#Balancetafac : entretien sur la rentrée universitaire, en pleine crise sanitaire et sociale

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Le 03 octobre 2020

La rentrée (écoles, collèges, lycées) a eu lieu le mardi 1er septembre. Dans l’enseignement supérieur, les cours ont officiellement débuté le 15 septembre. Keno, étudiant , nous a raconté cette rentrée « exceptionnelle » dans son université parisienne.

L’Internationaliste : Depuis septembre les universités ont rouvertes, comment la situation a-t-elle évolué depuis le début de la crise du Covid ?

Keno : Le Covid a rendu la situation dans les facs évidemment plus compliquée. De mars jusqu’aux vacances d’été les universités sont restés fermés, et l’ensemble des cours s’effectuaient en ligne.

Le retour du présentiel en septembre est une bonne chose, car les cours à distance sont un vecteur d’inégalité et d’échec pour les étudiants, en particulier les plus précaires et les étudiants étrangers.

Si ce n’est pas par défaut, privilégier l’enseignement à distance dans la durée c’est supprimer des locaux, des postes de professeurs, et accélérer l’établissement du marché de l’enseignement en ligne. C’est pourtant ce qu’a choisi le gouvernement : comme pour les hôpitaux, le Covid sert à achever la privatisation du service public.

L’Internationaliste : Comment se déroule la rentrée ?

Keno : Au mois de mai, la ministre de l’enseignement supérieur Frédérique Vidal, parlait de « privilégier au maximum les cours à distances pour la rentrée ». Cependant aucune règle précise n’est donnée par le ministère.

Beaucoup de professeurs font du « semi-présentiel », c’est à dire qu’ils font cours à la moitié de leurs étudiants une semaine sur deux, et font suivre le cour à l’autre moitié en distanciel.

D’autres cours s’effectuent désormais totalement à distance, et certaines universités font même la promotion de formations uniquement en ligne, comme l’Inalco (Institut national des langues et civilisations orientales) par exemple.

Les présidents d’universités voulaient que cette rentrée ne fassent aucun bruit. Ce sont les étudiants qui ont brisé le silence, avec le hashtag #BalanceTaFac qui a pris une ampleur nationale sur les réseaux sociaux. On a pu voir des photos et vidéos de couloirs et d’amphis bondés dans de nombreuses universités (Notamment à Paris 1, Aix-Marseille, Lille, Toulouse 1, Montpellier…).

Sans surprise le gouvernement a déclaré des cas de clusters dans une dizaine d’universités dès la première semaine de rentrée, et dans une quarantaine de sites début octobre. Plus d’une dizaine d’établissements ont dû fermer car des cas de Covid se sont déclarés.

Face à ce scandale sanitaire, la seule réponse de la ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, Frédérique Vidal est d’appeler à « la responsabilisation » des étudiants. Ce ne sont ni les étudiants ni les personnels qui contaminent, mais c’est bien avant tout le manque de moyens.

La rentrée des universités est plus tardive que celles du primaire et du secondaire ; il y avait donc plus de temps pour mettre en place des mesures pour assurer les cours en présentiel, mais rien n’a été fait si ce n’est rendre obligatoire le port du masque et mettre du gel à disposition. Il aurait fallu au contraire plus de salles de cours et plus d’enseignants.

L’Internationaliste : Comment se fait-il que les universités soient touchées si vite par le Covid ?

Keno : En plus de la mauvaise gestion de la crise, les universités sont tributaires de l’ensemble des attaques réalisées par les gouvernements successifs depuis vingt ans. Une stratégie de sabotage du service public a été mise en place : désinvestissement de l’État, suppression de postes d’enseignants, de cours et de place d’étudiants.

En débouche ce fiasco, dont le gouvernement Macron-Vidal, qui a accéléré le processus de destruction-privatisation de l’enseignement supérieur depuis son arrivée au pouvoir, est fautif.

C’est aussi la responsabilité écrasante de l’ensemble des organisations syndicales et militantes du monde universitaire, en particulier des soi-disant syndicats étudiants, qui ont laissé faire : les contre-réformes des gouvernements successifs depuis vingt ans sont toutes passées.

Lors du dernier mouvement social contre la réforme des retraites, alors que les travailleurs ont mené un mouvement de grève historique de plusieurs mois, aucun mouvement d’ampleur n’a traversé les universités. Les syndicats du monde universitaire, comme à leur habitude, n’ont appelé à la grève que dans les mots et n’ont pas mobilisés.

Les enseignants-chercheurs ne sont pas en reste, puisqu’ils ont prêché une mobilisation séparée pour le retrait de la LPPR (Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche), plutôt que de faire jonction avec la jeunesse et les travailleurs en grève contre la réforme des retraites. Sans parler des « cours alternatifs » qui n’ont servi à rien si ce n’est à ne pas faire grève.

L’Internationaliste : Quelles perspectives peut-on envisager dans l’enseignement supérieur ?

Keno : Le hashtag créé par les étudiants sur Twitter à permis de briser l’omerta médiatique, ce qui est déjà positif et montre la réactivité de la jeunesse. Nous appelons les étudiants à continuer le travail de recensement commencé par #BalanceTaFac, à s’organiser et à se réunir.

Mais cela ne suffit pas, vu l’ampleur des attaques seul un mouvement massif de grève pourra les stopper. Les conditions sont réunies pour une explosion majeure chez la jeunesse. Cela doit se traduire en manifestations, et en grève totale de l’université. Qu’attendent les organisations de professeurs et de personnels pour commencer à débrayer ?

Plus que jamais, personnels et professeurs doivent faire jonction avec la jeunesse, pour la grève totale de l’université.


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