Après le référendum du 6 juillet, quelle issue pour la Grèce ?

Article de L’Internationaliste n°155 de juillet-août 2015
Par Jean-Louis
Le 6 juillet, le peuple grec rejeté à 61,31 % les « propositions » des créanciers du pays. En outre, 37,5 % des électeurs ne se sont pas déplacés pour voter, c’est un fait important dans un pays où le vote est obligatoire.
Ce rejet est une défaite politique pour les créanciers de la Grèce, c’est-à-dire essentiellement les impérialismes allemand et français, l’impérialisme étasunien agissant, ensemble, sous la forme d’une « Troïka » formée par l’UE (Union Européenne), la BCE (Banque centrale européenne) et le FMI (Fonds monétaire international).
Le résultat du référendum est d’autant plus significatif du rejet de la « troïka » que la courte campagne a vu la quasi-totalité des médias grecs et européens appeler au « oui », ne reculant devant aucun chantage ou menace. C’est pour cela que l’on peut estimer que même parmi les électeurs qui ont voté « oui », une proportion l’a fait, non pas par adhésion aux mesures préconisées par la « troïka », mais motivée par la peur.
Ce vote n’est cependant pas sans rappeler le rejet du traité constitutionnel de l’UE, rejet suivi par la mise en place par l’UE et les gouvernements des états membres d’un dispositif pour imposer le traité constitutionnel exigé par les capitalistes, la haute finance.
Là encore, il n’aura pas fallu longtemps pour que le gouvernement Tsipras s’assoie sur la volonté du peuple grec, A. Tsipras ayant pourtant personnellement déclaré qu’il voterait non. Mais n’avait-il pas été contraint d’organiser cette consultation pour apporter une « réponse » à l’exigence des travailleurs et de la jeunesse, excédés de voir que les sacrifices imposés ne débouchent que sur de nouvelles exigences ?
Au lendemain du vote, le ministre des finances, Y. Yaroufakis, a été prié de démissionner, ce qu’il a fait, en signe de « bonne volonté » du gouvernement vis-à-vis des capitalistes qui dépècent la Grèce de façon méthodique depuis 2010.
Les propositions remises ensuite par le Premier ministre grec aux chefs d’État et de gouvernements de l’UE reprenaient les exigences pourtant rejetées par le référendum du 6 juillet, propositions assorties d’une demande de restructuration de la dette grecque à laquelle l’UE reste opposée alors que le FMI y serait favorable !
En effet, au-delà des exigences capitalistes, les intérêts bien sentis des puissances impérialistes ne coïncident pas exactement sur ce dossier, même si, tous, craignent qu’une rupture se produise en Grèce et se propage à l’ensemble de l’Europe, une sorte de « syndrome islandais » dont les effets seraient incommensurables.
Pour mémoire, la phase de la crise du système capitaliste qui a débuté en 2007 avait révélé que les banques islandaises étaient endettées à 9 fois le PIB du pays. Consultés à deux reprises sur un plan de sauvetage des banques, les Islandais avaient voté « non ».
Toutefois, l’Islande est un pays de 240 mille habitants qui n’est pas membre de l’UE. Avec la Grèce ce serait « une autre paire de manches » pour les capitalistes qui pourraient voir les autres peuples, qui se sont vu imposer l’austérité sans fin au nom des critères de convergence et de l’Euro, rejeter à leur tour le joug, le fardeau de la dette.
Les puissances impérialistes redoutent donc par dessus tout, non pas seulement le défaut, la faillite de la Grèce, mais le refus déterminé de millions de femmes et d’hommes de payer une dette illégitime, inique, dont l’existence sert de prétexte pour enfoncer les travailleurs dans la misère et privatiser les services publics au pas de charge.
Les bourgeoisies française et allemande tentent de faire entrer dans le crâne des travailleurs une fable immonde selon laquelle « la Grèce » devrait plusieurs centaines d’euros à chaque Français et à chaque Allemand, mais elles escamotent un fait essentiel : la Grèce est endettée vis-à-vis des États européens car ceux-ci ont choisi de sauver les banques en rachetant leurs créances sur l’État grec.
Sans cette intervention des États, ceux qui ont plongé la Grèce dans la crise, les capitalistes, les spéculateurs, les banquiers, leurs experts-comptables et leurs avocats d’affaires auraient perdu gros.
Cependant, quand les travailleurs allemands et français ont-ils été consultés pour savoir s’il fallait sauver Goldman-Sachs, la Société Générale, la Deutsche Bank et les autres rapaces ; quand les travailleurs Étasuniens ou Britanniques ont-ils été consultés pour savoir s’il fallait sauver les gangsters de Wall-Street ou de la City et leur permettre de recommencer à creuser notre tombe avec une ardeur renouvelée ?
La réalité est que la dette publique n’est pas la conséquence d’un coût qui serait trop élevé des retraites, de la protection sociale, des services publics, des salaires : Non ! La dette publique est le résultat d’une volonté délibérée des gouvernements au service des capitalistes, la volonté de sauver ces derniers coûte que coûte. Ainsi, de 2007 à 2012, la dette publique en France a augmenté de 650 milliards d’Euros, exclusivement au bénéfice des capitalistes.
Le gouvernement Tsipras a été élu sur un mandat qu’il a décidé de ne pas respecter. Il a refusé de rompre avec la « troïka » cherchant toutes les occasions de maintenir un cadre qui lui permettrait d’apporter sa pierre au sauvetage de l’édifice vermoulu du capitalisme en multipliant les initiatives pour faire en sorte que des négociations continuent avec la « troïka ».
Aujourd’hui, Syriza est en crise, Tripras vient de remanier son gouvernement pour en expulser les ministres qui se sont prononcés contre les mesures adoptées, avec l’appui du principal parti bourgeois, la « nouvelle démocratie » ! Cela alors que la démonstration politique a été apportée le 6 juillet que l’annulation de la dette est non seulement nécessaire mais possible pour un gouvernement qui s’appuierait sur les travailleurs et la jeunesse !
En effet, chaque jour pose comme une nécessité impérieuse de combattre, dans toute l’Europe et dans chaque pays, dans l’unité, pour l’annulation de la dette. Dans toute l’Europe car les traités qui organisent une Europe au service des capitalistes doivent être combattus, abrogés !
Tous les partis, syndicats, organisations qui se réclament de la classe ouvrière devraient s’engager massivement dans cette bataille qui impose de prendre des mesures d’urgence en faveur des travailleurs, chômeurs, retraités et de la jeunesse. Ce combat pose une autre exigence : retirer aux capitalistes les moyens d’agir en prenant une première mesure dans ce sens en nationalisant les banques et les assurances, sans indemnité ni rachat, sous contrôle ouvrier.