Revue de Presse Sociale – Décembre 2017

«La lutte de classe est nationale dans sa forme et internationale dans son contenu» K. Marx
Si l’on se fie aux médias dépendant des grands groupes financiers, on a l’impression que la paix sociale domine et que les conflits sociaux sont rares voire inexistants. Cela est parfaitement en adéquation avec le message que les différents gouvernements d’Europe veulent faire passer.
En cela, ils reçoivent un soutien sans faille des directions syndicales confédérales qui affirment qu’elles ont beau appeler à la mobilisation, les travailleurs ne les suivent pas. Les bureaucrates syndicaux rejettent la faute sur les travailleurs et ne remettent surtout pas en cause leur politique de division et de démobilisation.
Et pourtant, les travailleurs et les jeunes refusent encore et toujours de payer la crise des capitalistes. Avec les moyens dont ils disposent, ils se mobilisent.
Dans le contexte actuel c’est bien évidemment la situation catalane qui attire tous les regards. Et le rôle que la classe ouvrière et la jeunesse sont amenés à jouer sera déterminant pour la suite du processus politique en cours. En ce sens, les grèves générales des 3 octobre et 8 novembre ont constitué les premiers pas nécessaires de la mobilisation des travailleurs pour le respect du vote du 1er octobre, pour l’application de l’indépendance et de la république.
Le 3 octobre, à l’appel des syndicats CGT, COS, Inter-CSC et IAC – les confédérations nationales UGT et CC.OO ne soutenaient pas la grève – les arrêts de travail ont été massifs dans les transports, dans les administrations, dans les services publics, dans l’éducation. Les étudiants également se sont mobilisés. Le 8 novembre, à l’appel de l’Inter CSC, de la CGT, et des CDR, de nombreux points de blocage, plus de 150, ont été observés à travers toute la Catalogne.
En Pologne, après la mobilisation au mois de septembre des enseignants et des parents d’élèves pour s’opposer à une contre-réforme de l’éducation (suppression de postes d’enseignants et réécriture des programmes scolaires), c’est au tour des internes en médecine de se mobiliser.
Dans le courant du mois d’octobre, ils ont cessé le travail et manifesté à plusieurs reprises pour dénoncer le manque de postes et les bas salaires (en moyenne 530 euros après 6 ans d’études). Dans plusieurs hôpitaux, des dizaines de médecins ont observé des grèves de la faim. Cette situation est le résultat de la destruction méthodique du système de santé publique depuis la réintroduction du capitalisme dans le pays, il y a près de 30 ans. Et tout cela avec la bénédiction de la Commission européenne et des institutions financières internationales.
En Belgique, les fonctionnaires se sont mis en grève à l’appel de leurs organisations syndicales, le 10 octobre, le même jour que les fonctionnaires de France, pour dénoncer la politique d’austérité du gouvernement Charles Michel. Le pays a tourné au ralenti et le fonctionnement des services publics a été très perturbé. Il n’y avait pas de bus à Bruxelles, une seule ligne de métro et des tramways sporadiques. Les services de la poste ont également été touchés par les débrayages.
En Italie, des grèves dans les transports ont été organisées à l’initiative de plusieurs syndicats, les 27 octobre et 10 novembre, notamment pour dénoncer la précarisation généralisée, le job act (équivalent de la loi travail mis en place par le gouvernement Renzi) et les coupes dans les services publics. Les perturbations ont été nombreuses dans les bus, trains, avions, métros. Des enseignants se sont également joints aux manifestations et rassemblements organisés dans les différentes villes d’Italie.
En France, c’est, en apparence, une situation étrange qui se développe actuellement dans le domaine social. D’un côté, les politiques anti-ouvrières du gouvernement Macron-Philippe sont rejetées massivement par les travailleurs et les jeunes de ce pays. D’un autre côté, les directions syndicales bureaucratiques font tout pour démobiliser les travailleurs en multipliant les journées sans lendemain, les rassemblements catégoriels, en ne mobilisant pas concrètement sur le terrain.
Et pourtant les mobilisations sont là, exprimant la rage sourde qui grandit au sein de la classe ouvrière contre le gouvernement et les directions qui ne jouent pas leur rôle. Et ce d’autant plus que la brutalité des attaques créent des mécontentements profonds au sein même des appareils. En effet, le regroupement des instances représentatives du personnel et la volonté d’intégration des organisations syndicales remettent en cause la position de nombreux élus du personnel.
Malgré, donc, les tentatives de démobilisation, les travailleurs peuvent se saisir de certaines dates pour se mobiliser. Ainsi, l’ensemble des organisations syndicales (y compris la CFDT) avaient appelé à la grève le 10 octobre dernier dans l’ensemble de la fonction publique. Sous la pression de leurs bases, les syndicats dénonçaient le gel du point d’indice, la suppression programmée de 120 000 postes et les coupes budgétaires. En tout, plus de 400 000 manifestants sont descendus dans la rue. Ils étaient plusieurs dizaines de milliers par exemple à Paris, Toulouse, Marseille. L’ampleur de cette mobilisation est un indice du fort mécontentement qui s’exprime dans de larges couches de la classe ouvrière.
Dans la fonction publique, ont observe également de nombreuses mobilisations locales, en particulier dans la fonction publique territoriale où les coupes budgétaires sont particulièrement importantes. En fait, la plupart des services et administrations sont sous-financées et ce sont les agents et les usagers qui doivent en supporter les conséquences.
Il y a notamment eu des grèves chez les pompiers du Gard, de Gironde, du Rhône, de Bouches du Rhône. Il y a également eu des arrêts de travail chez les agents territoriaux comme par exemple dans le Grand-Poitiers, ou encore dans de nombreuses crèches et cantines à travers le territoire, ou bien encore chez les éboueurs de l’Artois, dans le nord du pays. Ces services ont été particulièrement impactés par la suppression de près de 150 000 emplois aidés.
Face à cette situation, pourquoi n’y a-t-il pas un réel plan de lutte mis en place par les organisations syndicales pour dénoncer l’austérité (mise en place au nom de la réduction de la dépense publique et du paiement de la dette) les suppressions de postes, les bas salaires, et pour construire la mobilisation des travailleurs ? Les mobilisations quotidiennes se font contre la politique des bureaucraties syndicales et contre la politique du gouvernement.
Il y a également des arrêts de travail dans le secteur privé, notamment dans l’industrie. Les ouvriers de la robinetterie industrielle ont par exemple cessé la travail à Villette-en-Vienne pour réclamer une amélioration de leurs conditions de travail et une augmentation des salaires.
Les travailleurs de Nidaplsat dans le Nord, ont entamé leur troisième semaine de grève, pour exiger la réintégration d’un de leur collègue licencié, qui était jusqu’alors en arrêt maladie pour dépression. Ce genre de conflit illustre la tension qui existe au sein de nombreuses entreprises.
On est bien loin de l’image mensongère véhiculée par le gouvernement, le patronat et certaines organisations syndicales sur le gagnant/gagnant et la collaboration harmonieuse entre capital et travail. Même si cela déplaît aux capitalistes, la lutte des classes est une réalité quotidienne et les travailleurs n’ont pas dit leur dernier mot.
Dans la santé et le social, on ne compte plus les arrêts de travail qui touchent les hôpitaux, les EPHAD, les centres sociaux. Par exemple à Landerneau, dans le Finistère, 150 salariés de l’association Don Bosco (médico-social), se sont rassemblés le 7 novembre devant le siège de l’association pour s’opposer à la suppression de leurs 18 jours annuels de congés complémentaires.
Dans les jours à venir, mentionnons quelques mobilisations annoncées et qui risquent d’avoir un écho important.
Le 16 novembre, la CGT, FO (après que Mailly s’est fait mettre en minorité par son comité confédéral, sous la pression des bases), Solidaires et la FSU appellent à une journée interprofessionnelle de grève contre la politique du gouvernement. Le 18 novembre, ce sont les travailleurs des magasins BUT qui sont appelés à cesser le travail. Le 30 novembre ça sera aux travailleurs du groupe industriel Alstom de se mobiliser pour s’opposer au démantèlement de leur entreprise, qui a été bradée par le gouvernement.
Paris le 12 novembre 2017