À quoi sert Jean-Luc Mélenchon ?
Lors des dernières élections présidentielles et législatives, Jean-Luc Mélenchon et la France Insoumise (LFI) ont obtenu des résultats qui pouvaient laisser penser au développement de ce mouvement.
En effet, en l’absence d’une réelle alternative politique pour le monde du travail et la jeunesse, le projet Mélenchon était arrivé à capter une partie du vote des travailleurs et des jeunes – surtout une frange des appareils syndicaux – qui s’étaient mobilisés lors de la loi travail (du moins de ceux qui ne se sont pas abstenus).
Forts de ces résultats électoraux, Jean-Luc Mélenchon et ses acolytes entendaient incarner la principale opposition au gouvernement Macron-Philippe. Six mois après la phase électorale, La France Insoumise traverse pourtant une phase critique, à l’image de toutes les autres forces politiques institutionnelles.
Le 29 octobre, en meeting à Marseille, le chef de LFI a déclaré à propos de la politique d’E. Macron : « Monsieur Macron s’en est vanté dans son interview. Il a dit : ‘J’y suis arrivé en cinq mois’. Bon, il y est arrivé. (…) Pour l’instant, c’est lui qui a le point. Faut pas chercher à le cacher, parce que si on raconte des histoires, on n’est pas crédible (…). On peut espérer reprendre le point. Et c’est clair que si la jeunesse se met en mouvement, ça y est, c’est parti, mais c’est pas le cas ».
Ces déclarations ne sont qu’une énième reformulation de cette vielle attitude héritée du stalinisme et qui a durablement pénétré les appareils syndicaux, selon laquelle s’il n’y a pas de mobilisation c’est la faute des « gens » qui « s’en foutent ». Une telle attitude permet à ceux qui l’adoptent de ne pas faire le bilan de leur action, politique ou syndicale, en rejetant la responsabilité sur les masses « qui n’ont rien compris ».
Cela amène plusieurs questions sur la situation actuelle : E. Macron a-t-il gagné ? Les gens se fichent-ils réellement des attaques en cours ? Et du coup, Jean-Luc Mélenchon, et LFI peuvent-ils représenter une réelle alternative à la politique d’ E. Macron ?
Aux deux premières questions, on peut répondre facilement par la négative. E. Macron a certes fait approuver les ordonnances et l’inscription dans la constitution de l’État d’urgence permanent. Mais la bataille est loin d’être finie et ce d’autant plus que E. Macron a remporté les élections sur la base d’un hold-up électoral, avec une base sociale réduite et qui continue de se réduire : il connaît une popularité très basse, ses ministres sont des inconnus, et son mouvement connaît un important mouvement de désaffection.
Les « gens », (nous préférons le terme de travailleurs) s’en fichent-ils ? L’intense activité de la lutte des classes (rendue invisible par les divisions des appareils syndicaux), la réponse massive des fonctionnaires le 10 octobres dernier, montrent bien la détermination des travailleurs à s’opposer aux contre-réformes du gouvernement.
Les moindres succès des journées d’action sans lendemain montrent en revanche la défiance inédite des travailleurs à l’égard des directions syndicales qui continuent de négocier avec le gouvernement sans apporter la moindre perspective de mobilisation pour défaire réellement la politique anti-ouvrière et anti-démocratique du gouvernement.
Dans ce contexte, le mouvement de la France Insoumise apparaît à contre-courant de l’esprit des masses. Et ce pour plusieurs raisons.
En disant qu’il ne se passe rien, J-L. Melenchon cherche à désarmer toute velléité de combat chez les travailleurs et les jeunes. Mais il faut aussi mentionner d’autres prises de positions qui nous indiquent que le projet de LFI se fait contre les travailleurs et s’inscrit pleinement dans la perspective de sauver les institutions capitalistes.
En France, sur le plan syndical, le leader de la France Insoumise exprime une volonté d’hégémonie sur la classe ouvrière, et s’attaque clairement à l’indépendance des syndicats vis-à-vis des partis politiques et de l’appareil d’État. Aussi a-t-il déclaré qu’il fallait en finir avec la Charte d’Amiens !! Bon nombre de militants ouvriers honnêtes ont dû s’étrangler en entendant ces déclarations.
A propos de la situation en Catalogne, il a défendu la position de Podemos, c’est-à-dire un moratoire et la tenue d’élections. Comme nous le disons dans l’article sur la Catalogne, dans la pratique, Podemos s’est rangé du côté des nationalistes espagnols, de la défense de la constitution, du roi, donc de Rajoy et de sa politique d’austérité contre le mouvement du peuple catalan.
Monsieur Mélenchon, qui prend des airs de Robespierre et appelle à une constituante en France, adopte une position qui dans les faits prend la défense de la tête couronnée en Espagne. Voilà à quoi ressemblera la 6e République de Mélenchon, un énième projet bonapartiste, une 5e République à laquelle on aurait ravalé la façade.
À la fin du mois d’octobre, J.-L. Mélenchon a participé, à Athènes, à la réactivation du « Plan B » avec d’autres organisations de gauche radicale en Europe. Mais là encore, de rupture avec l’Euro et l’UE il n’est point question.
Tout au plus s’est-il prononcé pour que la dette « soit mise au frigidaire », sous forme d’un grand un moratoire. Une telle position est à l’opposé de l’exigence de son annulation. Cela revient à lui accorder une légitimité, alors qu’elle est 100 % illégitime. C’est continuer de défendre la chimère de l’Europe sociale.
Six mois après les élections françaises, LFI apparaît pour ce qu’il est : un projet néo-réformiste qui va vers la droite. Or dans la période actuelle de crise du capitalisme et d’attaques sans précédent de la part de la bourgeoisie financière incarnée en France par le gouvernement Macron-Philippe, il n’y a pas de place pour un tel projet.
C’est pourquoi J-L Mélenchon et son mouvement LFI n’apparaissent pas comme une alternative aux yeux des masses. Non pas parce qu’elles n’auraient « rien compris », mais bien au contraire, parce qu’elles ont justement compris qu’aucune concession aux capitalistes n’était possible.
Aujourd’hui c’est bien un projet politique de rupture avec la capitalisme, pour le socialisme, internationaliste, reposant sur la mobilisation permanente des travailleurs et des jeunes qui constitue la vraie issue par les masses. LFI et J-L. Mélenchon sont un obstacle pour la construction d’un tel projet politique.





