Bas les pattes devant l’Ukraine !
Déclaration du Mouvement Communiste Internationaliste
pour la reconstruction de la IVème Internationale
Paris, le 24/2/2022
L’intervention de l’armée russe en Ukraine sous le commandement de Poutine est une étape de plus dans le dépeçage de ce pays. Elle doit être condamnée. Le MCI la condamne.
Poutine a cherché à justifier cette offensive en se drapant dans une rhétorique empruntant frauduleusement les termes du droit des nations à disposer d’elles-mêmes. En bon impérialiste, il a menti et couvert l’agression de l’Ukraine au nom de la lutte contre un « génocide ».
En connaisseur de l’histoire, sachant comment, aux côtés des nazis, les nationalistes ukrainiens se sont comportés pendant la Seconde guerre mondiale, vis-à-vis des Juifs puis des Polonais, il s’est même permis de prétendre « dénazifier » l’Ukraine, cherchant à disqualifier par avance son adversaire.
Il l’a fait au terme de huit années qui ont suivi l’annexion de la Crimée, huit années couvertes par la lourde diplomatie secrète, celle qui ne s’étale jamais au JT de 20 heures.
Celle des contrats, des exclusivités, des partages territoriaux sur le dos des peuples, celle de la menace et de l’extorsion. Celle qui sent le gaz ou le pétrole. Bref celle du capitalisme à son stade impérialiste.
Les airs martiaux, les déclarations graves, le ton lyrique d’un Macron ou d’un Le Drian (ou de leurs homologues « occidentaux ») peinent à masquer que l’offensive de Poutine fait suite à huit ans de négociations. Négociations qui visent en réalité au dépeçage de l’Ukraine.
Les travailleurs et les jeunes d’Ukraine ont raison de résister. Ils doivent être bien amers d’avoir été bercés de « propos rassurants » de « leur » gouvernement et des puissances impérialistes.
Les travailleurs et les jeunes du monde entier doivent se lever contre cette guerre. Les travailleurs et les jeunes de Russie doivent se lever pour arrêter le bras de Poutine : nous leur apportons tout notre soutien.
Aux « journalistes avisés » qui ironisent sur « la passivité des Russes » en ces heures graves nous répondons que cette « passivité » est déjà l’amorce de la résistance.
En effet, Poutine joue sur le sentiment d’humiliation et sur le ressentiment pour obtenir l’adhésion, car il veut l’adhésion franche et joyeuse à son « opération militaire spéciale ». Il ne l’a pas !
Les manifestations qui se sont produites dans plusieurs villes de Russie le montrent déjà avec éclat : malgré la répression brutale, à laquelle ils s’attendaient, des Russes sont descendus dans la rue et ils ont dit : « non ! ». Près de 1400 personnes ont été arrêtées, nous exigeons leur libération immédiate !
Quand les premiers cercueils vont commencer à arriver, et ils vont arriver, alors la « passivité » va se muer en rage. Alors se lèveront à leur tour les peuples opprimés de l’ancien empire des tsars -auxquels Poutine refuse les droits que leur avaient accordés le gouvernement de Lénine et Trotski.
Les travailleurs et la jeunesse russes vont se souvenir de ces mots de Lénine : l’ennemi, l’ennemi de classe, est dans notre propre pays !
Oui Lénine et Trotski ! Car à ceux qui fantasmaient une Russie héritière de l’Union soviétique, Poutine a répondu indirectement, mais sèchement, lundi 21 février en s’en prenant une nouvelle fois à la politique des Bolcheviks, fustigeant ainsi la paix de Brest-Litovsk et la conception du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes défendue par Lénine.
En effet, nostalgique de l’usurpateur Pierre Romanov dit « le grand » et du séminariste nationaliste d’origine géorgienne, Joseph Staline, ennemi de Lénine et de Trotski, Poutine est à ce stade une sorte de « Bonaparte ».
Il arbitre entre les secteurs de la nouvelle bourgeoisie dont les intérêts ne coïncident pas forcément, certains regardant vers le Kremlin d’autres vers Londres1, Berlin, Paris ou Washington. Il règne aujourd’hui sur une fédération dont il ferait bien un État unifié.
Comme Trotski, nous, MCI, n’avons jamais eu d’illusion quant à la bureaucratie héritière de Staline. Elle a restauré le capitalisme dans l’ex-URSS, marchant la main dans la main avec les impérialistes, plongeant des millions de travailleurs dans la misère.
La restauration s’est faîte avec une mortalité de temps de guerre. Ça aussi les travailleurs russes s’en souviennent, ils l’ont vécu dans leur chair.
Sous Eltsine, une poignée de bureaucrates s’est partagée l’ex-URSS, chacun se taillant un monopole national sur tel ou tel secteur de l’économie, passant des accords avec les puissances impérialistes. Ils ont, envoyé leurs rejetons étudier à Harvard, Stanford, Oxford ou Eaton, etc. Ainsi s’est constituée cette nouvelle bourgeoisie qui a joué des coudes pour trouver sa place sur le marché.
Successeur d’Eltsine, Poutine est le représentant de cette bureaucratie qui s’est transformée en bourgeoisie à l’occasion de ce que les travailleurs russes ont appelé « le hold-up ».
« Le hold-up » s’est produit dans l’ensemble de l’ex-URSS ; ainsi l’est de l’Ukraine est aux mains d’oligarques russes, liés à Poutine, le reste de ce pays est aux mains des oligarques ukrainiens liés aux impérialismes étasunien, britannique, allemand ou français.
Cela s’applique également aux autres états issus de l’éclatement de l’URSS de la Géorgie aux pays baltes, de la Moldavie au Kirghizistan, au Kazakhstan où l’armée de Poutine est intervenue récemment pour sauver le régime autocrate.
Au demeurant, les travailleurs du monde entier ne doivent pas perdre de vue que l’OTAN est depuis sa création une arme aux mains des oppresseurs, à commencer par l’impérialisme US et qu’elle doit être dissoute : nous n’avons jamais varié à ce sujet et nous ne varierons pas – même si Poutine vient de réussir le tour de force de ranimer ce patient en « coma dépassé » selon l’expression bien imprudente de Macron.
Comme les impérialistes n’ont jamais dévié de la doctrine définie par le sinistre Z. Brzeziński2, conseiller de Carter, (contenir l’URSS puis la Russie et ensuite la faire refluer). Cette doctrine de long terme, mais à courte vue, a généré humiliation et ressentiment qui ont été le moteur de la politique de Poutine.
Pour tenter d’atteindre ses objectifs, Poutine veut aujourd’hui tirer tous les bénéfices d’une politique qui lui a permis, en réalité, de se poser en victime, et de s’appuyer sur la stratégie d’encerclement par l’OTAN. Pendant quinze ans, il l’a annoncé.
Poutine a suivi cette politique tout en travaillant à montrer sa « bonne volonté » au compte des impérialistes et à tenter, par exemple, d’écraser la révolution arabe. Il a maintenu Assad au pouvoir en Syrie quand Obama ne voulait pas se salir les mains. Aujourd’hui, il réclame sa part du gâteau !
Voilà ce qui s’est discuté depuis 2014, après l’annexion de la Crimée. Et dans cette « discussion », les peuples opprimés ne pèsent pas lourd !
Alors encore une fois, avec Lénine, nous réaffirmons que l’indépendance complète des nations opprimées dans le cadre du capitalisme à son stade impérialiste est impossible.
Aussi nous soutenons la lutte pour l’indépendance de ces nations en la liant au combat pour le renversement du capitalisme et la fin de toute exploitation, de toute oppression.
En dehors de ce combat, la lutte pour « l’autonomie » ou « l’indépendance » ne peut avoir comme conséquence que le changement de maître, de vassal.
Ainsi, peut-on parler d’indépendance complète quand, pour se garder de la tutelle de l’Allemagne ou de la Russie, on choisit de se soumettre « librement » aux États-Unis, ou au Royaume-uni a fortiori via l’OTAN ? C’est une sinistre farce !
Nous devons donc le réaffirmer : l’offensive militaire de Poutine est la pointe avancée d’une tentative impérialiste de dépecer l’Ukraine.
Dans ce contexte, appeler à une conférence internationale rassemblant l’ensemble des dirigeants des pays frontaliers de l’Ukraine c’est convoquer au banquet tous les nationalistes d’Europe centrale qui ont des revendications territoriales sur ce pays ! C’est plonger toute l’Europe dans la guerre !
À bas la guerre, à bas la diplomatie secrète !
Tout notre soutien au peuple ukrainien !
Halte aux bombardements !
Bas les pattes devant l’Ukraine !
Retrait de toutes les troupes étrangères d’Ukraine !
Dissolution de l’OTAN !
Démantèlement des arsenaux nucléaires !
1Les sociétés pétrolières et gazières Gazprom et Rosneft sont cotées à la bourse de Londres
2C’est lui qui avait qualifié les Taliban de « Freedom fighters » (combattants de la liberté)