiques sont assassinés ou en prison et il n’y a pas de médias indépendants.
Ainsi Alexandre Loukachenko est au pouvoir depuis 1994, et la Constitution qu’il s’est taillée sur mesure en 1996 donne tout pouvoir à celui qui a le statut de président. En 2004, une ligne de la constitution a été supprimée par référendum, celle précisant qu’un président ne peut faire que deux mandats. Loukachenko est donc potentiellement un président à vie, à l’instar de ses confrères Poutine et Xi-Jinping pour ne citer qu’eux…
Depuis le 9 août 2020, des grèves pour virer le dictateur
Des élections présidentielles sont organisées tous les 5 ans, et Loukachenko en sort toujours vainqueur à une large majorité… alors qu’il est détesté par la population. À chaque élection, des fraudes massives sont observées, provoquant la colère de la population.
Ainsi depuis au moins 10 ans, à chaque proclamation des résultats de l’élection présidentielle, les Biélorusses sortent dans la rue pour dénoncer les fraudes, exigent le départ de Loukachenko, et la fin du régime.
Le 9 août 2020 est la dernière élection présidentielle en date. Nous assistons à un tournant dans l’histoire de la lutte contre Loukachenko et son régime.
Dès que les résultats ont été proclamés, annonçant 80 % de voix pour le dictateur, la population a manifesté dans toutes les grandes villes de Biélorussie. Les manifestations se sont poursuivies les jours suivants. La répression a été extrêmement brutale : deux morts, plus de 7000 arrestations, des viols et menaces de viol en prison, de la torture, etc. a montré au monde entier le caractère extrêmement brutal de ce régime.
Comparé à des processus similaires dans d’autres pays, il faut noter le rôle central joué par la classe ouvrière. En effet, des grèves sauvages ont éclaté dans les plus importantes usines de chaque ville du pays, exigeant le départ de Loukachenko et la libération des prisonniers politiques. Des comités de grève ont été élus.
À Minsk, les entreprises MTZ (usine de tracteurs), MAZ (camions et bus), Keramin (carreaux de céramique), Integral (électronique) ont arrêté le travail. À Grodno (à proximité de la Pologne), c’est Grodno Azot, fleuron de l’industrie chimique du pays (producteur d’engrais), qui a entamé la grève. À Salihorsk (aussi orthographié Soligorsk) la mine de la ville, ainsi que Belaruskaliy (producteur d’engrais potassiques) ont de suspendre leur activité.
Ce sont aussi les secteurs de la santé et même de la télévision publique qui se sont arrêtés. C’est ainsi que six jours après les élections, on comptait plus de 100 entreprises qui avaient arrêté le travail.
Le premier ministre biélorusse a annoncé le 20 août que ces grèves sont illégales. La constitution ne permet de faire que des grèves à propos du travail, et non des grèves avec des revendications politiques.
Le jour de la rentrée de septembre, ce sont les enseignants qui ont également commencé la grève. Il y a ainsi des manifestations tous les jours, dans toutes les villes. Le samedi à Minsk, la capitale, ce sont les femmes qui défilent, réunissant à chaque fois des dizaines de milliers de manifestantes. Et comme on le voit dans les médias occidentaux, il y a aussi des manifestations massives à Minsk, chaque dimanche. La colère contre le régime et la mobilisation sont très profonds.
Face à au caractère massif, déterminé, politique de ces grèves, Loukachenko a relâché le 14 août 1 000 prisonniers politiques (sur les 7 000 personnes arrêtées depuis le 9 août).
Le vent de la révolution de Hong Kong souffle à l’ouest
Après chacune des dernières élections (2010, 2015) il y a eu des manifestations contre Loukachenko. En mars 2017, le dictateur a voulu faire payer les conséquences de la crise économique de 2008 en promulguant le « décret n°3 » : chômeurs, étudiants, retraités, tous qualifiés de « parasites sociaux » devait verser un mois de salaire à l’état. Des dizaines de milliers de manifestants, sont sortis dans les rues, obligeant le dictateur à reculer.
Le président biélorusse s’est distingué au printemps 2020 en affirmant qu’il n’y avait pas de Covid‑19 dans son pays. Il a ainsi criminalisé les parents qui faisaient porter des masques à leurs enfants. Ainsi rien n’a été mis en place face à la pandémie (pas de quarantaine, pas de confinement), livrant les familles à elle-même. Ceci a aggravé encore la colère contre Loukachenko.
Enfin, la situation biélorusse est inscrite dans le contexte international de radicalisation de la lutte des classes. Que ce soit les révolutions arabes, ou plus récemment Hong-Kong, ou les manifestations contre Poutine en Russie, jusqu’aux gigantesques mobilisations en cours au cœur de la citadelle de l’impérialisme, les USA, tous les régimes antidémocratiques sont contestés.
Les gouvernements français ont soutenu la « dernière dictature d’Europe »
Les médias français relayent tous qu’il s’agirait de la « dernière dictature d’Europe ». Effectivement la répression est extrêmement brutale et n’épargne personne. Les grévistes sont licenciés, les syndicalistes et les journalistes sont jetés en prison. Mais personne ne souligne l’aide que l’impérialisme Français a apporté afin de maintenir cette dictature en place.
Par exemple en 2015, le président français François Hollande (Parti Socialiste) s’est rendu en Biélorussie, accompagné d’Angela Merkel (chancelière allemande), pour rencontrer Loukachenko et Poutine, afin de trouver un accord sur la situation en Ukraine.
En échange de son aide, Loukachenko a obtenu de l’Union Européenne et donc de l’impérialisme français qu’ils ferment les yeux sur les élections de 2015, lui permettant ainsi de rester encore et toujours au pouvoir.
Ainsi quand le dirigeant biélorusse va dans le sens des intérêts des capitalistes français, il est fréquentable et on passe sous silence les questions liées aux « droits de l’homme » et à la démocratie. Quand le vent tourne, on le qualifie d’affreux dictateur.
Visiblement, du fait de la mobilisation ouvrière et populaire, le vent est en train de tourner pour Loukachenko. C’est ainsi que mardi 29 septembre 2020, le président français Emmanuel Macron s’est rendu en à Vilnius en Lituanie, et a rencontré l’opposante Svetlana Tikhanovskaïa. Devant un auditoire d’étudiants il a affirmé :
« Ce dont la Biélorussie a besoin, c’est d’un processus par lequel une transition se fera de manière pacifique, qui permettra de reconnaître toutes les composantes de la société civile, d’arriver à la libération des personnes qui sont en prison parce qu’elles sont engagées politiquement, et de réavoir des élections, dans un cadre libre sous surveillance internationale ».2
Aujourd’hui les dirigeants français, allemands, et même russes semblent chercher un nouvel interlocuteur. Ce qui les intéresse c’est uniquement leurs intérêts : quel secteur de la bourgeoisie biélorusse assurera de meilleurs profits ?
Pour une assemblée constituante !
La Confédération Syndicale Internationale réclame de nouvelles élections. Emmanuel Macron et Angela Merkel réclament de nouvelles élections. Maria Kolesnikova et Svetlana Tikhanovskaia, les deux figures del’opposition à Loukachenko réclament de nouvelles élections, qui devront avoir lieu dans le cadre institutionnel et constitutionnel actuel.
Loukachenko a répondu en annonçant mi-août qu’il proposerait un référendum en 2022 afin d’amender la constitution actuelle.
Le peuple et la population ne l’entendent pas de cette oreille : c’est le départ immédiat de Loukachenko et la chute de l’ensemble du régime, qui est réclamé.
Pour qu’il y ait un vote véritablement démocratique, il y a donc deux préalables : le départ de Loukachenko, et la mise en place d’une assemblée constituante souveraine, issue de la mobilisation des jeunes et des travailleurs.
Vive la liberté de s’organiser et de manifester !
Pour un gouvernement par et pour les travailleurs :
Assemblée Constituante Souveraine !
Macron, Merkel, Poutine, bas les pattes de la Biélorussie
1 Biélorussie, Une dictature ordinaire, Manon Loizeau, 2018, à 26 minutes
2 On notera au passage qu’E. Macron est en faveur de la libération des prisonniers politiques dans les autres pays, mais qu’il nie qu’en France il y ait des violences policières et des prisonniers politiques (syndicalistes, gilets jaunes, lanceurs d’alerte…).