Revue de presse sociale – Juin 2016

«La lutte de classe est nationale dans sa forme et internationale dans son contenu» K. Marx
Rien n’y fait. Le gouvernement français a beau réprimer les manifestants, a beau invoquer le début de l’Euro de Football, les médias aux mains des grands groupes capitalistes ont beau véhiculer des mensonges à longueur de journée sur leurs antennes, les directions confédérales syndicales liées au PS ont beau manœuvrer pour diviser et démoraliser les travailleurs, ces derniers et les jeunes restent plus que jamais déterminés à obtenir le retrait pur et simple sans négociation du projet de loi El Khomri.
Le gouvernement – minoritaire comme jamais – et la bourgeoisie sont désespérés, et ils ont raison : la peur est en train de changer de camp, la victoire est possible pour la classe ouvrière. Il est possible d’imposer un coup d’arrêt à la politique anti-ouvrière du gouvernement et de l’Union Européenne.
Au cours du mois de mai, la mobilisation contre la loi travail s’est passablement durcie et élargie à de nouveaux secteurs. Il y a bien sûr les secteurs qui sont à la pointe de la contestation : cheminots, travailleurs des raffineries, travailleurs des centrales nucléaires, transports en commun (à la RATP et dans plusieurs autres villes) et il y a ceux qui peu à peu entrent dans la lutte : éboueurs, métallurgistes, travailleurs du commerce.
Le mois de mai a été ponctué par plusieurs journées de manifestations et de grève. Les jeudis 12, 19 et 26 mai, ainsi que le 2 juin ce sont des centaines de milliers de travailleurs et de jeunes qui ont défilé dans les rues des villes en France.
À Paris, il y a toujours entre 50 000 et 100 000 personnes. En Normandie, qui est à la pointe de la mobilisation, ce sont des dizaines des milliers de personnes qui défilent dans les rues du Havre, de Rouen, de Caen chaque semaine.
Malgré les interdictions de manifester à Nantes et à Rennes prononcées par les préfets, des milliers de personnes ont défilé à plusieurs reprises dans ces deux villes bretonnes. À Saint-Nazaire, plusieurs manifestations ont réuni plus de 10 000 personnes. Les manifestations ont également été importantes à Marseille et dans le Nord de la France.
Ces manifestations sont également accompagnées de mise en place de barrages et d’occupations de sites industriels. Et c’est une des caractéristiques de la mobilisation depuis le mois de mai : désormais, on voit clairement l’entrée en scène du mouvement ouvrier.
Les Ports du Havre, de Saint-Nazaire, de Marseille, les axes routiers, les zones industrielles, les gares, les aéroports ont été largement touchés par des débrayages réunissant des milliers de travailleurs.
Le 7 juin, plusieurs milliers de travailleurs de l’aéroport de Roissy ont bloqué les accès aux terminaux 2E et 2F. Chaque jour, ce sont des dizaines des piquets de grève qui sont mis en place à la porte d’usines, d’entreprises, d’entrepôts.
Dans un décompte non exhaustif, le CGT Nord a dénombré, pour le 26 mai, plus de 600 appels à la grève, certains, illimités, dans le secteur de l’agro-alimentaire, 400 dans la métallurgie, 60 dans la chimie, ainsi que dans la logistique (Amazon), à la poste, dans la grande distribution etc.
Ainsi, chez PSA et chez Amazon, ce sont des milliers de travailleurs qui ont cessé le travail pour s’opposer à la loi El Khomri. La grève touche également des secteurs dits stratégiques. 6 Raffineries sur 8 sont en grève depuis la fin du mois de mai.
Les 19 centrales nucléaires ont connu des arrêts de travail, contraignant à l’importation d’électricité (les agents d’EDF ont également passé des millions d’usager en heures creuses).
À la SNCF, plus de 50 % des roulants (conducteurs et contrôleurs) sont en grève depuis la fin du mois de mai malgré la pression du gouvernement et les atermoiements de la direction fédérale de la CGT Cheminots, qui s’en remet aux Assemblées Générales au lieu d’appeler clairement à la poursuite de la grève jusqu’à satisfaction des revendications.
Désormais, un nouveau front s’est ouvert : celui des éboueurs et des travailleurs des centres de traitement des déchets qui sont massivement en grève notamment dans les villes de Paris, Lyon, Marseille. D’autres secteurs risquent d’entrer prochainement dans le mouvement : les pilotes d’Air France contre la baisse de leur salaire et contre l’augmentation des cadences, les travailleurs de météo France contre les coupes budgétaires.
Signalons aussi que 4 organisations de la CGT ( CGT Info’com, CGT Air France, CGT Goodyear, CGT SIP (imprimerie)) ont lancé une caisse de grève, renouant ainsi avec les traditions du mouvement ouvrier, qui a recueilli plus de 250 000 euros en l’espace d’une semaine. De cette somme, 50 000 euros vont d’ores et déjà être reversés aux travailleurs des raffineries en grève, et 15 000 aux cheminots du dépôt de Versailles.
La portée de la lutte que mènent actuellement les travailleurs de France dépasse le cadre hexagonal. Le fait d’imposer la destruction du code du travail à la classe ouvrière de ce pays, est stratégique non seulement pour la bourgeoisie française, mais également pour l’ensemble des bourgeoisies du continent en guerre contre les travailleurs dans chacun des pays. D’ailleurs, le président de la Commission Européenne, Jean-Claude Juncker s’est empressé d’apporter son soutien entier au projet de loi El Khomri.
Si les capitalistes ont conscience qu’il faut mener une offensive d’ensemble contre les travailleurs pour faire payer à ces derniers la crise de leur système, les travailleurs du continent, quant à eux, savent également qu’il faut mener ensemble la lutte contre ces politiques anti-ouvrières coordonnées au sein de l’Union Européenne.
N’oublions pas que la loi El Khomri a été inspirée par les mesures prises par le gouvernement espagnol de M. Rajoy qui a profondément déréglementé les protections collectives des travailleurs espagnols, entraînant une baisse moyenne des salaires de 200 euros.
La loi El Khomri est également semblable aux Job Acts de l’Italien M. Renzi et s’inscrit dans la même logique que les contre-réformes dites Hartz IV prises en Allemagne, il y a plus de 10 ans, et qui ont entraîné une baisse des salaires dans ce pays. Ce n’est donc pas un hasard si de nombreux syndicats d’Europe et du monde ont envoyé des messages de soutien à la classe ouvrière actuellement mobilisée en France.
En 1996, un certain Christian Morrison, alors au service de l’OCDE, avait préconisé de ne pas mener des politiques d’ajustement structurel – c’est-à-dire les contre-réformes capitalistes pour le démantèlement des conquêtes ouvrières – au même rythme dans des pays voisins, ayant des histoires communes, afin d’éviter la possible jonction entre les mobilisations de ces travailleurs.
Or c’est précisément ce qui pourrait se passer entre les travailleurs de France et ceux de Belgique. Dans ce pays, le gouvernement a décidé de remettre en cause le code travail (Loi Peeters) : le 26 mai, 60 000 personnes ont manifesté à Bruxelles contre ce projet de loi.
Cette manifestation avait été précédée par une grève surprise qui a massivement touché la SNCB, les chemins de fer belges, pendant près de 10 jours. Le 9 juin, la CGT du Nord et la FGTB (Belgique) organisait un rassemblement commun à la frontière franco-belge pour exiger aussi bien le retrait de la loi El Khomri en France que de la loi Peeters en Belgique. Unité de la classe ouvrière ! En France comme en Europe, la victoire est possible !