Le FIT-U et la dette : la faillite atteint la gauche

Fuera Macri, Dehors Macri. Manifestation en Argentine

Nous publions une traduction d’une contribution au débat sur la dette en Argentine et dans le monde publiée sur le site de Politica Obrera (tendance de PO)1 . Il nous semblait pertinent pour nourrir le débat de faire connaître en France cette polémique avec la politique du FIT-U, coalition électorale de différentes organisations qui regroupe entre autre le PTS, le MST, PO officiel et IS.

Nous rappelons aussi que nous avions abordé cette question dans un article publié le 16 octobre sur notre site et intitulé : « Face à la crise économique qui frappe durement le peuple travailleur les organisations trotskystes du FIT-U doivent sans attendre mobiliser pour ‘‘dehors Macri et le FMI’’ ».

Le FIT-U et la dette : la faillite atteint la gauche

par Ana Belinco et Joaquin Antúnez

Le 5 février 2020

Le vote au Congrès National de la loi de « Restauration de la soutenabilité de la Dette Publique Étrangère » a mis à nu non seulement la faillite nationale, mais aussi la faillite de l’ensemble du FIT-U.

Qui enquête ?

Dans une déclaration conjointe des organisations qui le composent, le FIT-U commence par indiquer que le projet de loi est un « chèque en blanc » pour l’Exécutif. Avec cet argument, il réclame la nécessité « d’une enquête » sur la dette, mais dans aucune ligne de cette longue déclaration n’est donné un indice sur qui devrait mener à bien cette enquête, ce qui revient à renvoyer cette responsabilité au Congrès National.

Ce positionnement douteux a été explicite pendant les interventions des députés du FIT-U, dans lesquelles, maintes et maintes fois, ces derniers ont exigé qu’on mette en marche les mécanismes parlementaires de contrôle du Congrès, c’est-à-dire en faisant croire qu’il est possible d’obtenir une avancée par ce moyen.

Le Congrès a précisément démontré pour la énième fois qu’il n’en était rien, en donnant à l’exécutif le « chèque en blanc » de la soutenabilité de la dette.

Quand le Congrès a déclaré le défaut (de paiement), en décembre 20012, pour mettre fin à la convertibilité peso/dollar, il a démontré les extrêmes auxquels il est disposé à aller devant une faillite généralisée de l’économie, ce qui n’a jamais signifié d’arrêter d’honorer la dette contractée ni d’enquêter.

En juillet 2018, le groupe parlementaire du PTS avait présenté un projet qui appelait à un referendum sur la dette. Ce projet a été signé par le député de PO. La question stratégique de la dette a été mise à la merci du système électoral contrôlé par l’État et le capital.

D’autre part, la déclaration conjointe soutient : « Nous posons la rupture avec le FMI et le rejet et le non paiement de la dette usuraire ; la nationalisation du système bancaire, du système énergétique et des richesses et du patrimoine national, pour centraliser les ressources et mettre en marche une transformation intégrale sous la conduite politique des travailleurs pour donner satisfaction aux nécessités sociales pressantes ». Il s’agit de paroles vides qui évitent, soigneusement, de tracer un plan de lutte ou d’ action.

L’épicentre de la crise

La caractérisation politique de l’ensemble du FIT-U dans sa déclaration souffre d’un grand absent : le rôle de l’Argentine dans la crise continentale et, surtout, le risque de faillite que signifie pour le FMI et l’économie mondiale, un défaut de l’Argentine.

La faillite de l’Argentine est un fait inévitable. Il n’existe pas de possibilité de paiement de la dette externe, comme le démontre la spirale de la croissance en Argentine et dans le monde, dans un cadre de récession et de déflation. La dette publique mondiale équivaut à cinq fois le PIB mondial.

L’Argentine revêt une importance stratégique pour le FMI. En effet, une faillite du pays signifierait que le FMI n’est pas un facteur « stabilisateur » des pays en faillite. Le FIT-U néglige cet aspect dans sa déclaration et assume une formule du passé, « que cet argent aille aux travailleurs, non aux capitalistes ». C’est, comme nous l’avons indiqué, négliger le caractère purement spéculatif de la dette.

Le FIT-U de cette façon jette par-dessus bord la voie d’une clarification de cette question pour l’ensemble des travailleurs. Une campagne contre le paiement de la dette externe et pour toutes les revendications populaires ne peut pas omettre ce point, parce que c’est la base objective et matérielle des tendances à la rébellion populaire en Argentine et dans de nombreux pays. Le FIT-U peut faire des dénonciations partielles, mais il ne trace pas une perspective politique, sauf s’il est défaitiste.

Une histoire à dormir debout

Un dernier élément, à noter dans cette déclaration, est celui relatif « aux tendances à la lutte qui sont présentes dans le mouvement de masses ». A souligner, car c’est un revirement à 180 degrés de la caractérisation et du discours du FIT-U qui ne fait plus appel à sa théorie (…) du « conservatisme » des masses dans la situation politique.

En période électorale non seulement le FIT-U a nié les luttes en cours, mais de plus, en votant pour la Loi d’urgence alimentaire, qui est un maillon de la chaîne des lois de sauvetage, il a été la jambe gauche du régime. Sans parler des propos réitérés du grand patron du Pôle Ouvrier pour « que Macri continue ».

Une rébellion populaire comme à Mendoza ou une résistance tenace des travailleurs de Minetti contre deux tentatives d’expulsion ont été nécessaires pour que le FIT commence à courir derrière les tendances à la lutte du mouvement de masses (…)


1. https://politicaobrera.com/politicas/450-el-fit-u-y-la-deuda-la-quiebra-alcanza-a-la-izquierda

2. Quand l’Argentine s’est déclarée en défaut de paiement sur 100 milliards de dollars de dette à la veille de Noël 2001, le 23 décembre, le pays était en effervescence. Après la répression sanglante de manifestations populaires, le président Fernando De La Rua (1999-2001) avait fui en hélicoptère le palais présidentiel assailli par les manifestants. Quelques semaines plus tôt, des restrictions aux retraits bancaires avaient mis le feu aux poudres, affectant notamment la classe moyenne, qui s’était mobilisée lors de concerts de casseroles. Le chômage était de 20% et le taux de pauvreté avait passé la barre des 50%.