Grèce : il y a une alternative !

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Dans le numéro d’août 2015 du Monde diplomatique,l’ex-Ministre des finances de la Grèce, M. Y. Varoufakis, livre un récit de ses tribulations dans les institutions européennes intitulé « Leur seul objectif était de nous humilier ». D’une certaine façon ce récit confirme, si besoin était, l’analyse et l’orientation défendue par le GSI : celle de la nécessaire mobilisation pour l’annulation de la dette et de l’abrogation des traités européens.

Partant du constat selon lequel la Grèce est en cessation de paiement en 2010, Varoufakis nous explique que les institutions internationales au premier rang desquelles la BCE «font comme si » la Grèce demeurait solvable. Rappelons que les États de l’UE ont racheté la dette publique grecque aux banquiers privés qui sont sortis indemnes de cette aventure.

« Faire comme si », consiste à continuer à prêter, dans une sorte de fuite en avant, de façon à ne pas avoir à entériner des pertes pour les créanciers de la Grèce, au premier rang desquels on trouve les impérialismes allemand et français, quitte à aggraver ces pertes.

En conséquence, la situation économique et sociale de la Grèce n’a cessé de se dégrader, les travailleurs, la jeunesse, les retraités étant frappés par une brutale régression ; le fardeau de la dette s’est alourdi « mécaniquement » ; et cet alourdissement a, du point de vue de la Commission Européenne(1), « légitimé » le durcissement de sa politique vis-à-vis de la Grèce : c’est un cercle vicieux.

Varoufakis nous livre ensuite la clé de la stratégie de Syriza : « Notre mandat était clair : en finir avec la stratégie du « comme si » et avec l’austérité qui l’accompagne, un cocktail qui avait déjà fait mordre la poussière au secteur privé grec ; démontrer que l’on pouvait opérer les réformes profondes dont le pays avait besoin avec l’assentiment populaire » (nous soulignons – NdR).

Il est encore plus clair quand il affirme que « Notre gouvernement sera un partenaire digne de confiance (…) », le 11 février 2015, lors de la première réunion de l’Eurogroupe à laquelle il participe, présentant ses axes de la renégociation du memorandum signé par le précédent gouvernement grec.

Naïf, Y. Varoufakis ? Certainement pas. Surtout que les « exigences » du gouvernement Tsipras trouvaient un certain écho au Fonds monétaire international (FMI), ce dernier étant favorable à une restructuration de la dette grecque – pour des raisons qui tiennent cependant aux intérêts bien pesés du principal actionnaire de l’institution, l’impérialisme étasunien.

Pourtant, les organes de l’UE, la Commission, le Conseil et la BCE se sont montrés intraitable face au modeste et humble Yaroufakis. Pourquoi ? Parce que l’Union Européenne, taillée sur mesure pour correspondre aux intérêts de la haute finance, ne pouvait accepter de créer un précédent en acceptant de renégocier un traité ou un mémorandum, sauf à frapper encore plus durement les travailleurs, la jeunesse, les couches populaires de toute l’Union Européenne.

C’est la première raison. La seconde, c’est que des contre-réformes très brutales ont été imposées aux États membres de l’UE, au prétexte de la dette et de la « nécessité » de réduire les déficits publics. Pour l’UE accepter de rediscuter avec le gouvernement grec, c’était courir le risque d’une « contagion » dans toute l’Europe.

Des mobilisations se seraient inévitablement produites pour exiger des gouvernements en place et des institutions européennes une remise en cause de l’austérité et de la régression. En conséquence, les gouvernements des pays qui ont imposé des mesures très brutales à leur population, comme ceux des pays baltes ou d’Europe centrale, ont été les plus intransigeants sur ce point.

Les gouvernements français et allemand, membres de la « zone euro », se sont partagés les rôles : au représentant de l’impérialisme français, M. Sapin, celui du « gentil flic », au représentant de l’impérialisme allemand, W. Schäuble, celui du « méchant flic ». Un représentant d’autant plus à l’aise dans ce rôle que c’est sa conception qui l’emporte au sein du Conseil européen et que le dépeçage de la Grèce profite surtout aux capitalistes allemands.

En fin de compte, tous voulaient faire admettre au gouvernement Tsipras et au peuple grec qu’il n’y a pas d’alternative au « memorandum ». À l’issue du référendum de juillet, A. Tsipras a accepté l’oukase de Bruxelles et de Francfort alors que les Grecs, eux, dans leur écrasante majorité, avaient rejeté le programme de contre-réformes voulu par la haute finance et, bien entendu, les capitalistes grecs.

Quand W. Schäuble déclare au Conseil des ministres des finances européens que « on ne peut pas laisser des élections changer quoi que ce soit » et que le président de l’Eurogroupe, J. Dijsselbloem fait répondre à une demande de Varoufakis que « l’Eurogroupe n’a pas d’existence légale. Il s’agit d’un groupe informel et, en conséquence aucune loi écrite ne limite l’action de son président », on a un résumé de ce que sont l’UE et ses institutions : une construction toute entière vouée à la défense des intérêts capitalistes.

En toute logique, l’UE exige que tout gouvernement approuve, sans réserve aucune, l’ensemble des exigences capitalistes. C’est bien pourquoi, bien que le gouvernement Tsipras ait, depuis le début, montré qu’il acceptait les fondamentaux de cette conception, l’UE a voulu qu’il ravale ses « nuances » en l’amenant à capituler en rase campagne.

Cette brillante démonstration de Varoufakis confirme donc, si besoin était, que rien ne peut être tenté par quelque gouvernement que ce soit s’il n’est pas déterminé à s’appuyer sur la mobilisation permanente des masses pour en finir avec le capitalisme. A fortiori, rien ne peut être obtenu par un gouvernement soi-disant de « gauche radicale » qui se fait élire sur un programme tout en admettant les principes de ses « adversaires » et qui annonce qu’il va « jouer le jeu ».

Nous avons vu, en Grèce, à quoi mène le néo-réformisme porté par A. Tsipras et d’autres en Europe : à la trahison des intérêts des travailleurs et de la jeunesse.

Sans l’exigence de l’annulation de la dette, sans le combat pour l’abrogation des traités européens, à commencer par celui de Maastricht, sans la bataille pour la nationalisation des grands moyens de production et d’échange sous contrôle ouvrier, toute politique d’un gouvernement qui prétend, même mollement, défendre les travailleurs et les jeunes est vouée à l’échec. Elle se heurtera à la capacité des capitalistes à empêcher, à saboter, tout ce qui ne va pas strictement dans le sens de leurs intérêts exclusifs.

La Première guerre mondiale a fait la démonstration que, désormais, il n’y a plus de place pour des réformes et que l’époque est mure pour la révolution socialiste. Le prolétariat d’Europe doit retenir la leçon de la Grèce : seule la détermination à en finir avec l’UE et ses traités dans, la perspective des États-Unis socialistes d’Europe, peut fournir une perspective digne de ce nom, une alternative pour les travailleurs grecs et pour tous les travailleurs d’Europe.