Revue de Presse Sociale – Février 2018

Grève EHPAD

Article de L’Internationaliste n°179 de janvier-février 2018

Le début de l’année 2018 se situe dans la continuité de l’année 2017 en terme de conflictualité sociale. Dans tout le continent européen, plusieurs mobilisations de grande ampleur confirment que les travailleurs ne veulent pas payer la crise des capitalistes et de leur système. Si le personnel politique de la bourgeoisie multiplie les annonces triomphales sur la « reprise » de l’économie, la situation réelle de dizaines de millions de travailleurs continue de se détériorer.

En effet, ce qui apparaît comme une « reprise » – au demeurant bien modeste y compris en termes capitalistes – se fait au détriment de l’immense majorité. Les droits sociaux sont remis en cause, les salaires revus à la baisse, les services publics liquidés ou livrés au privé s’ils peuvent être rentables.

D’après l’ONG OXFAM, en 2017, 82 % de la richesse produite dans le monde a été captée par le 1 % des plus riches. Les mobilisations que l’on observe sur le continent européen marquent l’opposition à ce mode de fonctionnement et indiquent que le rejet des gouvernants des riches – dont Macron est la parfaite illustration – est fort.

En Grèce, au mois de janvier, les travailleurs se sont massivement mis en mouvement pour s’opposer à la volonté du gouvernement de restreindre le droit de grève. La « gauche radicale » grecque franchit un nouveau pas dans sa trahison des travailleurs et montre, une fois de plus, son véritable visage.

Le gouvernement de A. Tsipras se fait le meilleur défenseur des contre-réformes imposées à la classe ouvrière grecque par l’Union européenne (UE) et le Fonds monétaire international (FMI). En opposition à ces mesures, le 12 janvier des dizaines de milliers de travailleurs et de jeunes sont descendus dans les rues des principales villes du pays. Les hôpitaux et les services publics étaient fortement perturbés, de même que les ports et les liaisons maritimes.

Une fois n’est pas coutume, les médias dominants se gardent de mettre en avant le « modèle allemand » où la cogestion est de mise. Et pour cause, le pays s’apprête à vivre la mobilisation la plus importante depuis 30 ans dans le secteur de la métallurgie, qui sert de référence aux autres secteurs du pays.

Le syndicat du secteur, IG Metall, qui compte 2,5 millions d’adhérents et négocie un accord pour 4 millions de travailleurs, exige un hausse de 6 % et la possibilité, pour les salariés, d’opter pour la semaine de 28 heures sans perte de salaire pour une durée de 2 ans. De son côté, l’organisation patronale de la métallurgie allemande ne veut qu’une hausse de 2 % sans réduction du temps de travail. Entre le 29 janvier et le 2 février, des centaines de milliers d’ouvriers de quelque 250 entreprises de Bade-Wurtemberg, de Rhénanie du Nord – Westphalie et de Rhénanie – Palatinat sont appelés à faire grève.

Comme le craignait le patronat allemand, le mouvement engagé par IG Metall est en train de s’étendre à d’autres secteurs. Dans la fonction publique, les syndicats exigent des hausses de salaire et une réduction du temps de travail de 41 à 39 heures par semaine. Le syndicat des services, Ver.di, réclame une hausse de 6 %.

Des revendications similaires ont également été formulées par les syndicats de la Deutsche Post et de la compagnie aérienne Lufthansa. Il faut mettre en lien ces revendications et ces mobilisations avec la crise politique que connaît actuellement le pays. Cette crise se traduit par l’affaiblissement sans précédent des partis qui ont imposé les contre-réformes anti-ouvrières depuis plus de 20 ans (SPD-CDU/CSU).

En France, depuis son élection, Macron a adopté une position très bonapartiste, « au dessus des partis politiques et des clivages droite-gauche ». Il a cherché à faire passer ses contre-réformes par ordonnances, en associant les directions confédérales des syndicats aux négociations pour appliquer les contre-réformes.

Cette méthode censée empêcher toute contestation sociale est en train de provoquer l’effet inverse. En cette fin de mois de janvier, on assiste à la multiplication de mouvements nationaux, pour le moment encore sectoriels, mais dont les revendications convergent de plus en plus.

Depuis le mois de mai, il y a eu de très nombreuses grèves quotidiennes. La politique des directions syndicales a contribué à isoler ces mobilisations. Désormais, la perspective du tous ensemble contre la politique anti-ouvrière et anti-démocratique du gouvernement apparaît de plus en plus comme le seul chemin à suivre pour des millions de travailleurs et de jeunes.

Les gardiens de prison ont mené un mouvement de grève, d’une ampleur inédite depuis 30 ans dans ce secteur, qui a duré presque 15 jours. À l’origine, la grève s’est réalisée à l’appel de l’UNSA, de la CGT et de FO. Les revendications visaient à dénoncer le manque de moyens à la suite de plusieurs agressions contre des agents pénitentiaires de la part de détenus.

Les grévistes exigeaient des créations de poste et des augmentations de salaires et la transformation des agents en catégorie C en catégorie B (mentionnons au passage que cette revendication est liée à la défense du Bac comme premier grade universitaire conférant des droits dans le code du travail et les statuts de la fonction publique).

La mobilisation a été massive entraînant le blocage de près des 2/3 des centres de rétention. C’est la signature de l’ UNSA syndicat minoritaire, qui a permis de casser la mobilisation. Du moins temporairement, dans la mesure où aucune des revendications principales n’a été satisfaite.

Le 30 janvier, l’ensemble des organisations syndicales des Établissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD), a appelé à cesser le travail pour dénoncer le manque de moyens en personnel et les bas salaires. La situation des EHPAD a été organisée depuis des années par les différents gouvernements qui ont coupé massivement dans les dépenses de santé.

Pour les gouvernements successifs, tous au service des grands groupes capitalistes, il s’agit également de créer un marché pour les familles solvables des personnes dépendantes. La mobilisation du 30 janvier a été d’une ampleur inédite : près d’un tiers des personnels ont fait grève, des dizaines de rassemblements dans tout le pays ont réuni plusieurs milliers de personnes.

La ministre de la Santé, Agnès Buzyn a réaffirmé qu’il n’y aurait pas d’augmentation du budget dans le secteur. La puissante mobilisation montre que les travailleurs ne comptent pas en rester là.

Dans de nombreux cas, les personnels des EHPAD ont été rejoints par des familles de patients et par des personnels hospitaliers. Ces derniers dénoncent, eux aussi, le manque de moyens, le manque de personnel, la gestion comptable des hôpitaux. Dans plusieurs établissements hospitaliers, des services observent des grèves, parfois très longues, pour dénoncer la situation dans la santé.

À Rennes, dans le service de psychiatrie, les agents ont cessé le travail pendant 66 jours. Pour ne citer que quelques exemples, des services ont également été impactés par des mouvements de grève de plusieurs jours à Chinon, Lyon Sud, Toulouse, Auch, Longjumeau, à Vannes etc. Le fait que les personnels hospitaliers se joignent aux personnels des EHPAD montrent qu’à la base il y a une volonté claire de réaliser le tous ensemble pour stopper la destruction du service de santé publique de la part du gouvernement.

Autre secteur touché par un appel national à la mobilisation : l’enseignement contre la remise en cause du BAC. Cet appel à la mobilisation concerne les lycées et les universités. En remettant en cause le BAC, le gouvernement compte atteindre un double objectif : réaliser des économies d’ampleur via les suppressions de postes ; remettre en cause le BAC comme premier grade universitaire, garantissant l’accès de l’université à tous et les droits collectifs qui vont avec.

Dans de nombreuses universités (Rennes, Toulouse, Lyon, Paris), les composantes (UFR, départements) ont refusé de faire remonter les « attendus » qui permettraient d’opérer la sélection dès la première année du supérieur. De plusieurs universités, cette mobilisation contre la sélection se combine avec la mobilisation contre la fusion des universités, qui est l’aboutissement des contre-réformes de l’enseignement supérieur, permises par les lois LRU (2007) et Fioraso (2013).

Ces mobilisations permettent aux personnels et aux étudiants de dénoncer conjointement la remise en cause du BAC, la sélection et la fusion comme étant différents aspects de la logique de privatisation de l’enseignement supérieur public. Un appel à la grève national a été lancé pour le 1er février dans les universités et les lycées.

Ces mouvements nationaux sectoriels ne doivent pas faire oublier que les mouvements de grèves contre les bas salaires, contre les licenciements demeurent nombreux ailleurs et ne sont isolés pour le moment qu’en raison de la politique de division menée par les directions syndicales au niveau national.

Pour ne prendre que quelques exemples, il y a des arrêts de travail dans les transports à Beauvais et à Metz, dans l’industrie chez Aubert et Duval et chez Trapil (industrie pétrolière), dans la logistique à Viaposte (Seiches sur Loire). De plus, des mouvements de grèves dans le commerce contre les suppressions d’emploi se profilent : chez Carrefour des arrêts de travail sont à prévoir le 8 février contre 2500 suppressions d’emploi.