80 ans de la 4ème internationale, témoignage : Léon Trotsky, Ma Vie (en accès libre)

L’essai autobiographique publié sous le titre Ma Vie fut le premier livre que Léon Trotsky écrivit pendant son exil. Il lui fut proposé par un éditeur allemand, le directeur de Fischer Verlag, qui avait fait le voyage de Constantinople dans ce but et fut assez persuasif pour emporter un acquiescement. Trotsky n’avait jamais songé à ce genre d’ouvrages ; bien qu’il fût rompu à toutes les formes d’écrits, depuis l’article de journal, les controverses polémiques jusqu’aux essais théoriques et aux tableaux d’histoire, il avait hésité avant d’accepter l’offre qui lui était faite: la nécessité où il serait de parler de soi, de se mettre constamment au centre du récit, lui était déplaisante ; il était toujours gêné quand il devait le faire. En outre, sa préoccupation dominante était alors d’organiser, dans les conditions nouvelles qui lui étaient imposées, la lutte que, depuis la mort de Lénine, l’opposition communiste menait contre les nouveaux dirigeants du régime soviétique.

Cependant, à la réflexion, l’autobiographie lui apparut comme un moyen de poursuivre la bataille qu’il n’avait jamais cessé de mener pendant les trente années de son activité politique. Si la rédaction des premiers chapitres consacrés à l’enfance, au milieu familial, lui donna du souci -elle lui prit beaucoup de temps, il reprenait ce qu’il avait écrit, retranchait, remaniait- il se sentit parfaitement à l’aise dès qu’il eut à décrire sa rencontre avec les cercles socialistes et ouvriers de Nikolaïev -il avait alors dix-huit ans- et la longue suite d’événements décisifs, personnels et historiques, qui la suivirent. L’autobiographie devenait, sous sa plume, une esquisse du mouvement ouvrier et de la révolution russe durant le « demi-siècle »: il allait avoir cinquante ans, et c’est le titre qu’il aurait voulu donner à son ouvrage ; il dut se résigner à celui, plus banal, que préféra l’éditeur.

La traduction française fut publiée par les Éditions Rieder en trois tomes qui parurent successivement au cours de l’année 1930. Comme je l’ai fait pour la réimpression de l’Histoire de la Révolution russe, il m’a été possible d’en établir un texte révisé et corrigé selon les recommandations de l’auteur. Durant le séjour que je fis dans la maison de Coyoacan en 1939-1940, Trotsky préparait la mise en ordre de ses archives qu’il comptait confier à la Harvard Library où elles seraient plus en sûreté que dans son logis qu’il savait être toujours sous la menace d’un attentat. Il songeait aussi à la réimpression de ses ouvrages ; le peu d’exemplaires qui restaient à la veille de la guerre avaient été découverts et détruits par la Gestapo. Il avait relu, corrigé et annoté l’édition en langue française de l’essai autobiographique ; la présente réimpression faite en tenant compte de ses corrections et recommandations doit donc être considérée comme l’édition définitive. Elle comporte un appendice dans lequel j’ai raconté, trop brièvement, la vie des dix dernières années.

ALFRED ROSMER, Avril 1953.

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