Été 2020 : 275 « plans sociaux », 43 000 emplois détruits

Manifestation en soutien aux salariés de Nokia Lannion, ce samedi 4 juillet 2020 dans le centre ville de Lannion en Bretagne Manifestation en soutien aux salariés de Nokia Lannion, ce samedi 4 juillet 2020 dans le centre ville de Lannion en Bretagne

Loic le 2 août 2020

Le 30 mai, près de 10 000 personnes déferlaient à Maubeuge (Nord) contre les « restructurations » de Renault, qui cherche à détruire 4 600 emplois en France.

Le jeudi 2 juillet, les salariés d’Airbus à Toulouse étaient des milliers en grève et en manifestation contre l’annonce de la suppression de 15 000 emplois.

Le samedi 4 juillet, entre 3 500 et 5 000 personnes ont manifesté à Lannion (Bretagne), contre la destruction de 1 200 emplois chez Nokia. Ils ont été rejoints par une délégation de salariés de HOP ! (filiale d’Air France) venus de Morlaix, qui eux aussi se battent contre les licenciements.

Mai, juin, juillet 2020 : un million de chômeurs en plus !

Alors que le chômage de masse est en train de s’installer en France, le gouvernement essaie de faire diversion. Il reprend la rhétorique sarkozyste en disant que le problème n°1 c’est… l’insécurité !

Pourtant, selon le Ministère du travail, 275 « plans de sauvegarde de l’emploi » (PSE) ont été enclenchés depuis le 1er mars, soit 43 000 emplois que le patronat souhaite détruire. Mais ceci n’est que la partie visible de l’iceberg, puisque sur la même période, 2000 entreprises ont fait des plans de licenciements pouvant aller jusqu’à 10 personnes.

Ce n’est pas tout : fin mai, Pôle Emploi annonçait que le nombre de chômeurs (de catégorie A1) avait augmenté d’un million entre mars et mai 2020, du jamais vu depuis 1996. Et E. Macron, dans son interview du 14 juillet 2020, annonçait qu’il y aurait un million de chômeurs en plus d’ici le printemps 2021 ! En un mot, la bourgeoisie française souhaite licencier à grande échelle !

Le Covid, un prétexte pour fermer et licencier

Les articles de la presse bourgeoise et la télévision le répètent à l’envi : si les entreprises licencient et/ou ferment aujourd’hui c’est la faute des Gilets Jaunes, des grèves contre la réforme des retraites et du Covid-19.

Rien de plus faux, le Covid-19 n’est qu’un prétexte pour appliquer des coupes budgétaires, des économies, des fusions, déjà prévues avant la pandémie.

Certaines entreprises ont organisé des référendums pour baisser le temps de travail de manière « démocratique », d’autres ont tout simplement exercé un chantage sur leurs salariés : accepter une baisse des salaires ou perdre son emploi.

L’objectif du patronat et du gouvernement est de faire porter la responsabilité de ses fermetures sur les travailleurs et de faire taire toute contestation et toute mobilisation.

On cherche également à nous « endormir », nous « faire passer la pilule », en utilisant la formule « Plan de Sauvegarde de l’Emploi » (PSE) pour désigner la destruction pure et simple de dizaines de milliers d’emplois.

Cet euphémisme, entré dans le code du travail en 20022, pour atténuer et minimiser le terme de « plan social », lui-même pour minimiser le plan de licenciement ou la mise au chômage. De sauvegarde de l’emploi, il n’y en a – et n’en aura aucune, hormis par la mobilisation des travailleurs.

De nombreux mécanismes ont été mis en place pour que le patronat touche des subventions publiques, bénéficie d’exonérations d’impôts, ou ne verse pas nos cotisations sociales. Leurs dépenses ont donc été réduites au minimum pendant le confinement, pourtant ils vont « restructurer » c’est-à-dire socialiser les pertes et privatiser les profits, fermer des entreprises jugées pas assez rentables, délocaliser des sites pour baisser les salaires encore plus vers le bas.

Les causes des fermetures actuelles sont en fait antérieures à la crise sanitaire. Certaines étaient déjà programmées plusieurs mois avant le confinement, et le Covid-19 est le prétexte idéal pour accélérer le processus.

Les subventions publiques sauvent le patronat et les actionnaires, pas les emplois

Prenons le cas de la chaîne de restauration Courtepaille. Cette chaîne s’est déclarée en « cessation de paiement » au tribunal de commerce le 21 juillet 2020. Ceci a déclenché une procédure de « redressement judiciaire ».

Ces 10 dernières années, la chaîne Courtepaille aura été rachetée et revendue 3 fois : en 2011 par le « fonds d’investissement » Fondations Capital pour 245 millions d’euros. En 2015, elle est rachetée par fonds britannique Intermediate Capital Group (ICG). En 2011 et 2015, il n’y avait évidemment pas de Coronavirus. En 10 ans, le nombre de salariés est passé de plus de 3000 à moins de 2700.

Aujourd’hui quatre « repreneurs » ont fait des « offres » pour racheter tout ou partie de la chaîne. Parmi les 4 candidats on trouve: le « groupe Bertrand » (possédé par le groupe financier Natixis), Buffalo Grill (possédé par TDR Capital), la « holding Walter Butler », spécialiste de la reprise d’entreprises en difficulté, et enfin Naxicap « fond d’investissement » (lié à Natixis!)

Buffalo Grill (TDR Capital) vient de bénéficier d’un Prêt Garanti par l’État de 80 millions d’euros, de même pour le Groupe Bertrand : il a bénéficié de 35 millions d’euros d’argent public.

Ainsi, la haute finance achète et vend des chaînes, des entreprises, réalise des fusions/acquisition, se débarrasse de branches pas assez rentables, pour réaliser des profits à court terme. Et si en plus, elle peut s’accaparer de l’argent public, elle en profite !

On voit donc qu’à l’image d’Air France ou de PSA, l’argent public va servir à licencier des travailleurs ! Il s’agit d’un véritable scandale !

Ainsi, le Covid-19 et le confinement ont servi d’accélérateur à des processus qui étaient déjà amorcés. Autrement dit, l’économie de marché n’a strictement rien à faire de la vie des travailleurs. Ce qui l’intéresse, ce sont leurs profits à court- et très court- terme.

Aucun salarié n’est épargné !

Le cas Nokia est symptomatique : l’entreprise fait du profit et a versé des milliards de dividendes ces dernières années aux actionnaires.

Le 22 juin 2020 elle souhaitait « rationaliser » son activité. En France, l’entreprise veut ainsi supprimer 1200 emplois, principalement des postes d’ingénieurs travaillant dans des services de Recherche et Développement (R&D) notamment sur la technologie 5G.

Au fur et à mesure de ses rachats successifs, le site de Lannion (Bretagne) a connu 13 plans sociaux en 10 ans ! En 30 ans, les salariés sont passés de 2000 à 800.

Comme si cela ne suffisait pas, les propriétaires successifs (Alcatel, Alcatel -Lucent, Nokia) s’en sont mis plein les proches avec les subventions publiques : de la Région, de l’État mais aussi de l’Europe. En 4 ans, Nokia a par exemple bénéficié de 280 millions d’euros de crédit impôt recherche (CIR) de la part de l’État français.

Ainsi, une entreprise peut tout à fait toucher des subventions publiques, faire du profit, et licencier sans vergogne ses salariés, qu’ils soient ouvriers, techniciens ou ingénieurs.

Avec le cas Nokia – mais il en est de même avec les suppressions de postes dans l’aéronautique à Toulouse – on voit que nul n’est à l’abri d’un licenciement !

On l’a vu, les attaques contre les travailleurs sont extrêmement brutales. Les « plans de sauvegarde de l’emploi » des travailleurs, sont uniquement des plans de sauvetage des profits des patrons et des actionnaires.

Les salariés concernés par les plans de licenciements sont déjà mobilisés, ils débordent parfois les directions des organisations syndicales bureaucratiques. Et ils ont raison.

On voit bien que le capitalisme mène dans l’impasse les travailleurs et la jeunesse, n’ayant à offrir que la surexploitation combinée au chômage. N’est-il pas temps d’en finir avec ce système, de le balayer ?

Pour le maintien de tous les postes et l’interdiction des licenciements, nationalisation sans indemnité ni rachat et sous contrôle des travailleurs des entreprises qui licencient !


Récapitulatif des plans de licenciement cités dans l’article :
Airbus15 000 licenciements en France
Air France7500
dont HOP !1 019 sur 2 421 postes
André (chaussure)222 sur 410 postes
Camaieu3200 (= l’ensemble des salariés)
Courtepaille2700 salariés (= l’ensemble des salariés)
La halle2200 sur 5500 salariés
Nokia1.233 emplois en France 400 à Lannion (la moitié des emplois)
Renault4600 licenciements programmés

1 Selon le site service-public.fr, le chômeur de « catégorie A » est une «  Personne sans emploi, tenue d’accomplir des actes positifs de recherche d’emploi, à la recherche d’un emploi quel que soit le type de contrat (à temps plein, à temps partiel, temporaire ou saisonnier)

2 Cette nouvelle appellation est due à la loi n°2002-73 de « modernisation sociale », mise en place par le gouvernement Jospin (Parti Socialiste)