Revue de Presse Sociale – Octobre 2016
«La lutte de classe est nationale dans sa forme et internationale dans son contenu» K. Marx
La crise structurelle du capitalisme est sous la menace d’une nouvelle déflagration de grande ampleur. Le 22 septembre dernier, les marchés financiers ont applaudi le fait que la réserve fédérale américaine laisse ses taux d’intérêt à des niveaux historiquement bas.
Par conséquent, les bourses américaines flirtent avec leur record historique alors que l’économie réelle stagne dangereusement. Concrètement, cela signifie que le fossé entre les activités spéculatives et l’économie réelle continue de se creuser. Dans ce contexte, les attaques contre les travailleurs se multiplient.
En même temps que les indices boursiers et les dividendes versés aux actionnaires battent de record, le chômage et la pauvreté s’aggravent. Dans le monde les annonces de plans de licenciements s’enchaînent : la banque allemande Commerzbank envisage de supprimer 9000 postes ; le producteur allemand de poids-lourds va supprimer 1400 postes dans sa division moteur ; les effectifs du producteur suédois de téléphones portables Ericsson vont être réduits de 3000 emplois ; le géant américain de la grande distribution Walmart va licencier 7000 travailleurs ; le producteur américain d’ordinateurs Dell va perdre 3000 emplois. Les compagnies aériennes Tunisair et Ibéria vont réduire leurs effectifs de 1000 emplois chacune.
En France, on assiste à la même logique : cet été SFR a annoncé 5500 suppressions de postes sur un effectif de 15 000 travailleurs ; la CGT estime que le groupe Engie (ex-GDF Suez) prévoirait de supprimer environ 10 000 postes ; au mois de septembre, la direction d’Alstom a annoncé sa volonté de fermer son site historique de Belfort, où sont produites des locomotives de train, entraînant plus de 400 licenciements.
À Toulouse, l’entreprise de sous-traitance aéronautique Latécoère, a annoncé la mise en place du premier plan de licenciements depuis sa création, il y a plus de 80 ans, près de 200 postes vont disparaître. Un plan « d’économies » impliquant des suppressions de postes est en préparation chez Airbus. Dans la métallurgie, l’usine Ascométal de Leffrinckoucke va perdre quelque 200 postes. Philipps va licencier quelques 230 ouvriers dans son usine du Loir-et-Cher. Le cimentier LafargeHolcim va supprimer 250 postes.
Cette liste impressionnante de licenciements s’accompagne naturellement par une augmentation du chômage : au mois d’août, les chiffres officiels font état d’une augmentation de plus de 50 000 du nombre de demandeurs d’emplois en catégorie A, s’élevant à près de 3,5 millions. L’ensemble des catégories de chômeurs correspond à quelque 5,5 millions de personnes.
L’ensemble de ces chiffres qui montrent l’ampleur de crise économique et les conséquences dramatiques pour les travailleurs s’accompagne d’une très grande résistance de la classe ouvrière. En effet, parallèlement à ces plans de licenciements, on assiste à de très nombreux mouvements de grève, notamment pour contester ces suppressions de postes réalisées dans le seul intérêt des capitalistes.
Avant de regarder les grèves qui se déroulent en France, mentionnons simplement deux mobilisations qui sont emblématiques de la lutte des classes à échelle mondiale : au mois de septembre, les étudiants sud-africains ont massivement repris le chemin de la mobilisation pour s’opposer à un projet d’augmentation des frais d’inscription. Les étudiants sud-africains ont bloqué trois universités et invoquent les engagements historiques de l’ANC, parti au pouvoir depuis la fin de l’apartheid en 1994, qui stipulaient l’accès gratuit à l’enseignement.
Au Brésil, dans un contexte politique très mouvementé à la suite de la destitution de D. Roussef, un demi-million d’employés de banque sont en grève depuis le 6 septembre pour exiger une augmentation de 15 %. Les travailleurs, désormais en grève depuis 3 semaines, ont refusé une proposition du patronat du secteur de 7 %, ainsi qu’une prime de 1000 euros, la jugeant insatisfaisante. Dans ce pays, des dizaines de milliers de personnes ont également défilé contre la réforme du système de retraite et du droit du travail que le nouveau gouvernement veut mettre en place.
En France, la situation demeure marquée par la lutte contre la loi Travail, qui a été promulguée pendant l’été. Le 15 septembre, il y a encore eu plus de 170 000 personnes dans les rues dont 40 000 à Paris, 5000 à Toulouse, 3500 à Belfort, 2000 à Rouen, 1500 à Tours, 1000 à Nîmes et à Dijon et ce alors qu’aucun effort sérieux n’a été entrepris pour une mobilisation massive.
Il y a eu des débrayages dans le secteur aérien, 15 % des vols ayant été supprimés à Paris, à la SNCF, à la poste, dans les hôpitaux et dans des entreprises du privé. Les entreprises concernées par des plans de licenciements ont mobilisé de manière importante, comme à Belfort (Alstom) ou à Toulouse (Latécoère).
L’état a mis en place d’importantes restrictions à la réalisation des manifestations, notamment dans les villes de Rennes, Nantes et Paris. Des charges policières et des arrestations (plus d’une centaine) ont eu lieu en marge des cortèges, marquant une fois de plus la volonté gouvernement de réprimer le mouvement social.
La presse a annoncé que le 15 septembre serait la dernière journée de manifestation contre la loi travail. Elle n’a pas été démentie par les directions syndicales qui veulent désormais mettre en terme à la mobilisation soit en menant la bataille entreprise par entreprise, soit en se cantonnant au terrain juridique. Étant donné la force de la mobilisation au printemps dernier, les bases syndicales vont sûrement exprimer leur désaccord avec cette stratégie qui tourne le dos à la mobilisation sur le terrain.
Mentionnons également d’autres mobilisations, qui ont notamment eu lieu suite aux annonces de suppressions de poste. Le samedi 25 septembre, quelque 5000 personnes ont manifesté dans les rues de Belfort pour faire pression sur la direction du groupe Alstom et sur le gouvernement, pour exiger le maintien de l’usine qui produit des trains dans la ville.
À Toulouse, quelque 300 personnes se sont rassemblées le 21 septembre devant le siège de Latécorère pour s’opposer à la suppression de 230 postes. Alors que les carnets de commande sont pleins, les actionnaires de l’entreprise exigent plus de dividendes. Dans le Nord, près de Dunkerque, les ouvriers d’Ascométal se sont mis en grève pendant 10 jours et ont occupé leur usine pour s’opposer à la suppression de 180 postes. Un syndicaliste de l’usine décrivait l’état d’esprit des grévistes comme explosif.
De nombreuses grèves se sont déroulées à la Poste, où des mouvements reconductibles ont été lancées en particulier contre les réorganisations de service et les suppressions de poste : au Havre, trois bureaux de poste ont été à l’arrêt pendant plusieurs jours, dans le 13e arrondissement parisien, des postiers ont eux aussi cessé le travail pour des raisons similaires. Il y a également eu des débrayages à Nancy, à Gaillac ou encore à Plérin, en Bretagne.
Dans l’éducation nationale, après une journée nationale de grève appelée le 8 septembre pour s’opposer à la réforme du collège mais aussi pour dénoncer le manque de moyens, de nombreux établissements ont été touchés par des mouvements de grèves spontanés pour dénoncer les conditions déplorables dans lesquelles s’est déroulée la rentrée. Une grève nationale des ATSEM a également eu lieu le 19 septembre à l’appel de plusieurs syndicats. Les grévistes dénoncent le manque des postes.
Plusieurs grèves ont eu lieu dans des collectivités territoriales – communes, départements – pour dénoncer la baisse des dotations financières de l’état. Il y a eu des mobilisations en Indre-et-Loire et en Corrèze pour exiger des créations de poste.
Les médecins hospitaliers se sont massivement mis en grève le lundi 26 septembre pour réclamer une meilleure prise en compte de leur temps de travail et une revalorisation de leurs carrières à l’hôpital. Ils ont également dénoncé la pénurie de praticiens.